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Liban - 13 octobre

La fracture entre « militaires » et « civils » aounistes se confirme

Une déferlante orange à Hadeth pour plébisciter le régime, en riposte au réquisitoire prononcé la veille contre le CPL lors d’une messe célébrée en présence d’une foule d’anciens officiers de l’armée.

La messe des anciens militaires et dissidents aounistes célébrée à l’église de l’Assomption à Dbayé. Photo Jeanine Jalkh

Une même commémoration a généré deux paysages politiques contrastés au cours du week-end dernier. Célébrée séparément dans des styles totalement opposés, le souvenir de la date douloureuse du 13 octobre 1990 a révélé comme jamais auparavant la profondeur du schisme au sein de la mouvance aouniste.

Samedi, c’est pour la sobriété et le recueillement qu’ont opté les compagnons d’armes des militaires décédés à cette date, et en présence du député Chamel Roukoz, membre du groupe parlementaire aouniste, et de plusieurs dissidents du Courant patriotique libre (CPL). D’une extrême virulence, les discours politiques qui ont suivi la messe solennelle célébrée à l’église de l’Assomption à Dbayé n’ont pourtant pas manqué au tableau, dénonçant la faillite de l’État et du régime. Hier, c’était autour du CPL mené par Gebran Bassil de récupérer à son tour cette date historique, lors d’un gigantesque festival populaire organisé à Hadeth et destiné à plébisciter le mandat de Michel Aoun. Marquée par le sceau du recueillement à la mémoire des militaires décédés le 13 octobre – date à laquelle le général Michel Aoun, chef du « gouvernement de militaires », fut délogé du palais de Baabda à la suite d’une invasion syrienne des régions sous son contrôle –, la cérémonie organisée par le courant aouniste dissident comptait principalement d’anciens militaires, près de 80 pour cent des quelque 600 personnes présentes à l’événement. Le ton était à l’amertume et à la déception, la cérémonie s’étant transformée en réquisitoire prononcé contre le régime et ses multiples déboires et dysfonctionnements, dont la corruption rampante.

À Hadeth, fief du CPL, où des milliers de partisans et sympathisants (des civils principalement) se sont rassemblés, l’ambiance était plutôt aux festivités et à l’étalage des grands moyens. Là, le mot d’ordre était au « renouvellement du soutien » au président Michel Aoun et au chef du CPL, Gebran Bassil. La marée orange qui a déferlé sur les lieux n’était autre qu’un moyen pour le CPL de rappeler la popularité dont continue de bénéficier son chef mais aussi le président.

« Je suis venu pour démontrer, aux côtés de tant d’autres, que le chef de l’État, que l’on cherche aujourd’hui à isoler, n’est pas seul. Regardez le flot humain venu le soutenir ainsi que M. Bassil », confie à L’Orient-Le Jour Georges, 58 ans.

À l’entrée de la place qui a été bouclée par les forces de l’ordre, des miniportraits du chef du CPL étaient distribués à profusion aux participants. Les panneaux d’affichage arboraient d’immenses photos du chef de l’État. Sur l’un d’eux, ont pouvait lire : « On ne peut rien contre celui qui bénéficie de la puissance divine. »



(Lire aussi : Y-a-t-il désormais deux courants aounistes en lice ?)



Le divorce
Aussi bien à Dbayé qu’à Hadeth, les « martyrs » du 13 octobre, dont les deux camps ont affirmé vouloir honorer la mémoire, ont servi de dérivatif pour révéler au grand jour la fracture, de plus en plus patente, de la mouvance aouniste.

Dans un discours dont de larges extraits étaient destinés à riposter aux dissidents, Gebran Bassil a affirmé qu’il « ne permettra à personne de dérober la commémoration du 13 octobre ». « Ceux qui ont essayé de ravir le 14 mars ont été éliminés et nous, nous sommes restés », a-t-il lancé, laissant entendre que le même destin sera réservé aux dissidents.

Désormais les tensions entre Chamel Roukoz et Gebran Bassil, tous deux gendres du président, ne sont plus dissimulées et l’opposition entre les deux hommes semble avoir pris un tournant irréversible. Derrière ce qui semble être devenu l’embryon d’un large mouvement de contestation mené par M. Roukoz, il y aurait un nombre important d’anciens militaires que rejoindraient plus discrètement, selon les témoignages recueillis lors du rassemblement de Dbayé, un grand nombre d’officiers au sein de l’armée.

D’ailleurs, c’est la première fois que M. Roukoz se prononce d’une manière aussi directe contre le régime, ayant jusque-là œuvré à ménager le président. Dans un communiqué rendu public à l’issue de la messe des dissidents, le député a tiré à boulets rouges, mais sans le nommer, sur le chef du CPL, ciblant en même temps le mandat.

