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Lifestyle - La Mode

Chanel haute couture 2019-20, Viard se démarque

Sage et sobre, la haute couture Chanel imaginée par Virginie Viard, ancienne bras droit et dauphine de Karl Lagerfeld, se démarque visiblement de la démesure du « Kaiser » de la mode disparu le 19 février dernier. Toujours au Grand Palais, lieu fétiche des défilés Chanel, la nouvelle directrice artistique de la maison a présenté début juillet sa collection haute couture automne-hiver 2019-20 dans un décor de bibliothèque.

Défilé Chanel haute couture automne-hiver 2019-20. Photo DR

Ainsi posée, l’atmosphère empruntée à l’iconique Brentano’s, la librairie américaine de Paris, invitait aux chuchotements, au froissement du papier, au murmure des pages qui se tournent. Un tel décor n’est certes pas propice, a priori, à l’étalage bruyant de logos Chanel et d’effets spectaculaires auquel nous avait habitués Karl Lagerfeld. On est loin des mises en scène de stations spatiales, aéroports, supermarchés, acropoles, stations de sports d’hiver et autres productions hollywoodiennes dont le « Kaiser » avait fait l’image de marque de Chanel, inspirant le sublime (horreur mêlée de plaisir et d’admiration) à chaque défilé. Cependant, pour qui a eu la chance de visiter l’appartement privé de Gabrielle Chanel, rue Cambon, et découvrir son goût passionné pour les reliures anciennes, ou même l’immense bibliothèque personnelle de Lagerfeld, il paraît évident que la maison a dans son ADN l’amour du livre. Quoi d’étonnant, cette maison, qui a inventé le style « pauvre » (robe noire et col blanc d’orpheline, abandon du corset) dès la Belle Époque, a vu défiler dans ses murs aussi bien Stéphane Mallarmé et Marcel Proust qu’Erik Satie, Colette, Serge de Diaghilev, Picasso, Cocteau ou Serge Lifar, tous amis de la fondatrice. Autour de la mode, elle a connu des débats liés à une profonde révolution de tous les arts.


« Ce qui se conçoit bien… »

Signe des temps ? Virginie Viard se détourne du bling-bling 80’s de Karl Lagerfeld (qui a pris les rênes de la maison en 1983) et renoue tant avec l’esprit de Coco Chanel qu’avec les essentiels d’une maison de couture, préférant mettre en avant la perfection du patron – tailleur et flou –, la beauté des textiles, la sensualité des textures, le vêtement comme attitude. Les puristes aimeront l’interprétation de la célèbre veste Chanel en caracos col officier – ou ras avec un col de chemise contrasté –, en blousons à manches raglan ou en redingotes indiennes. Des alignements de boutons blancs, et même d’audacieux cols et ceintures blancs, jouent le clin d’œil graphique. Le tweed Chanel est omniprésent, en jacquard losange, prince de galles, tartan, pied-de-poule ou de coq traité camouflage. Des robes longues à plissé horizontal ou drapé cariatide, des broderies de paillettes sur motifs floraux façon liberty, ou carrément une éclosion de roses en 3D rouge et blanc sur des hauts portés avec des pantalons brodés or qui n’ont rien à voir, des inspirations victoriennes décalées, de sublimes doublures qui se révèlent au mouvement, des contrastes de transparences et de velours ainsi que certaines évocations lagerfeldiennes telles que jabots et plastrons offrent une démonstration de haute voltige de ce que peut être le vocabulaire de la haute couture quand il articule, clair, puissant, percutant, « ce qui se conçoit bien ».

Comment ne pas évoquer, s’agissant d’une collection placée sous le signe de la vie intellectuelle, une certaine Sonia Rykiel dont l’amour des livres a accompagné l’émancipation féminine depuis mai 1968 ? Sous Virginie Viard, la femme Chanel s’annonce forte et décomplexée. Elle ne revendique plus, elle s’affirme et s’impose. Libérée de l’économie du plaire, elle veut d’abord se plaire à elle-même et porte des lunettes de vue sur une robe haute couture si cela lui chante. Désormais, qu’on se le dise, Chanel habille aussi l’esprit.


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