Alors qu’il devait être adopté au plus tard en janvier dernier, le projet de budget prévisionnel pour l’exercice 2019 a fait l’objet hier de deux premières réunions du Parlement, lors d’une séance plénière qui se poursuivra jusqu’à demain. Les députés n’ont pas encore entamé l’examen du texte en tant que tel, mais une dizaine d’entre eux se sont relayés au pupitre pour livrer des discours généraux, souvent critiques envers le projet de budget de 2019, déjà adopté par le gouvernement puis par la commission parlementaire des Finances. D’autres députés ont également demandé à prendre la parole lors des réunions d’aujourd’hui, ce qui retardera davantage le début de l’examen du texte article par article. Pour le moment, les Forces libanaises (qui font partie du gouvernement) ont d’ores et déjà annoncé par le biais des députés Sethrida Geagea et Georges Adwan qu’ils s’abstiendront de voter le projet de budget, même s’ils comptent voter en faveur de certaines de ses mesures.
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Violation constitutionnelle
Des FL au Hezbollah, en passant par le CPL et les Kataëb, la quasi-totalité des députés ayant pris la parole, à l’exception de membres du bloc du Futur, ont dénoncé le fait que le Parlement procède à la discussion du projet de budget alors qu’il n’a pas encore reçu le projet de loi de règlement (bilan comptable de l’État) pour l’année 2017, soulignant ainsi « une violation constitutionnelle ».
Dans son intervention, le président du Parlement, Nabih Berry, a invité le Premier ministre, Saad Hariri, à fixer la date d’un prochain Conseil des ministres consacré à l’approbation des lois de règlement de 2005 à 2017, alors que le gouvernement ne s’est plus réuni depuis les incidents de Qabr Chmoun survenus le 30 juin dernier. Mais le Premier ministre, qui refuse de convoquer le gouvernement avant un règlement de l’affaire de Qabr Chmoun pour ne pas accentuer les divisions, a cependant affirmé qu’aucune date n’avait été fixée pour la tenue d’un tel Conseil. Il a toutefois annoncé, au début de la séance parlementaire, que cette question faisait actuellement « l’objet de concertations » et que le président de la République, Michel Aoun, « travaille » sur une « solution ». Elle consisterait, selon le ministre d’État pour les Affaires présidentielles, Salim Jreissati, en un délai de six mois accordé au gouvernement pour présenter les lois de règlement des années précédentes.Selon l’article 87 de la Constitution, le budget d’une année (suivante) ne peut être publié avant que le Parlement ne vote la loi de règlement (clôture des comptes) pour la précédente. La dernière loi de règlement votée par le Parlement est celle de 2003 (votée en 2005). En 2017, les députés avaient déjà contourné cet article. Car, bien que mettant fin à plus d’une décennie de fonctionnement de l’État sans budget, le Parlement avait voté la loi de finances de la même année en y incluant un article (n° 65) octroyant aux députés un délai d’un an après la promulgation de celle-ci pour voter les lois de règlement, mais aussi les comptes publics reconstitués (1993-2017). Délai largement dépassé depuis.
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S’agissant des comptes publics, plusieurs sources concordantes avaient fait état d’un consensus portant sur le vote des comptes publics de 2017 uniquement, avant le vote du budget de 2019 au Parlement. « Il y a un compromis politique pour voter les comptes publics de 2017, pour sauver la face, même s’ils ne seront pas révélateurs (d’une bonne exécution budgétaire), car ils sont eux-mêmes basés sur les comptes des années précédentes », avait confirmé à L’Orient-Le Jour le député Jamil Sayyed. Hier, le député du Hezbollah Hassan Fadlallah a demandé à ce qu’une session plénière soit dédiée au dossier des comptes publics et aux irrégularités identifiées lors de leur reconstitution.
L’audit des comptes publics par la Cour des comptes puis leur approbation par le Parlement sont un exercice primordial qui permet de contrôler les finances publiques et de s’assurer que le budget voté précédemment a été respecté et correctement exécuté. Il permet de délivrer donc une sorte de quitus au gouvernement. Or, cela n’a pas été fait depuis 1993.
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Les consignes du FMI
Lors de la réunion nocturne, les débats se sont envenimés lorsque le député Georges Adwan a reproché au gouvernement sa volonté de mener une opération d’échange de titres entre le ministère des Finances et la Banque du Liban, malgré les derniers avertissements du Fonds monétaire international. Ce dernier recommandait à la BDL de cesser de souscrire aux obligations de l’État libanais et d’œuvrer au renforcement de son bilan. « L’achat de (bons du Trésor) à des taux faibles tels que proposés aggraverait le bilan de la BDL et minerait sa crédibilité », avait alerté le FMI.
Le gouvernement a en effet basé son estimation du service de la dette dans le projet de 2019 sur cette opération qui devra porter sur des bons du Trésor à taux réduit (à 1 %) d’une valeur de 11 000 milliards de livres libanaises, soit plus de 7,2 milliards de dollars. L’objectif étant de contenir la hausse du service de la dette face à la hausse des taux d’intérêt et de la dette cette année. Or, si ce SWAP devait initialement impliquer les banques commerciales, ces dernières ont refusé d’y prendre part, comme l’a encore rappelé hier le président de l’Association des banques du Liban, Salim Sfeir. La BDL devra alors assumer seule le coût de cette opération.
La réponse de Saad Hariri à Georges Adwan a été virulente. « Il faut faire preuve de responsabilité lorsqu’on aborde la situation financière du pays. Le FMI recommande aussi au Liban de laisser flotter la livre, d’instaurer une taxe de 5 000 livres sur le prix de l’essence et de relever la TVA à 15 %. Si les FL veulent appliquer les recommandations du FMI, nous préférons l’intérêt du Liban et de la livre », s’est insurgé le Premier ministre.
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commentaires (6)
IL EST TRES TOT ENCORE. 3ALA MAHELKON YIA CHABEB. L,INCOMPETENCE OBLIGE.
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 20, le 17 juillet 2019