« La commémoration du 13 octobre aujourd’hui a un goût différent, teinté d’amertume en raison des opportunités ratées et des sacrifices qui ont été remplacés par la soif du pouvoir et de l’autoritarisme que le Liban a rarement connus dans son histoire », a souligné Chamel Roukoz. « Au lieu de récompenser ceux qui n’ont jamais hésité à donner tout ce qu’ils ont pour le Liban, nous assistons à une réduction des retraites et indemnités de ces personnes afin de couvrir l’échec de la classe politique à gérer le pays », a regretté l’ancien militaire.

Le général à la retraite s’était opposé ouvertement aux articles du budget 2019 imposant des taxes aux militaires à la retraite, projet soutenu par le CPL et largement dénoncé au sein des effectifs de l’armée.



(Lire aussi : 13 octobre 1990 : Roukoz, dissidents aounistes et militaires à la retraite réunis à Dbayé



L’inertie du président
Rassemblés en grand nombre sur la place de l’église de l’Assomption, plusieurs anciens militaires et officiers ont exprimé leur profonde amertume à l’égard de cette initiative dont ils font assumer notamment la responsabilité au chef de l’État, un ancien militaire comme eux mais qui « a laissé faire et fait montre d’inertie face à M. Bassil », comme le relève un ancien officier de l’armée.

C’est à ceux-là notamment et aux dissidents dans leur ensemble que le chef du CPL a répondu hier alors qu’il évoquait les « droits des militaires ».

« Ils nous ont dépeints comme des ennemis, alors que nous étions soucieux de leurs intérêts que nous avons tenté de défendre en prenant des mesures pour empêcher le temple de s’écrouler. Si cela devait se produire, ce sont tous vos droits qui partiraient en éclats », a-t-il dit.

M. Bassil a également rendu la monnaie de sa pièce à M. Roukoz, qui, la veille l’avait implicitement tenu pour responsable, ainsi que l’ensemble de la classe dirigeante, d’avoir mené le pays à la « dégénérescence », appelant les citoyens et les compagnons d’armes à se soulever « contre ceux qui leur ont volé leur rêve d’une vie digne ».

À ceux-là, le chef du CPL a répondu en rejetant la balle dans le camp de « tierces parties » et de « milices », à qui il a fait assumer la responsabilité de la dégradation de la situation économique et du fléau de la corruption.

« Devenu comme un butin de guerre que les milices s’arrachent, l’État nous offre un spectacle de désolation et démontre son incapacité à mettre un terme à cette avidité », a martelé M. Bassil, qui s’est placé à l’extérieur de la structure du pouvoir dont il fait pourtant partie. Le ministre s’est également désolidarisé du reste de l’exécutif en s’en prenant à « ceux qui gouvernent le pays et qui ne semblent pas disposés à engager des réformes ». Il a également pointé un doigt accusateur en direction des puissances étrangères, qui, a-t-il dit, « mènent une guerre économique » contre le Liban.

Les propos de M. Bassil se voulaient également une riposte au discours incendiaire prononcé à l’issue de la messe de Dbayé par le général à la retraite Hanna Makdessi, qui avait fustigé de manière virulente un « État failli, gouverné par des bandes », dénonçant une « corruption inimaginable » dans un « pays misérable tenu par des charognards depuis 30 ans ».

« Une meute de politiciens, notamment des enfants parmi eux, jouent avec le destin du pays et de leurs administrés. Ils ont conclu des marchés douteux, amassé de l’argent, dévoyé les administrations avec la logique des obligés et mené le pays à la faillite », avait-il dit.



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Une même commémoration a généré deux paysages politiques contrastés au cours du week-end dernier. Célébrée séparément dans des styles totalement opposés, le souvenir de la date douloureuse du 13 octobre 1990 a révélé comme jamais auparavant la profondeur du schisme au sein de la mouvance aouniste. Samedi, c’est pour la sobriété et le recueillement qu’ont opté les compagnons...

commentaires (5)

Quand la vérité pique ...

Hitti arlette

17 h 21, le 14 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Quand la vérité pique ...

    Hitti arlette

    17 h 21, le 14 octobre 2019

  • Il s'est servi de l'armée puis des milices pour atteindre le pouvoir. Pour certains c'est du chatara aal lebnéné pour d'autres c'est vendre le Liban à l'Iran. Mon avis? Hélit él balad bil wayl, tout les reste ne sert à rien.

    Wlek Sanferlou

    15 h 51, le 14 octobre 2019

  • CA RESTE DEBOUT TANT QUE LE VRAI CHEF EST VIVANT. L,APRES C,EST UNE AUTRE QUESTION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 01, le 14 octobre 2019

  • Yaani Fracture pour Fracture, on aurait voulu plus evidente que ca !

    Gaby SIOUFI

    09 h 34, le 14 octobre 2019

  • Contentez vous de ça mes chevaux.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 36, le 14 octobre 2019

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