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Lifestyle - L’aile ou la cuisse/ Spécial Man’ouché

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la man’ouché

Pour avoir un bon produit, il faut s’adresser aux endroits qui utilisent des ingrédients de première qualité.

La kafta et jibné d’Abou Chadi.

Lexique

L’Inde a son Pappadum, l’Italie sa Foccacia et sa pizza, la France sa galette et nous avons notre man’ouché : épelée et écrite de toutes les manières possibles : man’ouche, mankouche, manqouche, mana’iche. Un aliment de base (normalement) consommé au petit déjeuner.

En ce qui concerne la pâte, on peut en faire, au choix, une galette mince et croustillante ou plus épaisse et moelleuse. Lorsqu’une man’ouché est préparée au saj, elle est finement aplatie, le produit est plus léger, parfait pour être roulé puis consommé. Une man’ouché classique est croustillante à l’extérieur, légèrement moelleuse à l’intérieur et relevée d’un mélange d’épices aromatiques : le zaatar. Semblable à une pizza, elle peut être tranchée ou « pliée ». La racine du mot man’ouché vient du verbe naqacha qui signifie « sculpter, découper » ; on comprend alors pourquoi après le roulage de la pâte à plat, elle est pressée du bout des doigts, pour créer de petites trempettes dans lesquelles la garniture s’étend.

Accompagnements

Il en existe une multitude – un boulanger à Beyrouth sert plus de 70 garnitures différentes pour sa man’ouché –, mais les favoris restent les quatre classiques :

Zaatar – un mot générique qui qualifie le thym, mais aussi l’origan ou encore l’hysope. Le mélange exact est composé au moins de thym et de graines de sésame. La recette varie selon le goût et le pays, mais elle est généralement composée de thym séché, d’origan et de marjolaine, mélangée à des graines de sésame grillées, du sel et d’autres épices comme le sumac. Et c’est cette combinaison qui lui donne une saveur incroyable et unique, à la fois parfumée et acidulée. Cette mixture est ensuite mélangée avec de l’huile d’olive et étalée sur la pâte avant de la cuire au four.

Jibné – le akkaoui et kachkaval peuvent être utilisés séparément ou mélangés.

Lahm bi aajīn – de l’agneau haché, mélangé à des morceaux de tomate en dés, à de l’huile végétale et du poivre.

Kichek – un mélange fermenté et desséché de yaourt extrait du lait de chèvre et de blé concassé (« bourghoul »)

Souvent, les boulangers mélangent deux de ces recettes classiques et les baptisent : « cocktail ». Une man’ouché avec zaatar peut être servie avec une petite portion de labné ou encore roulée et mélangée avec des légumes (tomate, concombre, olive, menthe), tandis qu’une man’ouché au fromage peut être accompagnée d’un mélange d’épinards et de tomates coupées en dés, ou même du soujok, du kafta, etc. Quoi qu’il en soit, la man’ouché est à consommer sans modération !

Nos préférés

Même si les Libanais aiment le jeu des « top 10 » et des classements, afin de bien étayer nos propos, nous avons visité plus d’une vingtaine de « spécialistes » de la man’ouché durant deux mois. Un itinéraire gourmand qui nous a menés à Achrafieh, Hamra, Gemmayzé, Mazraa, Bliss, Badaro et jusqu’à Hrajel, Faraya et Batroun. Les adresses les plus connues, mais aussi les petits coins où se retrouvent les habitants d’une rue pour refaire le monde… Nous n’allons pas nommer tous ces endroits, ni établir une classification, surtout que, pour le faire, il y en a encore beaucoup à découvrir… Mais deux d’entre eux méritent une mention spéciale : Oum Bachir et Abou Chadi.

