Le mois de juillet dernier était celui du tandem Talal Arslane-Saleh Gharib, qui tenait la vedette face au Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt dans l’affaire des heurts de Qabr Chmoun. Désormais, ce tandem semble relégué au second plan, du fait des dernières affirmations en provenance de Baabda, selon lesquelles la cible de « l’embuscade » tendue à Qabr Chmoun le 30 juin était le chef du CPL, Gebran Bassil, et non M. Gharib. C’est donc la présidence de la République et certains proches du chef de l’État, Michel Aoun, qui sont à présent dans la ligne de mire du PSP. Cinq semaines après les affrontements qui ont fait deux morts dans les rangs du PDL de M. Arslane, le ministre de l’Industrie, Waël Bou Faour, s’exprimant au nom du PSP, s’est efforcé hier de mettre les points sur les i, tout en se livrant à une attaque virulente contre ses adversaires. Lors d’une conférence de presse tenue au siège du parti à Wata Mousseitbé, il a imputé au chef du Courant patriotique libre et gendre de Michel Aoun la responsabilité des affrontements de Qabr Chmoun, « sur le triple plan moral, politique et légal ». « Le vrai problème réside dans la visite (à la Montagne) du chef d’un parti politique qui a tenu un discours communautaire qui divise les Libanais en réveillant les heures sombres de la guerre civile », a-t-il dit, en allusion à la tournée de Gebran Bassil à Aley.
Waël Bou Faour a en outre ouvertement accusé le ministre d’État pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati, et ses collègues de la Défense, Élias Bou Saab, et de la Justice, Albert Serhane, d’« exercer des pressions politiques sur la justice ». « Nous accusons le camp affilié au chef de l’État d’avoir fabriqué un dossier politique contre le PSP ». Et d’assurer que la formation de Walid Joumblatt allait y faire face aux plans « judiciaire, politique et populaire ». M. Bou Faour s’est adressé au chef de l’État, soulignant que de tels agissements sont à même de torpiller tant le mandat que les slogans de changement et de réformes qu’il brandit.
Ce n’est pas la première fois que les joumblattistes se livrent à une violente diatribe contre le CPL et son chef. Mais c’est la première fois que leur escalade verbale prend Baabda pour cible. Contacté par L’Orient-Le Jour, un proche de Walid Joumblatt explique qu’« il est grand temps que ceux qui gravitent dans l’orbite de Baabda comprennent qu’ils ne peuvent pas fabriquer des dossiers à notre encontre, sans attendre une riposte ». « Et c’est ce que nous avons fait aujourd’hui », précise-t-il.
Se refusant cependant à envenimer davantage l’atmosphère, ce proche du leader de Moukhtara fait savoir que son parti reste ouvert à toute solution à la crise politique suscitée par les affrontements de Qabr Chmoun. Mais il s’abstient toutefois de se prononcer sur une éventuelle réconciliation entre les deux rivaux druzes sous la houlette du chef de l’État.
Quoi qu’il en soit, Walid Joumblatt se montre plus que jamais déterminé à faire face à ce qu’il considère comme une tentative de l’affaiblir politiquement. Sur son compte Twitter, le chef du PSP a écrit hier : « Au sein du parti et avec nos amis, nous ferons face au terrorisme organisé de la part de certains qui sont au pouvoir, et qui vivent toujours dans le passé obscur, conforme à la logique des guerres d’élimination. » Une allusion à peine voilée à la guerre lancée, en 1989, par Michel Aoun, alors chef du gouvernement de militaires, contre la milice des Forces libanaises.
