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À La Une - Liban

Après trois jours de débats, le Parlement ne vote toujours pas le budget 2019

De violentes échauffourées ont eu lieu entre des militaires à la retraite et les forces de sécurité à proximité du siège du Parlement.

Le Premier ministre libanais, Saad Hariri (premier rang, au centre), prend la parole devant les députés, le 18 juillet 2019 au Parlement. Photo Ali Fawaz/Parlement libanais

Le Parlement libanais qui a poursuivi jeudi, pour la troisième journée consécutive, ses débats sur le texte de budget de l’État pour l'exercice 2019, n'a pas réussi à entamer le vote des articles du texte aujourd'hui, alors que la mobilisation dans la rue des militaires à la retraite a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. La séance reprendra demain à 15h.

Le projet de budget est critiqué de toutes parts autant pour le retard avec lequel il est adopté, que pour son manque de réformes ou l'absence de publication de la loi de règlement (clôture des comptes). Au cours de leurs interventions, les députés - dont certains relevant de partis qui ont approuvé le texte en Conseil des ministres - ont appelé l’État à résoudre les nombreux dossiers polémiques en suspens, comme la question des déchets, notamment au Liban-Nord, les embauches illégales au sein des administrations ou la pollution du fleuve Litani.

Le Premier ministre, Saad Hariri, et le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, ont tout deux répondu en soirée aux interventions des parlementaires, défendant le texte préparé par le gouvernement.


Violentes manifestations dans la rue
Les débats ont eu lieu alors que de nombreux fonctionnaires poursuivaient leur mouvement de grève, afin de protester contre toute atteinte à leurs salaires et avantages. 

Des dizaines de militaires à la retraite, qui manifestent depuis des semaines contre les mesures d'austérité qui doivent toucher leurs pensions et leurs retraites, étaient également dans la rue, dans le centre-ville de Beyrouth, au niveau du siège du journal an-Nahar. Des échauffourées ont éclaté vers 19h, lorsque ces militaires retraités ont tenté de forcer les barrières installées par les forces de l'ordre pour empêcher les protestataires d'arriver au siège du Parlement, située à quelques centaines de mètres de là. L'armée est intervenue pour repousser les manifestants.

Peu avant 20h, certains protestataires parmi les militaires à la retraite ont brûlé des pneus à proximité du siège du parti Kataëb à Saïfi, bloquant ainsi la circulation dans le secteur. Une délégation d'anciens soldats a pour sa part été autorisée à accéder au périmètre du siège du Parlement et a pu s'entretenir avec le ministre de la Défense, Elias Bou Saab, qui les a retrouvés dans la rue. Mais ces discussions n'ont pas calmé les manifestants. Nombre d'entre eux ont tenté de franchir le cordon sécuritaire déployé dans le périmètre de la Chambre, mais les Forces de sécurité intérieure ont réussi à les repousser. Au moins un manifestant a été évacué par les secours, après avoir eu un malaise. D'autres cas d'évanouissement ont également été rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), qui ne donne pas de chiffre exact.


Le gouvernement sous le feu des critiques
Lors des débats de jeudi, le député Fayçal Karamé a estimé que "les orientations prises dans le budget 2019 ne respectent pas celles préconisées par la communauté internationale", accusant le gouvernement de ne faire preuve d'audace "qu'aux dépens du peuple". Le texte est "moins qu'ordinaire", a-t-il ajouté. "Nous aurions voulu que l'Exécutif ait une vision économique réaliste et complète", a-t-il poursuivi, annonçant qu'il s'abstiendrait de voter en faveur du texte, tout comme son collègue Jihad Samad.

A quoi le Premier ministre, Saad Hariri, a réagi en faisant remarquer que le ministre Hassan Mrad, qui représente le groupe de la "Rencontre consultative", composé de six députés sunnites prosyriens dont MM. Karamé et Samad, a voté en faveur du projet de budget en Conseil des ministres. 