Nos critères de choix reposent sur l’hygiène, l’amabilité du personnel, mais surtout la qualité de l’huile utilisée, ainsi que le croquant de la pâte, la taille, le prix et bien sûr la qualité des ingrédients. Étrangement, la plupart des endroits que nous avons visités n’avaient aucune enseigne, mais tout le monde savait toujours où ils se trouvaient. De plus, la plupart n’ont même pas de porte ! Ils sont juste là, au bord de la rue, leur cuisine ouverte à tous les gaz d’échappement et à la poussière ! C’est un peu normal, car il s’agit d’une restauration rapide, une nourriture bon marché et généralement peu hygiénique. De plus, la plupart des établissements réchauffent simplement les produits qu’ils ont déjà préparés plus tôt dans la journée – et ceux en vitrine ne sont vraiment pas appétissants. Mais soyons réalistes : pour 1 000 LL, difficile d’espérer mieux...

Pour avoir un bon produit, il faut s’adresser aux endroits qui utilisent des ingrédients de première qualité. La pâte est la partie facile. C’est juste de l’eau, de la levure et du sel mélangés à la farine. Alors que la partie la plus coûteuse est la garniture et l’huile, ainsi que la quantité utilisée.

La plupart des boulangers utilisent peu d’huile d’olive, le zaatar se détache facilement dès que vous récupérez votre man’ouché. D’autres en utilisent trop, et c’est souvent une huile de si mauvaise qualité que l’estomac le ressent immédiatement. Pour ce qui est du fromage, certains utilisent un fromage très poudré, ou salé, alors que d’autres utilisent simplement du fromage fondu ! La pâte n’est pas croustillante ou tout simplement trop caoutchouteuse, et la plupart du temps, les ingrédients ne sont utilisés que de façon minime afin de maintenir les prix bas !

Abou Chadi, une affaire de famille

C’est pour toutes ses raisons que ce cher Abou Chadi, alias « Aammo man’ouché », est si différent. C’est un boulanger de quartier (rue Caracas) très sympathique ; tous les passants semblent le connaître et le saluent en flânant et, plus encore, partagent une petite histoire avec lui pour démarrer leur journée. Ce charmant boulanger s’est lancé en 1988. Aujourd’hui, un de ses fils (Chadi et/ou Ali) s’occupe du four, pendant qu’il supervise l’entreprise. Une affaire de famille puisque sa femme, aussi, a mis la main à la pâte en proposant son mélange spécial : man’ouché avec du fromage akkaoui et recouvert d’un riche mélange de baqlé, d’épinards, de tomates et d’oignons. Les mêmes garnitures se marient parfaitement à la man’ouché de zaatar. Abou Chadi est connu pour ses mélanges créatifs et la taille de ses man’ouchés baptisés « machrouha ». Ils sont tous délicieux, même si certains sont un peu lourds, comme la kafta avec jibné ou le soujok avec jibné, surtout tôt le matin. À conseiller, la man’ouché simple : zaatar, fromage ou viande hachée (parsemée de zeste de citron et de piment fort sur demande) avec des ingrédients de première qualité et une bonne pâte, croustillante à l’extérieur et suffisamment épaisse pour contenir tous les produits, qu’il verse avec générosité, sans qu’elle ne se brise. Le tarif, justifié : environ 4 000 ou 5 000 LL par man’ouché.

Oum Bachir, la reine du saj

Oum Bachir règne sur le saj depuis 1989, comme Abou Chadi le fait sur la man’ouché depuis 1988. La pâte qu’elle propose, dans son échoppe à Hrajel, est idéale. Tous les ingrédients sont frais et proviennent de la montagne. Actuellement, son mari ou sa fille manipulent le saj. De plus, ils ont une petite terrasse qui surplombe la vallée où il fait bon déguster sa man’ouché tranquillement. Alors, la prochaine fois que vous allez à Faraya, arrêtez-vous chez Oum Bachir à Hrajel et savourez un de ses saj man’ouchés. Mais faites en sorte d’y aller tôt le matin, car la boulangerie sera sûrement fermée à l’heure de votre retour à Beyrouth. En fait, à 15h, presque tous les jours, le kiosque est déjà fermé. Enfin, bien que le meilleur choix soit un kichek saj ou un kawarma avec Labné baladiyé saj, les spécialités de Oum Bachir sont toutes réussies. Le fromage au chili saj est un délice, pour les amoureux de plats épicés, et le zaatar saj est très savoureux.