(Lire aussi : Après les accusations de Bou Faour, le bloc aouniste affirme "se fier à la justice")
La Cour de justice
Le PDL de Talal Arslane, pour sa part, campait hier sur sa position en faveur de la saisine de la Cour de justice, un tribunal d’exception, sur la base du fait que l’embuscade visait son ministre, Saleh Gharib, et cela malgré les dernières déclarations de Baabda. Le parti de M. Arslane a fait savoir qu’il possède « suffisamment d’enregistrements pour saisir la Cour de justice », comme on peut lire dans un communiqué publié hier. « Ce que nous avons entendu aujourd’hui de la part d’un ministre prouve que nous sommes face à un camp qui (...) reproche à ses adversaires ses propres défauts et accuse autrui de ses propres actes (...), un camp qui provoque, tue, fait du chantage et se présente comme victime », ajoute le texte, accusant le ministre de l’Industrie d’avoir « déformé la réalité ». « Nous ne ferons pas de compromis aux dépens du sang de nos martyrs et blessés », souligne encore le PDL, tout en annonçant qu’il tiendra une conférence de presse dans les prochains jours pour « mettre les points sur les i ».
À son tour, le CPL a répondu aux déclarations de M. Bou Faour, sur un ton très modéré, mettant l’accent sur le rôle de la Justice dans cette affaire. Mais les regards seront braqués sur le discours que prononcera Gebran Bassil aujourd’hui lors de l’inauguration du nouveau siège du parti à Nahr el-Kalb.
Enfin, dans un entretien accordé hier à l’agence al-Markaziya, le chef des FL, Samir Geagea, a évité de s’en prendre nommément à Michel Aoun et Gebran Bassil, mais il a implicitement réaffirmé son soutien à Walid Joumblatt. « Les camps du 8 et du 14 Mars représentent deux projets contradictoires : celui de l’édification d’un État et celui du non-État. Ainsi, nous ne pouvons que nous tenir aux côtés de toute composante qui partage notre rêve, pour faire face aux tentatives de lui porter atteinte », a-t-il assuré.
(Lire aussi : Qabr Chmoun : le PSP accuse le camp aouniste d'avoir "monté de toutes pièces un dossier politique")
Le Conseil des ministres
Quoi qu’il en soit, une chose semble certaine : la tenue du Conseil des ministres – paralysé depuis le 2 juillet à cause de l’insistance de Talal Arslane pour déférer l’affaire de Qabr Chmoun devant la Cour de justice –, est reportée sine die, Saad Hariri étant toujours en vacances à l’étranger.
Contacté par L’OLJ, un proche du Premier ministre confie que « dans la pratique, le chef du gouvernement boude, en attendant une solution à la crise de l’affaire de Qabr Chmoun, mais il ne démissionnera pas ». « Il est temps que le chef de l’État comprenne qu’il faut tracer des limites à Gebran Bassil », ajoute le proche de la Maison du Centre, soulignant que « le pays est désormais menacé par une longue phase de paralysie ».
Lire aussi
La nasse, l'éditorial de Issa GORAIEB
Joumblatt reste incontournable !, le décryptage de Scarlett HADDAD
Hamadé tance les ministres qui veulent « transformer le régime démocratique en dictature népotiste »
Mises en garde occidentales contre une chute du cabinet Hariri
Nasrallah : Dire que le Hezbollah contrôle le Liban est un mensonge
Geagea à « L’OLJ » : Le scénario de Saydet el-Najate se répète avec Walid Joumblatt
Joumblatt à « L’OLJ » : « Le dialogue ? Oui. La capitulation ? Jamais ! »
commentaires (13)
Le pyromane Thereze a boycotte la sceance du conseil de ministre Il a commence la guerre il faut qu'il sache que M Harriri aujourdh'ui tient les cartes en mains et peut couler a sa guise ce President d'un parti dit fort et qui ne reve que d'etre calife Il suffirait a M Bassil de dire officiellement qu'il ne mettra pas ce sujet a l'ordre du jour d'un quelconque conseil de ministres pour que tout rentre dans l'ordre SON OBSTINATION ET LA MAIN DES SYRIENS EST EVIDENTE DANS CE BLOCAGE ET M HARRIRI NE CEDERA PAS CETTE FOIS CI CAR IL A DEJA FAIT TROP DE CENCESSIONS ET ENCORE UNE SIGNERA SA PERTE DE LEADERSHIP CHEZ TOUS LES LIBANAIS SUNNITES COMME CHRETIENS OU CHIITES
LA VERITE
13 h 03, le 07 août 2019