Rechercher
Rechercher

Liban - Affrontements interdruzes

Entre tentatives d’apaisement et persistance des crispations

Walid Joumblatt s’exprimant à l’issue de la réunion du Conseil communautaire druze. Photo ANI

Les affrontements interdruzes qui ont éclaté dimanche dans la région de Aley sont encore trop récents pour qu’ils soient déjà surmontés, mais à coups de déclarations, réunions et contacts, les responsables de tous bords continuent de déployer leurs efforts d’apaisement, étant conscients de la nécessité de ne pas laisser raviver les démons de la guerre, même si chacun campe sur ses positions et entretient les crispations. Dans le cadre des efforts d’appaisement, le leader du PSP et le chef du gouvernement Saad Hariri se sont réunis hier soir à l’occasion d’un dîner au domicile du chef du Parlement, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné.

Auparavant, dans l’après-midi, M. Joumblatt avait réitéré sur Twitter son respect de la loi, de la justice et de l’armée, comme il venait de le déclarer à l’issue de la réunion, hier après-midi, du Conseil communautaire druze, présidée par le cheikh Naïm Hassan. « Il est nécessaire de se calmer, de s’ouvrir et de renforcer le dialogue en vue de consolider la sécurité et la réconciliation », a-t-il souligné. Un commentaire qui résonne comme un écho au mot que le président Michel Aoun avait prononcé en matinée devant une délégation de l’ordre des médecins, conduite par Charaf Aboucharaf. Le président a affirmé à cette occasion que « l’État doit préserver son prestige » à travers notamment « une justice qui protège les citoyens et qui applique la loi à l’encontre des contrevenants et des criminels ». « Les disputes dans les médias ne mènent à rien, seule la justice peut statuer sur les crimes », a insisté le chef de l’État, estimant « que si nous ne respectons pas la liberté d’autrui, la différence d’opinion et la liberté de croyance, notre République qui repose sur ces trois piliers s’effondrera. »


(Lire aussi : Chouf-Aley : rêves de conquête et réveils douloureux)



Mais M. Joumblatt ne s’est pas empêché, une minute après avoir posté le tweet dans lequel transparaît sa volonté d’apaisement, de le faire suivre d’une pique au chef du CPL, qu’il avait également lancée après la réunion du Conseil communautaire druze : « Que Gebran Bassil patiente un peu…il veut arriver, mais pas de cette façon. Pourquoi veut-il une escorte de l’armée aussi importante pour se rendre à la Montagne ? »

Quarante-cinq minutes plus tard, M. Joumblatt se réunissait à son domicile, à Clemenceau, avec le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim (médiateur entre le PSP et le parti de Talal Arslane), en présence de Taymour Joumblatt et Akram Chéhayeb, ministre de l’Éducation. À l’issue de la rencontre, le chef du PSP a affirmé qu’il est « ouvert à toutes les solutions ». À cette déclaration, M. Ibrahim a ajouté : « Vous devez comprendre ce qu’il veut dire à travers ses propos. » M. Joumblatt a pour sa part déclaré qu’il coopère avec le directeur de la SG qui, selon lui, « comprend les dangers de la crise et peut nous sortir de cette impasse sur base de la loi ».

Pour sa part, M. Berry s’est également penché sur les moyens de désamorcer la crise, affirmant, lors de sa rencontre hebdomadaire avec les députés, que « la Montagne a sa spécificité… Ce qu’il s’est passé ne peut être traité par la politique seule, ni par la sécurité seule ni par la justice seule, mais par l’interaction de ces trois éléments ».


(Lire aussi : Geagea à Aoun : « Ce mandat est le vôtre. Ne permettez à personne de le gâcher »)



Arslane insiste

Quant à Talal Arslane, s’il a accepté la médiation de M. Ibrahim, il semble toutefois réticent à l’idée de voir l’affaire aux mains des tribunaux ordinaires. À l’issue d’une réunion tenue hier à Yarzé avec le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, à laquelle a pris part Saleh Gharib, il a affirmé que « le transfert du dossier à la Cour de justice est une demande essentielle et non vexatoire », évoquant « une tentative d’assassiner un ministre et une atteinte à la paix civile ». M. Bou Saab a dans le même esprit souligné que « lorsqu’une voiture bloque une route et que des pneus sont brûlés, cela signifie qu’il s’agit d’un guet-apens ».

