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Liban - Affrontements de Qabrchmoun

Le leadership joumblattiste dans le collimateur de la « moumanaa » ?

Moukhtara exclut toute possibilité de dialogue avec Talal Arslane.

Talal Arslane et Walid Joumblatt. Photo d'archives Amer Zeineddine

Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, fait-il face à une tentative de l’affaiblir ? La question se pose dans les milieux politiques au lendemain des incidents de Qabrchmoun qui avaient opposé, dimanche, des partisans du leader de Moukhtara à d’autres proches de son principal rival sur la scène druze, Talal Arslane, connu pour ses (très) bons rapports avec le régime syrien. Certains observateurs accusent ouvertement Damas et ses alliés locaux de tenter d’isoler politiquement Walid Joumblatt.

Les affrontements survenus dimanche dernier dans le caza de Aley ne devraient donc pas, de ce fait, être isolés du contexte politique particulièrement tendu dans lequel ils sont survenus.

Il est vrai que lors des législatives de mai 2018, l’alliance tissée entre le Courant patriotique libre de Gebran Bassil et le Parti démocratique de Talal Arslane a créé la surprise en menant quatre de ses candidats (dont M. Arslane lui-même) à la Chambre. Un résultat interprété dans certains milieux hostiles à MM. Arslane et Bassil comme une flèche décochée en direction du leader de Moukhtara dans son fief le plus important, à savoir les cazas de Aley et du Chouf, dans une tentative de briser le leadership joumblattiste incontestable dans la région.


(Lire aussi : Halte au pyromane !l'éditorial de Issa GORAIEB)


Mais à en croire certains observateurs politiques interrogés par L’Orient-Le Jour, le problème va bien au-delà de la question des législatives. Il s’agit de tentatives d’affaiblir Walid Joumblatt – aussi bien sur le plan local que sur la scène régionale – en lui imposant des choix politiques qui vont à l’encontre de ses orientations souverainistes. C’est en tout cas ainsi que les observateurs interprètent l’insistance dont a fait preuve le 8 Mars, notamment le Hezbollah, à intégrer un représentant du parti de Talal Arslane au sein du gouvernement, contrairement à la volonté du leader du PSP.

Fort des résultats des législatives (dans le cadre desquelles il avait remporté, avec ses alliés FL et Futur, neuf des treize sièges de la circonscription), M. Joumblatt cherchait d’abord à monopoliser la représentation ministérielle de la communauté druze, avant de céder un siège à Saleh Gharib, à la faveur d’un compromis conclu avec le président de la République, Michel Aoun, et… Talal Arslane. Quelques mois plus tard, le leader de Moukhtara s’est, une nouvelle fois, trouvé dans le collimateur du Hezbollah et de ses alliés. En témoignent, bien entendu, les incidents de Jahiliyé du 1er décembre 2018. Dans la foulée des tractations pour la formation du gouvernement, des affrontements avaient alors opposé les SR des Forces de sécurité intérieure à des éléments armés du parti Tawhid de Wi’am Wahhab, autre rival de Walid Joumblatt et allié du régime Assad et du Hezbollah. Cela avait fait dire à certains ténors du camp souverainiste qu’à travers ces affrontements armés, Damas et ses alliés locaux entendaient affaiblir aussi bien Saad Hariri que Walid Joumblatt.

C’est dans le même cadre que pourait s’inscrire le crime de Choueifat de mai 2018 (un partisan de Talal Arslane, Amine Souki, avait tué un partisan du PSP, Alaa Abou Faraj, deux jours après les législatives), mais aussi la querelle qui avait opposé Moukhtara à l’axe syro-iranien autour des fermes de Chebaa. Dans un entretien accordé, le 25 avril dernier, à la chaîne Russia Today, Walid Joumblatt avait estimé que les fermes en question ne sont pas libanaises, suscitant la colère de l’axe de la moumanaa (l’axe irano-syrien).

Cela fait dire à certains milieux politiques que les incidents de Qabrchmoun revêtent de l’importance dans la mesure où ils sont le résultat d’un cumul de batailles entre Moukhtara et ses détracteurs.


(Lire aussi : Les efforts convergent vers une sortie de crise)



« Ce n’est pas facile »…
Les milieux proches de Walid Joumblatt semblent d’ailleurs conscients que les tentatives d’isoler le chef du PSP et de menacer son leadership sont encore loin de prendre fin, dans la mesure où les auteurs entendent imposer de nouveaux rapports de forces tant à Saad Hariri qu’à Walid Joumblatt, souligne un proche du chef du PSP contacté par L’OLJ. Mais il s’empresse d’assurer qu’il « n’est pas facile de torpiller le leadership des Joumblatt ».