Pour sa part, Imad Wakim, député des Forces libanaises, a répondu aux nombreuses critiques dont son parti a été la cible pour avoir annoncé s'abstenir de voter en faveur du budget. "Tout le monde sait maintenant que les FL s'abstiendront de voter, à part en faveur de certains articles considérés comme réformateurs", a-t-il rappelé, précisant que lors de l'approbation du budget par le gouvernement, les quatre ministres FL s'étaient déjà abstenus de voter. La veille, la députée issue de la société civile, Paula Yacoubian et Alain Aoun, député du Courant patriotique libre, avaient critiqué les FL pour leur volonté de ne pas voter. M. Aoun est d'ailleurs arrivé ce matin au Parlement avec une copie de la Constitution libanaise, à l'intention de Georges Okaïs (FL), qui avait affirmé qu'en ne votant pas, les FL "exercent leur droit constitutionnel". 

Le député indépendant Fouad Makhzoumi a de son côté critiqué l'absence de loi de règlement (clôture des comptes, le bilan comptable de l'année écoulée) depuis 1993", estimant que cela est "incroyable".

Le député Ghazi Zeaïter, du mouvement Amal a, lui, appelé à "nommer les responsables corrompus, surtout dans les deux gouvernements précédents". Il a reproché aux responsables d'avoir fixé comme objectif au gouvernement d'"atteindre sur le papier les objectifs de la CEDRE", alors que ce dont le pays a besoin c'est "d'un plan de sauvetage".


(Lire aussi : Au Parlement, Samy Gemayel se lâche sur le « budget des fantômes »)



"Un avant-goût de réforme"
Malgré tous ces reproches, le député Assem Araji (Courant du Futur) a souligné que "bien que les critiques soient objectives, il ne faut pas se laisser aller à la frustration et au désespoir". "Il faut trouver des solutions à la crise économique", a-t-il déclaré.

Ali Fayad, député du Hezbollah, a pour sa part estimé qu'en comparaison avec le budget pour l'exercice 2018, celui de 2019 est "une réalisation, ayant atteint des objectifs essentiels, qui étaient de réduire le déficit budgétaire, limiter les dépenses et mettre en place une politique d'austérité". Saluant le fait que le gouvernement soit parvenu à "donner un avant-goût de réforme à certains articles", il a regretté que cela se fasse aux dépens des projets d'investissements et en portant atteinte à certains citoyens. Il a par ailleurs critiqué le fait que le texte impacte négativement, selon lui, le secteur touristique, notamment en augmentant les taxes sur l'occupation de chambres d'hôtels et les prix des billets d'avion. "Le budget a besoin d'une vision économique qui mêle la finance à l'économie", a-t-il ajouté. 


(Lire aussi : Déraisons d’État, l'édito de Issa GORAIEB)



Échange acerbe entre Aoun et Gemayel
L'intervention de Salim Aoun (CPL) a, elle, été marquée par un échange virulent avec Nadim Gemayel (Kataëb). Monté à la tribune, Salim Aoun a annoncé qu'il ne souhaitait plus s'exprimer devant ses collègues et se contenterait d'une simple conclusion. Il a été interpellé par M. Gemayel qui lui a demandé pourquoi il avait alors pris la peine de se présenter à la tribune. Ce à quoi M. Aoun lui a répondu qu'il n'était "pas le digne héritier de son père", l'ancien président Bachir Gemayel, assassiné en 1982. Le ton est monté entre les deux hommes lorsque Nadim Gemayel lui a rétorqué ne pas devoir son siège de député à ses origines familiales mais "aux 5.000 personnes qui ont voté" pour lui à Achrafieh. "J'ai été élu avec 6 000 voix préférentielles à Zahlé", lui a rétorqué M. Aoun, qui l'a appelé "à aller jouer devant chez lui", avant que la dispute ne soit close par le président du Parlement, Nabih Berry. Salim Aoun a alors estimé que "ce qui est le plus gaspillé, c'est le temps". "Si nous ne perdions pas autant de temps, le déficit budgétaire serait de zéro".