Lorsqu’il est sorti de la réunion tenue à la Maison druze, Walid Joumblatt s’est insurgé contre « cette anticipation » du ministre de la Défense, lui demandant d’ « attendre l’action de la justice et (de) ne pas l’outrepasser ». Le chef du PSP a également critiqué les propos de Gebran Bassil qui a lui aussi parlé d’ « une embuscade armée », se demandant : « Comment peut-il le savoir ? » « Pourquoi anticipe-t-on la justice comme on l’a fait dans l’affaire de Suzanne el-Hajj? » s’est-il encore interrogé, avant d’affirmer qu’ « on a traîné dans la boue la justice ». « Préservons ce qui en reste », a-t-il ajouté.

M. Joumblatt a par ailleurs exhorté le chef de l’État à mettre fin aux « comportements juvéniles », en référence à ceux de Gebran Bassil, décrivant le discours de ce dernier, toujours sans le nommer, de « provocateur ». « Pourquoi avoir réveillé les démons du passé à Kahalé et Souk el-Gharb? » (M. Bassil avait commencé sa tournée du week-end en évoquant les affrontements qui ont enflammé la Montagne en 1983).


(Lire aussi : Gebran Bassil a-t-il menacé Raya el-Hassan ?)



En réponse à un journaliste qui lui a demandé si M. Bassil est interdit de se rendre dans la Montagne, le chef du PSP a répondu : « Pourquoi n’y va-t-il pas seul, sans discours provocateur et sans escorte sécuritaire colossale ? Vous savez que lorsque je me rends dans les régions, je n’use que d’une voiture ou de deux au maximum. »

Sur le point de savoir s’il y a « des portes bien définies » pour entrer dans la Montagne, M. Joumblatt a répliqué : « Les portes sont nombreuses, notamment la porte de Khaldé, que je respecte malgré toutes les insultes qui en proviennent, ainsi que les portes de Wi’am Wahhab et de Saleh Gharib. »

M. Wahhab, chef du parti al-Tawhid, s’était entretenu en journée avec le chef du CPL. À la suite de la réunion, il a déclaré que « le climat est positif ». « Nous fournirons les plus gros efforts pour empêcher que le sang coule. Le prix est coûteux, les druzes sont contre toute sorte de clash et la justice est la solution », a-t-il affirmé dans un tweet.

Sur le terrain, le calme était quelque peu revenu hier, quoiqu’une banderole exprimant un hommage à Akram Chehayeb ait été brûlée dans le village de Sofar. L’armée s’est déployée dans la région de Aley, notamment dans les localités où sont survenus les événements de dimanche, mais ce déploiement s’inscrivait dans le cadre de la journée sécuritaire qui a également englobé hier diverses régions périphériques.


Lire aussi

Qabrchmoun : le pire a été évité mais des questions restent, sans réponses, le décryptage de Scarlett Haddad

Aoun : Toutes les parties doivent assumer leur responsabilité dans les événements de la Montagne

L’Église maronite redoute une dérive milicienne

Frangié : Priorité à la « sécurité politique »

Le leadership joumblattiste dans le collimateur de la « moumanaa » ?

Halte au pyromane !l'éditorial de Issa GORAIEB

Affrontements interdruzes : Comment en est-on arrivé là ?

Arslane vs Joumblatt : des siècles de lutte d'influence pour le leadership druze

Les affrontements interdruzes qui ont éclaté dimanche dans la région de Aley sont encore trop récents pour qu’ils soient déjà surmontés, mais à coups de déclarations, réunions et contacts, les responsables de tous bords continuent de déployer leurs efforts d’apaisement, étant conscients de la nécessité de ne pas laisser raviver les démons de la guerre, même si chacun campe sur...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut