Le président de la République, Michel Aoun, a de nouveau mercredi pris la défense du chef de la diplomatie, son gendre Gebran Bassil, dans l'affaire des affrontements de Qabr Chmoun dans la Montagne druzo-chrétienne, qui paralyse le gouvernement depuis plus d'un mois, le président du Parlement, Nabih Berry, affirmant pour sa part avoir mis en veilleuse sa médiation politique dans ce dossier. Dans une réaction notable, l'ambassade des Etats-Unis au Liban a pour sa part appelé à tenir ce dossier à l'écart de "toute ingérence politique".
Lors d’une conférence de presse tenue mardi, le ministre de l'Industrie et membre du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, Waël Bou Faour, a accusé le camp du Courant patriotique libre, fondé par le président Aoun et dirigé par Gebran Bassil, d'avoir "monté de toutes pièces un dossier politique" contre M. Joumblatt. Le ministre a également appelé le chef de l’État à mettre fin à cette cabale. Le CPL avait alors répondu au PSP en l'accusant de "déformer la réalité". La formation aouniste avait également affirmé se fier à la justice".
"Celui qui rejette la justice rejette la société (...). C'est la Justice qui peut trancher et sanctionner, en vertu des lois", a souligné le président Aoun, en recevant mercredi au palais de Baabda une délégation de la diaspora libanaise. "Personne n'a besoin de permission spéciale pour se déplacer dans son pays", a-t-il ajouté, en allusion à l'opposition des partisans du PSP à la tournée partisane de Gebran Bassil dans la Montagne, lors des affrontements de Qabr Chmoun.
(Lire aussi : L’entourage de Baabda dans la ligne de mire du PSP)
Berry mécontent de Aoun ?
Pour sa part, le président Berry, qui menait ainsi que le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, des médiations politiques pour régler cette affaire qui a dégénéré en crise politique, a affirmé mercredi avoir mis en veilleuse son initiative.
"Toute initiative nécessite l'approbation de toutes les formations politiques concernées, l’initiative de M. Berry bénéficiait jusque-là de 90% d'approbation expresse et tacite de la part de ces formations. Mais lorsque le président Berry a entendu des propos qui ne vont pas dans ce sens, il a décidé d'éteindre les moteurs de cette initiative, en espérant un regain de conscience et de sagesse de la part de tous les responsables libanais", a affirmé le député Ali Bazzi, au nom de M. Berry, selon plusieurs médias locaux. "Nous sommes prêts à travailler au sauvetage du pays, mais s'il y a un refus d'une quelconque partie, je ne pense pas que les initiatives peuvent réussir", a conclu M. Bazzi.
Selon la chaîne MTV, le président Berry aurait exprimé son mécontentement à la suite des propos du président Aoun, qui avait affirmé, selon des sources au quotidien an-Nahar, que les affrontements de Qabr Chmoun étaient une tentative d'assassinat de Gebran Bassil. Toutefois, des sources de M. Berry ont démenti ces informations à la chaîne OTV (affiliée au Courant aouniste), affirmant que "le président Berry n'est pas mécontent du président Aoun car il sait que ses propos ne sont pas dirigés contre lui".
La chaîne LBCI a quant à elle rapporté, citant des sources de Aïn el-Tiné, résidence de M. Berry, que celui-ci ne se mêlera plus de l'affaire de Qabr Chmoun après les propos de M. Aoun, considérant que l'affaire est désormais entre les mains du chef de l'Etat.
Le président Berry a enfin insisté sur "la nécessité d'obtenir une réconciliation globale et complète et de tenir un Conseil des ministres sans que l'affaire de Qabr Chmoun ne soit abordée durant cette réunion".
Le 30 juin, des échanges de tirs ont eu lieu entre partisans du leader druze Walid Joumblatt et de son rival, le chef du Parti démocratique libre, le député druze Talal Arslane (allié au Hezbollah) au moment du passage du convoi du ministre d'Etat pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib (membre du PDL), et alors que le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, effectuait une visite dans le caza d'Aley, où il avait notamment tenu des propos controversés sur la guerre druzo-chrétienne de la Montagne, dans les années 80. Deux partisans du parti de M. Arslane ont été tués lors de ces affrontements. Le gouvernement de Saad Hariri ne s'est plus réuni depuis ces affrontements, le Premier ministre craignant les divisions au sein du cabinet. La semaine dernière, les Forces de sécurité intérieure avaient terminé leur enquête, dont elles avaient remis un rapport au chef de l'Etat, au président de la Chambre et au Premier ministre. Cette enquête écartait la piste d'un piège tendu pour assassiner le ministre Saleh Gharib par des partisans joumblattistes, comme cela est prétendu par M. Arslane et ses alliés.
Lors de sa conférence de presse, Waël Bou Faour avait pris à partie le président du Conseil supérieur de la magistrature, Jean Fahd, l’accusant "d’avoir fait pression durant une réunion du CSM pour qu'il y ait des poursuites pour terrorisme contre les partisans du PSP, afin d’assurer une couverture de cette instance à la procédure infâme". Le CSM avait démenti ces accusations, tout en reconnaissant avoir discuté de l’affaire de Qabr Chmoun durant sa dernière réunion. Il avait également estimé que le "contenu de certains paragraphes de la conférence de presse du ministre est considéré comme une intervention illégitime dans l’action de la justice". Mercredi, le PSP s'est dit "étonné" du communiqué du CSM qu'il estime avoir été publié "à la demande, lorsque la partie politique concernée n'a pas réussi à démentir les vérités assénées par le ministre de l'Industrie". "Est-ce le pouvoir (politique) en place qui désormais fixe l'ordre du jour des réunions du CSM ?", s'est demandé le PSP.
(Lire aussi : Qabr Chmoun : le PSP accuse le camp aouniste d'avoir "monté de toutes pièces un dossier politique")
L'ambassade US contre "toute ingérence politique"
Dans une réaction notable à l'affaire Qabr Chmoun, l'ambassade des Etats-Unis au Liban a appelé à un règlement dans le cadre judiciaire de cette affaire, à l'écart de "toute ingérence politique". "Les Etats-Unis soutiennent un processus judiciaire juste et transparent, sans aucune ingérence politique. Toute tentative d'exploiter l'événement tragique du 30 juin à Qabr Chmoun pour promouvoir des objectifs politiques doit être rejetée", a écrit l'ambassade américaine sur son compte Twitter.
Les évêques maronites ont de leur côté appelé, à l'issue de leur réunion mensuelle, le gouvernement à se réunir au plus vite et à régler l'affaire. Les évêques ont estimé que "pour résoudre la crise, le gouvernement doit surmonter les divergences et recommencer à se réunir pour finaliser le projet de loi de règlement et relancer l'économie". Ils ont rappelé l'importance de "la réconciliation historique de la Montagne", appelant les responsables à œuvrer pour la consolider à travers le vivre-ensemble.
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commentaires (14)
MALHEUREUSEMENT LES GAZS TOXIQUES QUE LAISSE PARTIR UN ECHAPPEMENT TROUVENT UN ECHO APPROBATEUR AU SOMMET. ET CA, C,EST DANGEREUX.
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 16, le 08 août 2019