Faisant fi des attaques essuyées la veille de la part d'éléments armés ayant tenté de les disperser, les manifestants étaient présents par centaines jeudi matin à Nabatiyé pour faire entendre leurs revendications, au huitième jour du soulèvement populaire qui agite le Liban. Une journée également marquée par la démission de plusieurs élus du conseil municipal de la ville, en signe de protestation contre la répression des manifestations.
Les contestataires étaient rassemblés depuis le début de la matinée en plus grand nombre encore que la veille, sur la place se trouvant devant le Sérail de la ville. Un militant ayant requis l'anonymat estime que cette importante mobilisation est due à "la protection de l'armée". Ils ont été rejoints en fin de matinée par un grand nombre de manifestants venus en procession depuis la localité voisine de Kfar Remmane, en signe de solidarité. La procession était encadrée par un fort déploiement des forces armées. Arrivés à Nabatiyé, tous les manifestants chantaient en chœur l’hymne national et acclamaient les soldats présents sur place. Ils se sont installés sur le trottoir derrière des barrières, permettant le passage de véhicules sur la route longeant la place. Brandissant des drapeaux libanais, ils scandaient "A bas le règne des voyous, le peuple est une ligne rouge", "128 (députés) tous des voleurs" ou encore "L’État est devenu une blague".
En début d'après-midi, une altercation a eu lieu entre des manifestants et le conducteur d'une voiture qui tentait de passer sur la place du Sérail. Selon des manifestants, cités par la chaîne de télévision locale LBC, le conducteur du véhicule a voulu "les provoquer", dégainant notamment une arme. L'armée est intervenue pour apaiser la situation et faire reculer les manifestants qui, après l'incident, ont voulu fermer entièrement la route en s'asseyant à même le sol. Après des négociations avec les forces armées, les contestataires sont retournés dans la zone qui leur est réservée.
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La veille, le mouvement de contestation avait dû faire face à des attaques de la part de dizaines de fonctionnaires de la municipalité, partisans du Hezbollah et dont plusieurs étaient armés, ainsi que des fidèles au président du Parlement Nabih Berry. Infiltrés parmi les manifestants, ces employés municipaux les avaient roués de coups et empêché les journalistes de filmer l'incident. Ces attaques ont fait 25 blessés. L’armée, présente sur les lieux, s'était finalement interposée entre les deux parties. Dans un communiqué publié en soirée, la municipalité de Nabatiyé avait affirmé qu’elle avait pris la décision de rouvrir la voie bloquée par les manifestants qui paralysent l’activité économique du souk de la ville, appelant l'armée à rouvrir les routes, sans quoi ils seraient "contraints" de le faire eux-mêmes. Dans la matinée de jeudi, des rumeurs concernant le décès de l'une des victimes de la ratonnade qui se trouvait dans un état critique avait toutefois été démenties.
En signe de protestation contre les actions violentes prises par la municipalité de Nabatiyé et contre les menaces proférées à l'encontre des manifestants, plusieurs élus du conseil municipal de la ville, Abbas Wehbé, Ahmad Daher, Mohammad Sabbah et Tarek Bitar, ont présenté leur démission. Deux fonctionnaires de la municipalité de la localité voisine de Nabatiyé el-Fawqa, Haytham el-Azzi et Walid Ghandour, ont également présenté leur démission.
Depuis le début du soulèvement à l’échelle du pays le 17 octobre, les manifestants dans les zones contrôlées par les formations chiites Amal et Hezbollah sont intimidés par les deux partis. En signe de solidarité avec les habitants, les manifestants rassemblés sur les places des autres localités du pays ont scandé à plusieurs reprises depuis mercredi, des slogans de soutien.
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commentaires (6)
Une nécessité absolue sera de rendre les sous volés par tout homme politique, quil soit du Nord du sud de l'ouest et de l'est. Qu'on en oublie aucun, parce qu'il ne s'agira plus de hurler avec les loups, mais de dégager les brebis galeuses du troupeau. Les libanais, tous victimes , ont le devoir d'être très exigeant à ce sujet.
FRIK-A-FRAK
17 h 34, le 24 octobre 2019