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Moyen Orient et Monde - Décryptage

L’alliance américano-saoudienne dans la tourmente

Si Washington prétend vouloir soutenir Riyad face aux attaques dont il est l’objet, l’imprévisibilité de Donald Trump n’augure en rien de l’indéfectibilité de cet appui.

Le président américain, Donald Trump, et le prince hériter saoudien, Mohammad ben Salmane, à la Maison-Blanche, le 20 mars 2018. Mandel Ngan/AFP

La verve ironique du président russe, Vladimir Poutine, lors du sommet d’Ankara il y a deux jours restera-t-elle dans les mémoires ? Devant une assemblée hilare rassemblant les dirigeants turcs et iraniens, l’homme fort de la Russie a listé les options défensives qui s’offrent, selon lui, à l’Arabie saoudite, suite aux attaques contre des installations pétrolières samedi dernier qui ont frappé le royaume en plein cœur. Après avoir suggéré d’en revenir à une sourate du Coran appelant à la non-violence, M. Poutine a proposé à Riyad, de manière plus réaliste, d’acheter « des systèmes anti-aériens à la Russie de la même manière que l’Iran l’a déjà fait en achetant les systèmes de missiles russes S-300, et de la même manière que la Turquie l’a déjà fait en achetant les systèmes de missiles russes S-400 ». Les insinuations du président russe désopilent la salle. Le président iranien, Hassan Rohani, ne peut refréner un fou rire ; le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, se retient comme il peut ; le président turc Recep Tayyip Erdogan sourit.

En invitant les Saoudiens à suivre l’exemple des Iraniens et des Turcs dans leurs choix défensifs, la proposition de M. Poutine raille directement l’alliance américano-saoudienne. Elle souligne d’une part les failles du matériel de défense fourni par les États-Unis à l’Arabie saoudite, et d’autre part, elle est embarrassante pour les Saoudiens qui ont reconnu lundi, au cours d’une conférence de presse de la coalition militaire en guerre au Yémen, que les attaques subies ont été perpétrées avec des armes iraniennes.

L’alliance américano-saoudienne dont il est question est mise à rude épreuve après les événements de ces derniers jours. L’Arabie saoudite ne saura peut-être bientôt plus à quel saint se vouer. Car si l’allié américain prétend vouloir soutenir le royaume face aux attaques dont il est l’objet, les atermoiements du président Donald Trump n’augurent en rien de l’indéfectibilité de cet appui. Embourbés au Yémen où ils combattent les rebelles houthis, les Saoudiens doivent également composer avec la volonté américaine de trouver une issue au conflit qui déchire ce pays depuis 2014. C’est d’ailleurs dans cette optique que les États-Unis ont reconnu début septembre avoir entamé des pourparlers avec les houthis, alors même que ces derniers sont soutenus par Téhéran, envers qui Washington et Riyad partagent une hostilité commune.


(Lire aussi : Pompeo va consulter les Saoudiens, Washington accuse à nouveau l'Iran)

Plus fort que Khashoggi

Les Américains présentent des signaux contradictoires. Ainsi, le président des États-Unis a déclaré lundi qu’il ne s’était pas engagé à protéger les Saoudiens. « Je n’ai pas promis cela. Nous devons nous asseoir avec les Saoudiens et trouver une solution », a-t-il affirmé. « Il s’agit d’une attaque contre l’Arabie saoudite, et pas d’une attaque contre nous. Mais on les aidera certainement », a-t-il précisé ensuite, avant d’avertir : « Les Saoudiens vont devoir beaucoup s’impliquer là-dedans si nous décidons de faire quelque chose… Et cela inclut payer et ils le comprennent pleinement. » Les tergiversations du président américain autour de l’approche à privilégier dans le cadre de la relation américano-saoudienne n’est pas nouvelle. En effet, le royaume a souvent fait les frais de la vindicte de Donald Trump avant l’accession de ce dernier à la Maison-Blanche, comme en témoigne l’un de ses tweets de 2014 selon lequel « l’Arabie saoudite doit mener ses propres guerres, ce qu’elle ne fera pas, ou nous payer une fortune considérable pour les protéger et protéger leurs richesses ». Pour le prince héritier Mohammad ben Salmane, les attaques de samedi dernier contre des installations pétrolières saoudiennes pourraient avoir un impact autrement plus fort sur le royaume que l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018. « Ce meurtre a choqué la communauté internationale et soulevé des doutes quant à la fiabilité du leadership saoudien, mais les implications étaient largement limitées à la stabilité interne de l’Arabie saoudite et à ses relations avec ses partenaires. L’attaque contre l’installation pétrolière d’Abqaiq pourrait en revanche potentiellement affecter l’économie globale, d’autant plus que cela pose des défis relatifs à la sécurité énergétique à l’échelle mondiale. Les conséquences potentielles de ces attaques et les réponses qui seront apportées pourraient affecter le monde entier », décrypte pour L’Orient-Le Jour l’ancien ambassadeur américain au Yémen et vice-président au Middle East Institute, Gerald Feierstein.