Mais en dépit de la campagne d’affaiblissement qui semble viser le leader druze, ce dernier est convaincu que « l’importance de préserver la diversité politique de la Montagne avait dicté le compromis ministériel avec Talal Arslane », comme le souligne le responsable au sein du PSP. Il insiste toutefois sur le fait qu’il est désormais « impossible » d’engager un dialogue politique avec le Parti démocratique, afin de normaliser les rapports entre les deux formations rivales.

À leur tour, les milieux de M. Arslane excluent toute possibilité d’engager un dialogue avec le PSP prochainement. « Nous ne pourrons pas nous entretenir avec Walid Joumblatt, alors que le sang de nos partisans vient de couler dans la Montagne », explique à L’OLJ un cadre du Parti démocratique qui a requis l’anonymat.

Tentant d’analyser les causes politiques des échauffourées de dimanche, ce dernier reconnaît que M. Joumblatt est doté d’un leadership incontestable. « Mais cela ne signifie aucunement qu’il y a une volonté de l’affaiblir. Il faut tout simplement qu’il revienne à son poids politique ordinaire, au lieu de continuer à tenter de monopoliser la scène druze », dit-il, critiquant le fait que « Walid Joumblatt continue de faire barrage à tout partenariat politique dans la Montagne ». Et de souligner qu’« aujourd’hui, certaines formations politiques veulent recouvrer leur poids politique ». Une claire allusion au Parti démocratique, mais aussi au CPL.



(Lire aussi : Une crise peut en cacher une autre, plus profonde, le décryptage de Scarlett Haddad)



Règlement de comptes avec Damas
Bien au-delà de la dimension liée aux tractations de la politique politicienne, les affrontements interdruzes revêtent un cachet régional, lié au règlement de comptes entre l’axe de la moumanaa et ses détracteurs locaux. Dans certains milieux politiques, on va jusqu’à estimer que certaines parties extérieures profitent du conflit au sein de la communauté druze pour continuer à imposer leur volonté sur la scène locale. C’est ainsi que ces milieux interprètent l’assassinat de Saleh Aridi (10 septembre 2008), conseiller de Talal Arslane, qui avait scellé la réconciliation entre ce dernier et M. Joumblatt dans la foulée des événements du 7 mai 2008.

Quoi qu’il en soit, le PSP semble confiant que les affrontements de dimanche s’inscrivent dans la continuité de la bataille opposant Moukhtara à Damas. Un point de vue que les FL, mais aussi le Parti démocratique, ne partagent pas. Il n’en reste pas moins que Meerab reste attaché à son alliance « historique » avec M. Joumblatt, comme le confient ses sources à L’OLJ.


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commentaires (4)

reprenons un peu beaucoup l'historique des communautes religieuses libanaises . gueguerres inter maronites, chiites & druzes ont toujours fait partie de notre histoire. celles inter sunnites par contres ont ete toujours circonstancielles , ayant toujours pour "geniteur" le pays frero !

Gaby SIOUFI

17 h 28, le 04 juillet 2019

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Commentaires (4)

  • reprenons un peu beaucoup l'historique des communautes religieuses libanaises . gueguerres inter maronites, chiites & druzes ont toujours fait partie de notre histoire. celles inter sunnites par contres ont ete toujours circonstancielles , ayant toujours pour "geniteur" le pays frero !

    Gaby SIOUFI

    17 h 28, le 04 juillet 2019

  • Les affrontements interdruzes ne sont pas nouveaux et resteront ainsi tant que le Liban n'est pas libre politiquement de ses choix .

    Antoine Sabbagha

    16 h 59, le 03 juillet 2019

  • Le sens du mot "moumanaa" m'échappe. On écrit entre parenthèses (l’axe irano-syrien) mais je soupçonne qu'il s'agit plutôt d'un mot libanais dérisoire pour dire "les têtus" ou "les obstinés" mais c'est probablement un mot libanais difficile à traduire en français.

    Stes David

    08 h 32, le 03 juillet 2019

  • "Walid Joumblatt, fait-il face à une tentative de l’affaiblir ? La question se pose..." Il me semble qu'en fait, la question ne se pose pas, car la réponse positive est évidente.

    Yves Prevost

    06 h 25, le 03 juillet 2019

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