Quant aux skieurs et après une longue journée d’efforts, pourquoi ne pas oser un bon kawarma ?

Chez Oum Bachir, tout est bon, sauf son humeur et celle de sa fille, souvent grincheuses. Et même si un sourire est toujours bienvenu, avec ou sans ce remède miracle, leur saj vaut le détour.

*Critique gastronomique.

Trois ans que, sous un nom d’emprunt, cette Cruella des fourneaux sévit under cover dans la Dernière de « l’Orient-le Jour », un samedi sur deux. Qu’elle multiplie ses visites dans un restaurant, observe les gestes, les plats, les goûts, le service et l’aménagement des lieux. Qu’elle apprécie ou critique avec la plus grande objectivité.

Applaudie par beaucoup, haïe par d’autres, crainte par tous, elle permet surtout aux Libanais d’être (enfin) plus exigeants en termes de gastronomie.

FB : www.facebook.com/CordonCourtine/

Insta : cordon.courtine

E-mail : cordoncourtine@gmail.com



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commentaires (5)

Essayez la merveilleuse manouché AbouFadel sur la frontière entre Beit.Mery et Broumana , et vous m'en direz des nouvelles . Essayez aussi celle de Rayan , en plein Hazmié , et c'est encore mieux , exceptionnel, la meilleure au monde . Il est très connu .

Chucri Abboud

15 h 56, le 10 juillet 2019

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Commentaires (5)

  • Essayez la merveilleuse manouché AbouFadel sur la frontière entre Beit.Mery et Broumana , et vous m'en direz des nouvelles . Essayez aussi celle de Rayan , en plein Hazmié , et c'est encore mieux , exceptionnel, la meilleure au monde . Il est très connu .

    Chucri Abboud

    15 h 56, le 10 juillet 2019

  • QUI EST LIBANAIS ET L,IGNORE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    23 h 37, le 06 juillet 2019

  • La "man'ouché" ou la "manqouché" (suite). Depuis mes ancêtres les Phéniciens, le terme de "man'ouché" désigne celle faite de thym (zaatar), sumak, sel, graines de sésame et huile d'olive. Stop. Aujourd'hui on en fait avec d'autres ingrédients viande de veau, viande de poulet, de porc, de thon, de basterma, de sujuk, des poivrons, des navets, des pourpiers, des romaines, du labné, de fromage dit bulgare etc. Tout est bon pour gagner de l'argent. C'est pourquoi, je préconise que l'ont appelle la première version "Man'ouché b'zaatar" et la classer officiellement comme AOC ou AOP, une fois pour toutes. Ainsi la "man'ouché b'zaatar" serait une marque exclusivement libanaise déposée pour les siècles des siècles.

    Un Libanais

    19 h 48, le 06 juillet 2019

  • Recouvert d’un riche mélange de "baqlé", d’épinards, de tomates et d’oignons. Le "baqlé" c'est la garniture: ce sont les épinards, les tomates et les oignons ...

    Stes David

    18 h 58, le 06 juillet 2019

  • Vieillard originaire de Sarba-Kesrouan, je me permets de donner ma version de la "manqouché" du verbe "naqacha" graver. Lorsque ma mère, dans les années 1930, faisait les manaqiches sur le saj à la fin de la cuisson du pain marqouq, elle étalait les ingrédients thym, sumac, sésames, sel, huile d'olive sur la pâte d'un pain en appuyant sur tout cela pour bien les graver dans la pâte. Ensuite, elle étendait les manqouchés sur le saj quelques petites minutes. A l'époque, il y avait un seul four au village pour cuire le pain des ménagères, rares celles qui ajoutaient des manaqiches. D'autres ménagères optaient pour le saj comme ma mère, aidée par un fils docile pour activer le feu sous le saj... Dans toute la ville de Jounieh, il n'y avait aucun point de vente de manaqiches.

    Un Libanais

    17 h 43, le 06 juillet 2019

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