Hariri et Hassan Khalil défendent le texte
Lors de la séance nocturne qui a débuté à 18h, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a défendu le projet de budget devant les députés. "Il est faux de dire que des blocs ou des ministres ont contesté le projet du budget en Conseil des ministres", a-t-il lancé lors de son intervention.

"Le contenu de ce projet de budget ne correspond pas à nos ambitions, mais nous acceptons de le considérer comme un bon budget, dans la mesure du possible", a estimé le ministre. "On peut lancer de beaux slogans, mais il serait mieux de participer à l’élaboration de ce qui peut contribuer à la solution", a poursuivi M. Khalil. Il a ensuite rappelé que les instances internationales (notamment le Fonds monétaire international) "écoutent et observent ce qui se passe au Parlement (…)". "Nous devons être conscients de chaque propos ou position concernant la situation des finances publiques et du classement du Liban", a mis en garde le ministre des Finances. Il a affirmé être en faveur d’un "budget réformateur qui puisse redonner l’espoir à notre économie", se félicitant d’un "retour à la normale des finances publiques" et d’un "vrai budget". “En 2020, le Parlement aura la possibilité d’avoir entre ses mains toutes les clôtures de comptes qui manquaient", a également promis Ali Hassan Khalil.

Le ministre des Finances a enfin fait savoir que la dette publique libanaise s’élevait à la fin du mois de mars dernier à plus de 86 milliards de dollars, en augmentation de 1,27% par rapport à 2018. Il a également rappelé que le montant des importation du Liban avoisinaient les 20 milliards de dollars, contre environ trois milliards de dollars pour ses exportations.

Le Premier ministre a également répondu aux interventions des députés, en prenant la parole après M. Khalil. "Une vision économique figure dans la déclaration ministérielle du gouvernement, et ce projet de budget est au centre de cette vision", a affirmé Saad Hariri. "Que ceux qui ne sont pas d'accord avec cette vision économique présentent des alternatives aux Libanais", a lancé le Premier ministre. Il a prévenu également qu'il "n'y a pas de réforme sans un prix à payer". "Tout le monde doit s'acquitter de ce prix et nous ne pouvons plus continuer avec un secteur public surdimensionné", a-t-il mis en garde. Saad Hariri a enfin fait savoir que son gouvernement restait "engagé à soutenir la stabilité monétaire" et que le Liban "respecterait ses engagements financiers".


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Le Parlement libanais qui a poursuivi jeudi, pour la troisième journée consécutive, ses débats sur le texte de budget de l’État pour l'exercice 2019, n'a pas réussi à entamer le vote des articles du texte aujourd'hui, alors que la mobilisation dans la rue des militaires à la retraite a dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre. La séance reprendra demain à 15h.Le...

commentaires (3)

UNE MASCARADE. LES PARTIS QUI ONT PONDU CET OEUF POURRI CRITIQUENT SA PONDAISON.

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 19, le 18 juillet 2019

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Commentaires (3)

  • UNE MASCARADE. LES PARTIS QUI ONT PONDU CET OEUF POURRI CRITIQUENT SA PONDAISON.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 19, le 18 juillet 2019

  • Du pur folklore libanais du blablabla et le Parlement finira par voter simplement le budget 2019 .

    Antoine Sabbagha

    17 h 56, le 18 juillet 2019

  • On écoute avec attention tous ces discours de ces députés qui: énumèrent, critiquent, dénoncent, suggèrent...calmement ou avec véhémence et on se dit: où étaient ces preux chevaliers anti-corruption, dévoués à leur région qui les a élus...et que faisaient-ils chaque jour depuis leur élection avant de venir faire leur petit tour au Parlement pour le vote de ce fameux BUDGET 2019 ? Irène Saïd

    Irene Said

    17 h 24, le 18 juillet 2019

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