Les tragiques événements qui ont éclaté dimanche dans le caza de Aley indiquent à quel point les tensions entre les composantes politiques et confessionnelles sont exacerbées. Tel est le constat de différents analystes interrogés par L’Orient-Le Jour.
Samer Abou Faraj et Rami Salmane, deux gardes du corps de Saleh Gharib, ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, tous deux partisans de Talal Arslane, chef du Parti démocratique, ont trouvé la mort dimanche au niveau de Qabr Chmoun lors d’un affrontement avec des partisans armés de Walid Joumblatt, qui ont voulu empêcher le convoi de M. Gharib de se diriger vers Kfarmatta, alors que celui-ci venait de Chemlane où il s’était réuni avec le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Lequel ministre des Affaires étrangères avait, samedi, lors d’une visite à Kahalé, première étape de sa tournée du week-end dans le caza, évoqué les affrontements de la Montagne lors de la guerre du Liban, et plus spécifiquement les affrontements, en 1983, entre les milices et les soldats chrétiens – alors que l’armée était divisée–, et le PSP.
« Les leçons de la guerre n’ont pas été retenues »
Comment a pu se produire un dérapage si grave, au point de rappeler les pires images de la guerre avec son lot de victimes tombées en raison de l’usage incontrôlé des armes et de l’absence de l’État ? L’Orient-Le Jour a joint tour à tour Karim Bitar, directeur de recherches de l’Institut international de relations internationales et stratégiques (IRIS), et Sami Nader, analyste politique, pour tenter d’analyser les causes de cette soudaine éruption de violence qui a fait, en sus des morts, plusieurs blessés.
(Reportage : À Qabr Chmoun et Kfarmatta, tristesse et désenchantement)
« Trente ans après la fin de la guerre, les mentalités miliciennes sont toujours ancrées, et au lieu que ce soit l’État qui dissolve les milices, ce sont elles qui l’ont dissous », indique d’emblée Karim Bitar, évoquant « la logique dangereuse des ghettos communautaires ». « Chaque leader veut imposer sa propre souveraineté comme s’il possédait un pré carré communautaire qu’il considère comme un domaine de prérogatives sur lequel personne ne doit empiéter », estime le chercheur, soulignant que « cette attitude se traduit notamment par des déclarations déplacées qui rouvrent les plaies non encore cicatrisées de la guerre ». M. Bitar fait assumer « ces discours provocateurs » à la classe politique, notant que « les leçons de la guerre n’ont pas été retenues ». « Au point de vue des émotions et des sensibilités, on se rend compte que le pays n’a pas fait un travail de mémoire », ajoute-t-il, estimant plus particulièrement que « le climat n’était pas propice au discours qui s’est tenu samedi à Kahalé ». M. Bitar affirme cependant que, « quand bien même certains propos provoquent des étincelles, rien ne justifie le recours à la force et à la pratique milicienne ».
« On a tout fait pour préparer le terrain »
Sami Nader attribue lui aussi la résurgence de la violence manifestée dimanche au discours confessionnel. « Tous les partis sont confessionnels », fait-il remarquer, notant qu’« ils ont mené les élections législatives (de mai 2018) sous le slogan des droits des communautés ». « On a tout fait pour préparer le terrain, en ne ratant aucune occasion d’exacerber les tensions communautaires et de consolider le système confessionnel et sectaire », ajoute M. Nader, soulignant que ces divisions sont également nourries par « les tensions communautaires de la région, qui exposent la scène libanaise à toutes les vulnérabilités ». « Il n’existe aucun travail de fond en direction de l’inclusion, de la citoyenneté et de l’État de droit », poursuit-il, ajoutant qu’« on est sorti du consensus national et de la logique de la construction d’un État avec tous les partenaires ».
Sami Nader dénonce, dans ce cadre, la conclusion d’ententes bilatérales, d’où sont forcément exclues les composantes qui ne les ont pas signées. « Les accords bilatéraux sont une hérésie, constituant un facteur de tensions qui sapent la cohésion nationale », martèle-t-il, évoquant l’accord du CPL et du Hezbollah (Mar Mikhaël, en 2006), ou encore l’entente entre le courant du Futur et le CPL, et entre Samir Geagea et Michel Aoun (qui en 2016 avaient favorisé toutes deux l’accès de ce dernier à la tête de l’État), ainsi que l’accord qui aurait été récemment établi entre le courant du Futur et le CPL au sujet des nominations administratives.
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commentaires (4)
GENDRISSIMALEMENT A COUPS D,ECHAPPEMENTS DE METHANE ET DE BEVUES L,ATMOSPHERE S,EST ALLUMEE !
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 46, le 02 juillet 2019