Le Premier ministre Saad Hariri reçu hier à Baabda par le président de la République Michel Aoun. Photo Dalati et Nohra
Depuis les accrochages interdruzes de Qabr Chmoun, les espoirs de déblocage de l’exécutif se soldent par des échecs le plus souvent inattendus, comme s’il y avait une dynamique alimentant l’espoir avant de le doucher.
Hier, le Premier ministre Saad Hariri s’est rendu à Baabda pour s’entretenir de la crise avec le président de la République Michel Aoun. Il en est sorti sans commentaire, mais la visite a renvoyé des signaux positifs, relayés par les milieux de Baabda. Selon nos informations, les deux parties auraient décidé de poursuivre les contacts pour trouver une issue à la crise. Alors que Saad Hariri souhaite réunir le Conseil des ministres sans condition préalable, le chef de l’État lui aurait conseillé de le faire « au moment qu’il jugera propice », selon une source du palais présidentiel.
À la veille du discours attendu aujourd’hui du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’heure ne serait pas à l’escalade, selon Baabda.
Ces réassurances coïncident avec une mise en garde diplomatique française sur le risque de livrer le cabinet Hariri au danger de la démission : ce sera la fin des aides promises par le programme CEDRE au Liban, rapportent des milieux diplomatiques occidentaux, faisant part de leur crainte d’une crise prolongée dans l’objectif de créer un vide au niveau de l’exécutif.
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La saisine de l’affaire de Qabr Chmoun par la Cour de justice nécessite un décret en Conseil des ministres. S’il est soumis au vote, il risque de diviser le cabinet, d’où l’insistance de Saad Hariri à éviter le vote.
Si toutefois les ministres du 8 Mars secondés par le Hezbollah décident de forcer le vote, le Premier ministre pourrait démissionner et entraîner la chute du gouvernement.
De son côté, le député Talal Arslane continue d’entretenir l’escalade verbale, en partie pour sauver la face et obtenir des compensations pour un éventuel compromis qui avantagerait Walid Joumblatt. Hier encore, son parti a tué dans l’œuf l’initiative de ce dernier de relancer via Twitter la proposition de soumettre à la justice les deux dossiers de Qabr Chmoun et de Choueifate (accrochages entre PSP et PDL tuant un proche du PSP). « Je pense que si les intentions sont bonnes et si la justice est mise à l’abri des tensions politiques, elle peut trancher les deux affaires de Choueifate et des Bassatine (Qabr Chmoun) selon les règles en vigueur. Éloignez les conflits politiques de la justice », a ajouté Walid Joumblatt. C’est devant la Cour de justice qu’il a entendu soumettre les deux affaires, selon les explications des milieux du PSP, dont le secrétaire général Zafer Nasser avait annoncé la relance des contacts en faveur de cette initiative. Pour le PDL toutefois, cette proposition est restée irrecevable, « les accrochages interpartisans de Choueifate » n’étant pas de gravité égale aux incidents de Qabr Chmoun, assimilés à une tentative d’assassinat du ministre Saleh Gharib (PDL), dont deux gardes du corps ont péri dans les accrochages.
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En début de semaine, Talal Arslane s’était livré à une escalade verbale à Aïn el-Tiné particulièrement révélatrice de l’impasse. La symbolique était importante : le président de la Chambre, Nabih Berry, l’accueillait après une coupure d’un an et demi, et au lendemain du transfert du dossier devant le tribunal militaire. Ce transfert avait paru annoncer un compromis, en vertu duquel M. Arslane renoncerait à sa requête de saisir la Cour de justice (une instance d’exception compétente pour examiner les crimes contre la sûreté de l’État et dont les jugements sont sans appel). La visite de M. Arslane a mis fin à cette attente.
Le choix de le faire depuis Aïn el-Tiné – qui n’a pas manqué de gêner le président de la Chambre – a servi précisément à porter un coup à l’initiative de compromis de Nabih Berry, d’autant plus que ce dernier paraît faire front commun avec le Premier ministre Saad Hariri et M. Joumblatt, en faveur d’une relance de l’exécutif indépendamment de la querelle entourant les incidents de Qabr Chmoun. Étrangement, l’espoir d’un dénouement avait été conforté par des milieux du 8 Mars eux-mêmes, multipliant les signes d’optimisme, notamment auprès du Premier ministre, au moment où le chef du PDL s’apprêtait à se rendre à Aïn el-Tiné.
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commentaires (5)
Certains partis politiques dominants pensent qu'en bloquant le pays de temps en temps ils arrivent à narguer les occidentaux. Or ces derniers s'en foutent totalement du sort des libanais, de tous les libanais, et ils ne vont pas changer leur politique au Moyen-Orient par sympathie pour protéger quiconque. Au contraire, si le plan CEDRE avorte il y aura 11 milliards de plus, presque à disposition des puissances occidentales, pour faire de la politique ailleurs, comme la France avait déjà avertie.
Shou fi
09 h 08, le 29 juillet 2019