« Il y a de (mauvaises) intentions politiques à l’encontre du PSP, avec pour objectif de porter atteinte à Walid Joumblatt », estime Samir Geagea. Photo Aldo Ayoub
« Un scénario à la Saydet el-Najate se répète aujourd’hui avec le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. » C’est ainsi que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, explique la crise politique survenue dans la foulée des heurts de Qabr Chmoun du 30 juin dernier.
Ces affrontements, qui avaient opposé des membres du PSP à d’autres du Parti démocratique libanais de Talal Arslane, ont coûté la vie à deux partisans du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, représentant du PDL au sein du gouvernement.
Dans une interview accordée hier à L’Orient-Le Jour, M. Geagea faisait allusion à l’attentat à la bombe perpétré contre l’église Notre-Dame des Secours à Zouk, en février 1994, un crime dont il avait été accusé à tort. L’enquête avait mené à un non-lieu en faveur du chef des FL dans cette affaire, mais en vertu des dispositions de la loi d’amnistie générale votée après la guerre civile, qui stipule que toute nouvelle procédure engagée contre une personne suffit à remettre sur le tapis tous les dossiers dans lesquels cette personne a été impliquée durant le conflit, la boîte de Pandore avait été ouverte pour M. Geagea. L’amnistie levée, il avait, dès lors, été condamné dans plusieurs affaires devant la Cour de justice, ce tribunal d’exception que M. Arslane voudrait aujourd’hui voir saisi dans l’affaire de Qabr Chmoun. Condamné à la réclusion, le chef des FL passera onze ans en prison.
S’exprimant à l’occasion du 14e anniversaire de sa remise en liberté, le 26 juillet 2005, à la faveur d’une amnistie votée après la fin de la tutelle syrienne sur le Liban, M. Geagea commente l’incident du 30 juin dernier sans mâcher ses mots : « Il y a de (mauvaises) intentions politiques à l’encontre du PSP, avec pour objectif de porter atteinte à Walid Joumblatt », lance-t-il sans détour, estimant qu’« il est très logique de croire que le chef du PSP pourrait faire face à un scénario semblable à celui de Saydet el-Najate ». « Mais nous continuerons à nous tenir aux côtés de Walid Joumblatt », assure-t-il. C’est d’ailleurs sous l’angle de ce que les milieux qualifiés de souverainistes perçoivent comme « une volonté d’assiéger Walid Joumblatt politiquement » que Samir Geagea analyse la crise politique née de l’insistance de Talal Arslane, principal rival du leader de Moukhtara sur la scène druze, de saisir la Cour de justice du dossier de Qabr Chmoun. Une option qui se heurte au veto aussi bien de MM. Geagea et Joumblatt que du Premier ministre Saad Hariri, mais aussi du président de la Chambre, Nabih Berry. « Walid Joumblatt est en droit de redouter un éventuel recours à la Cour de justice », lance le leader des FL, expliquant que quand la Cour de justice se saisit d’une affaire, les investigations sont confiées à un juge d’instruction ad hoc, nommé par le ministre de la Justice. Au constat selon lequel ce dernier (Albert Serhane) est aujourd’hui proche des milieux aounistes, Samir Geagea se contente de répliquer : « Vous avez tout compris. »
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Le Conseil des ministres
Outre l’atteinte au leadership joumblattiste, Samir Geagea est conscient de la gravité des retombées négatives de la querelle autour de la Cour de justice sur les institutions de l’État, notamment le Conseil des ministres, paralysé depuis plus de trois semaines. Dans une volonté manifeste d’éviter l’implosion de son gouvernement – la saisine de la Cour de justice étant de la compétence exclusive du Conseil des ministres –, M. Hariri continue de s’abstenir de convoquer les ministres à se réunir avant de trouver une solution politique à l’affaire de Qabr Chmoun. « Ce qui se passe aujourd’hui est un crime que commettent ceux qui n’en finissent pas de paralyser le gouvernement », martèle le leader des FL, soulignant qu’« il est intolérable de bloquer l’action du cabinet pour des raisons de politique politicienne, alors que la situation actuelle du pays requiert une activité gouvernementale intensive ». Pour débloquer la situation, le leader maronite ne trouve de meilleure solution que de renvoyer la balle dans le camp de Baabda et du Sérail. « Le président de la République et le Premier ministre devraient s’acquitter de leurs responsabilités constitutionnelles pour relancer le cabinet, en dépit des tractations politiques », lance-t-il.
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Ce tableau reflète, selon Samir Geagea, l’importance de la lutte pour l’édification d’un État « à la hauteur des attentes des Libanais », « son combat » qui a pris un nouvel élan après le 26 juillet 2005. « Quatorze ans plus tard, le conflit est toujours celui qui oppose l’État libanais souverain pour lequel nous luttons, et d’autres projets », souligne le chef des FL.
Et c’est dans le cadre de ces « autres projets » qu’il place la campagne menée contre le ministre du Travail, Camille Abousleiman, sur fond de protestation contre son plan visant à lutter contre la main-d’œuvre étrangère illégale. Saluant « les efforts et la rigueur du ministre Abousleiman », Samir Geagea souligne qu’il s’est plongé dans un dossier sensible, contrairement à ses prédécesseurs. « Il a pris une décision tout à fait normale visant à mettre en application une loi en vigueur (le code du travail), mais certains protagonistes locaux qui tiraient profit du chaos qui régnait auparavant au sein du ministère du Travail s’en sont pris à M. Abousleiman aussi bien parce qu’il représente les FL au sein du cabinet que pour menacer la stabilité du pays. »
Pour Samir Geagea, la campagne contre Camille Abousleiman ne saurait être dissociée des tentatives d’empêcher l’édification d’un État en bonne et due forme au Liban. « Il y a deux principales raisons pour expliquer cela. D’abord, l’existence d’un mini-État, fort d’un arsenal illégal et qui porte atteinte au prestige et à l’autorité de l’État », dit-il. Et ensuite, le fait que « les responsables politiques n’ont pas l’envergure d’hommes d’État. Loin de là. Preuve en est, la logique de partage du gâteau à laquelle ils obéissent ». « Mais nous continuerons à mener bataille et brandir la cause de l’État souverain », conclut le chef des FL.
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commentaires (6)
Le Liban de demain m'inquiète ! Celui d'aujourd'hui m'angoisse... Celui d'avant hier, me donne une certaine nostalgie... POURQUOI ? On se plaint de tous des leader traditionnels qui gouvernent le pays parfois de père en fils...d'autres depuis 30-40 ou 50 ans .... les futurs leaders auront-ils la capacité et la force de conviction pour mener à bien un projet national à vocation 100% libanaise ? On doit déjà y penser et préparer cette génération future ... Nos querelles sans fin sont liées pour la plus part à nos confessions (chiite, sunnite, maronite pro..., maronite pro bis..., pour ne nommer que ceux-là ...pro-syrie, pro-arabie... Tous ceci n'est que de la pure immaturité et voué à une fin certaine tôt ou tard. Le Liban est une entité née il y a longtemps et sa vocation est de développer sa propre identité et prospérer pour l’éternité.
Sarkis Serge Tateossian
14 h 54, le 26 juillet 2019