(Lire aussi : Les milices chiites en Irak : une force de dissuasion quasi iranienne)


La crédibilité de Washington

« Les Saoudiens doivent calculer avec précaution ce qu’ils risquent en donnant l’impression de provoquer ou d’approuver des représailles militaires américaines contre l’Iran. Toutefois, restaurer la dissuasion est primordiale pour l’Arabie saoudite et les États-Unis », explique à L’OLJ Hussein Ibish, analyste au sein du Gulf States Institute basé à Washington.

« S’il devait y avoir une confrontation directe entre l’Iran et l’Arabie saoudite et que cette dernière devait y aller seule, il n’est pas sûr qu’elle s’en sorte bien. Il y a beaucoup de tensions et d’appréhensions côté saoudien. (…)Ils ne veulent pas se montrer trop belliqueux et se retrouver à agir seuls », a confié à Public Radio International Karen Young, chercheuse à l’American Enterprise Institute. « Cela nous ramène à la question de la crédibilité de Washington et de l’administration Trump, quand il s’agit d’aller au bout de leurs menaces », a-t-elle ajouté. La stratégie américaine sera sans doute plus claire après la visite du secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, qui devait partir hier pour Riyad. Les États-Unis pourraient tout à fait opter pour un scénario similaire à celui choisi en 2017 après l’attaque chimique de Khan Cheikhoun en Syrie. Attribuée à Damas, elle avait conduit Donald Trump à ordonner en représailles une frappe ciblant une base de l’aviation syrienne. Cette dernière avait eu avant tout valeur de symbole, mais n’avait eu aucune conséquence majeure sur l’équilibre des forces sur le terrain.



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commentaires (3)

C'est classique comme réaction, on envoie pompeo, on fait des déclarations officielles d'amitié avec l'accidenté bensaoud sur son lit d'hôpital et on rentre à la maison attendre la next slap on your face.

FRIK-A-FRAK

20 h 01, le 18 septembre 2019

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Commentaires (3)

  • C'est classique comme réaction, on envoie pompeo, on fait des déclarations officielles d'amitié avec l'accidenté bensaoud sur son lit d'hôpital et on rentre à la maison attendre la next slap on your face.

    FRIK-A-FRAK

    20 h 01, le 18 septembre 2019

  • Enfin un article réaliste de la realpolitik qui nous parle de l'arnaque des usa vis à vis d'un de ses plus grands alliés. Cet article nous dépeint à la perfection comment cette puissance mondiale vous entraîne au fond du gouffre et vous lâche en vous demandant soit de payer pour qu'il vous sorte de là, soit de vous demerder tout seul. Concernant les bensaouds bien mal en point , ils n'oseront jamais tourner le dos à ces PRÉDATEURS, ils ne pourront que se la boucler et servir de poire à traire . Je m'inquiète pour les kurdes et surtout , oui lisez moi bien pour israel. EN RÉALITÉ LE SOLEIL SE COUCHE SUR L'AMÉRIQUE. QUAND UNE PUISSANCE NE PEUT PLUS PROTÉGER SES INTÉRÊTS DANS LE MONDE IL Y A DANGER POUR ELLE . TANT PIS POUR CELLES ET CEUX QUI NE VOUDRONT COMPRENDRE.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 51, le 18 septembre 2019

  • IL N,Y A PAS D,ALLIANCE. IL Y A DES INTERETS. LORSQUE LES INTERETS DE L,AMERIQUE SERONT TOUCHES ALORS LE MASTODONTE REAGIRA.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 15, le 18 septembre 2019

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