Gebran Bassil. Photo REUTERS/Denis Balibouse
Une nouvelle polémique a éclaté hier, mercredi, suite aux propos qu’aurait tenus le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, lors d’un échange verbal avec la ministre de l’Intérieur Raya Haffar el-Hassan. Un échange qui a eu lieu lundi dernier, peu avant la réunion du Conseil supérieur de la défense présidée par le chef de l’État, Michel Aoun. Et ce sur fond de crise aiguë dans le caza de Aley entre les deux factions druzes adverses de Walid Joumblatt et Talal Arslane, également liée à des propos du ministre des Affaires étrangères que la ministre de l’Intérieur avait jugés « provocateurs ». La réunion du Conseil supérieur de la défense s’était tenue en présence, notamment, du Premier ministre, Saad Hariri, de la ministre de l’Intérieur, du ministre des Affaires étrangères, et du ministre de la Défense, Élias Bou Saab.
(Lire aussi : Geagea à Aoun : « Ce mandat est le vôtre. Ne permettez à personne de le gâcher »)
Les réseaux sociaux s’enflamment
Sur les réseaux sociaux, circule donc depuis hier matin une version détaillée de « la mise en garde », voire « des menaces » qu’aurait adressées Gebran Bassil à Raya el-Hassan. Ce dernier lui aurait dit d’un ton vif : « Vous, faites attention, à vous ! » L’intéressée aurait alors répondu : « Je ne vous permets pas de me parler de la sorte. Ne me menacez pas. Avez-vous compris ? Je suis la ministre de l’Intérieur. C’est bien clair ! » Le ministre des AE aurait une nouvelle fois rétorqué : « Faites attention à vous, je vous dis. » Et la ministre de l’Intérieur de répondre avec force : « Allez-vous faire voir ! Personne ne me menace. »
Sur Twitter, les partisans des deux camps se déchaînent et s’étripent. Les partisans du courant du Futur, auquel appartient la ministre Hassan, jurent leurs grands dieux que nul ne touchera à un cheveu de « celle qui vaut mille hommes », ou qu’il est « inadmissible que la dame juste, forte et propre soit menacée ». De leur côté, les proches du Courant patriotique libre présidé par Gebran Bassil, gendre du chef de l’État, dénoncent une « machination orchestrée », voire « une fausse information digne d’un feuilleton mexicain ». Et ils ne manquent pas de se demander : « Pourquoi l’information a été si largement véhiculée, et de manière aussi douteuse, deux jours après la réunion du Conseil supérieur de la défense, et non pas juste après ? »
La classe politique dans son ensemble refuse de commenter l’affaire. L’Orient-Le Jour a bien tenté de contacter les ministres concernés et leurs proches. Sans succès. « No comment », répond aussi l’ancien député Ammar Houry, conseiller de Saad Hariri. Seules quelques personnalités sunnites expriment par Tweet ou communiqué « leur solidarité » à l’égard de la ministre de l’Intérieur, notamment les anciens ministres Achraf Rifi et Mohammad Machnouk, dénonçant « les propos initiateurs de discorde du ministre Bassil ». De même, le Regroupement des associations des familles beyrouthines condamne « l’atteinte au système de l’État de droit et des institutions ».
(Lire aussi : Chouf-Aley : rêves de conquête et réveils douloureux)
Une tentative de calmer les esprits
Sauf qu’en milieu de journée hier, et dans une tentative visible de calmer les esprits, une source ministérielle proche de Baabda a véhiculé une seconde version des faits, intitulée « Bassil a-t-il vraiment menacé la ministre de l’Intérieur ? Les faits détaillés selon une source ministérielle. » Aussitôt reprise par le site Elnashra (proche du CPL) et par la correspondante de L’Orient-Le Jour à Baabda, Hoda Chédid, cette version dénonce « un nouvel épisode du feuilleton subversif » qui a pour titre « Bassil menace Raya el-Hassan » et dont « le contenu n’est autre que des propos déformés, tirés de leur contexte, concernant une conversation qui a eu lieu dans le cadre d’une réunion du Conseil supérieur de la défense à Baabda ».
Le ministre, qui a participé à la réunion de lundi dernier, explique que « l’histoire a débuté avant l’arrivée du ministre des AE ». Le ministre Bou Saab reprochait à la ministre de l’Intérieur sa déclaration sur les incidents de la Montagne. Elle y avait décrit la visite de M. Bassil comme étant une provocation. « Lorsque votre déclaration après le dernier attentat terroriste à Tripoli, décrivant l’agresseur comme souffrant de maladie mentale, a été comprise comme une tentative d’atténuer sa responsabilité dans le crime, nous vous avons soutenue conformément au principe de solidarité, lui a-t-il dit. Et votre déclaration était surprenante et déplacée le jour des événements de la Montagne. »
(Lire aussi : Entre tentatives d’apaisement et persistance des crispations)
Estimant que « mes propos ont été mal interprétés », la ministre de l’Intérieur a montré son téléphone portable. Élias Bou Saab lui a donc « demandé de publier un démenti car sa déclaration a été comprise comme justifiant l’agression armée de dimanche à l’encontre du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib ».
Lorsque le ministre Bassil a rejoint la réunion, Raya el-Hassan lui a demandé : « Êtes-vous fâché de moi ? » Il a répondu d’un ton de reproche : « Il y a des limites. Vous devez faire attention. » « Le ministre des AE évoquait la déclaration de sa collègue de l’Intérieur sur les événements de la Montagne, sachant que lors de sa dernière apparition télévisée dans l’émission du journaliste Marcel Ghanem, elle avait lancé à son égard une série de critiques sans qu’il n’y réponde », poursuit la source ministérielle. C’est alors qu’elle a demandé : « Vous me menacez ? »
« Le Premier ministre Saad Hariri est aussitôt intervenu, insistant sur la solidarité ministérielle, regrettant les déclarations déplacées lors d’événements graves », poursuit la source ministérielle. Il a toutefois « soutenu Raya el-Hassan qui a affirmé n’avoir pas eu l’intention de justifier l’agression ». « Les choses en sont restées là. Mais mercredi matin, a fuité une fausse version des faits. » Et pourtant, assure le ministre, il n’y a « jamais eu de menaces. Ces accusations font partie de la campagne orchestrée contre Bassil ».
Lire aussi
Qabrchmoun : le pire a été évité mais des questions restent, sans réponses, le décryptage de Scarlett Haddad
Aoun : Toutes les parties doivent assumer leur responsabilité dans les événements de la Montagne
L’Église maronite redoute une dérive milicienne
Frangié : Priorité à la « sécurité politique »
Le leadership joumblattiste dans le collimateur de la « moumanaa » ?
Halte au pyromane !, l'éditorial de Issa GORAIEB
Affrontements interdruzes : Comment en est-on arrivé là ?
Arslane vs Joumblatt : des siècles de lutte d'influence pour le leadership druze
commentaires (9)
"A quelques uns l'arrogance tient lieu de grandeur, l'inhumanité de fermeté et la fourberie d'esprit "
CHARLES OBEGI
00 h 51, le 06 juillet 2019