Capture d’écran montrant des habitants de Kfarmatta bloquant la route permettant d’accéder à la localité devant le convoi du ministre des AE, Gebran Bassil, le 30 juin 2019.
Deux morts et au moins trois blessés. Tel est le triste bilan de la tournée que le chef du CPL, Gebran Bassil, a effectuée hier dans le caza de Aley, au milieu d’une violente contestation druze dans les villages où le PSP de Walid Joumblatt domine. Celle-ci s’est manifestée par des blocages de route à Kfarmatta et a culminé avec des tirs mortels contre le convoi du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib, au milieu d’une divergence de vues sur ce qui a déclenché les tirs entre le PSP et le Parti démocrate de Tatal Arslane, auquel Saleh Gharib appartient.
Plus grave que l’incident interdruze – le troisième du genre depuis mai 2018 lorsqu’un échange de tirs entre des partisans du PSP et du Parti démocrate s’est soldé par un mort à Choueifat – est son exploitation politique qui a transparu dans le discours qui l’a suivi, notamment dans les rangs du Parti démocrate. Aussi bien Talal Arslane que Saleh Gharib ont fait état d’un « guet-apens » et d’ « une tentative d’attentat incontestable » contre Gebran Bassil, qui, pourtant, à l’heure où l’incident s’était produit dans l’après-midi, n’était plus dans la région. Ils se sont dans le même temps déchaînés contre Walid Joumblatt, l’accusant indirectement, dans diverses déclarations aux médias, d’avoir monté la rue druze contre le chef du CPL, alors que dès le matin, le leader du PSP – qui se trouve en dehors du Liban – avait appelé ses partisans à « rester indifférents » à la visite de Gebran Bassil, une visite qu’il a quand même perçue comme un défi. « L’indifférence reste la meilleure réponse au défi découlant de l’arrogance », a-t-il écrit sur Twitter. Un appel que ses partisans n’ont pas entendu puisqu’ils ont investi les rues. C’est le ministre de l’Éducation, Akram Chehayeb, qui s’est évertué, sur le terrain, à contenir une tension qui montait crescendo dans la région du Chahhar (caza de Aley).À l’origine de cette tension, selon Akram Chehayeb, le discours « ponctué de références à la guerre de la Montagne » druzo-chrétienne, que Gebran Bassil avait tenu la veille à Kahalé, première étape de sa tournée du week-end dans le caza et qui a accentué, selon lui, la colère des habitants des différents villages que ce dernier comptait visiter. Akram Chehayeb a reproché à son collègue des Affaires étrangères d’avoir rouvert les plaies de la guerre par son discours, alors qu’il s’apprêtait à visiter « une région sensible », en allusion au massacre de druzes dans le Chahhar, notamment à Kfarmatta, en 1983.
L’explication reste cependant limitative car il n’est pas possible de dissocier l’hostilité qui s’est manifestée contre la tournée de M. Bassil, dans les localités où le PSP domine, de la longue histoire de relations tendues, des guerres verbales et d’échanges assassins entre les chefs et les cadres des deux partis, depuis que le CPL a accédé au pouvoir et que le compromis politique entre ce parti et le courant du Futur, qui a permis l’élection de son fondateur, Michel Aoun, à la tête de l’État s’est pratiquement traduit par un ostracisme qui a frappé crescendo le PSP, les Forces libanaises et les Marada.
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Deux versions des faits
Deux versions différentes des faits ont été données. Gebran Bassil était supposé rendre visite à Kfarmatta au cheikh Akl nommé par Talal Arslane, cheikh Nassereddine Gharib, mais il a fini par y renoncer, après des contacts entre Akram Chehayeb, le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, son collègue, Saleh Gharib, et les services de renseignements de l’armée. Tous lui ont conseillé de changer de parcours, compte tenu du rassemblement populaire à Kfarmatta. Il a fini par se rendre à Chemlane pour retrouver Saleh Gharib et c’est au retour de ce dernier de Chemlane vers Kfarmatta que les échanges de tirs se sont produits.
Selon Saleh Gharib, ce sont les partisans du PSP qui ont ouvert le feu sur son convoi, tuant Samer Abou Faraj et Rami Salmane, deux de ses gardes de corps, et en blessant un troisième. Selon le PSP, ce sont les gardes de corps du ministre qui ont ouvert le feu à trois reprises sur les protestataires: la première fois à l’entrée de Abey où des jeunes avaient bloqué la route par des pneus brûlés, alors que le convoi de M. Gharib se rendait à Chemlane, la deuxième au niveau du village de Bassatine, toujours contre des protestataires, et la troisième fois, sur la place de Qabr Chmoun, où un jeune manifestant a été blessé, « avant que ceux qui étaient munis d’armes parmi les protestataires ne ripostent ». Selon le PSP, des vidéos confirment cette thèse et ont été remises aux forces de l’ordre qui ont ouvert une enquête hier, afin de déterminer les responsabilités dans cette affaire.Face au déchaînement de Saleh Gharib et de Talal Arslane contre lui, Walid Joumblatt a annoncé sur Twitter qu’il se refuse à toute polémique médiatique sur l’affaire de Kfarmatta et a appelé à des investigations rapides. Il s’est adressé sans le nommer à Gebran Bassil, lui faisant assumer la responsabilité de ce qui s’est passé. « Je souhaite que les nouveaux venus en politique prennnent conscience des équilibres délicats qui régissent la Montagne, ouverte à tous les courants politiques sans exception aucune, mais qui rejette la réouverture des plaies du passé, les règlements de comptes et la marginalisation », a-t-il écrit sur Twitter.
(Pour mémoire : À Deir el-Qamar, une énième consolidation de la réconciliation de la Montagne)
Dans le même temps, le président Michel Aoun et le chef du gouvernement, Saad Hariri, prenaient contact avec toutes les parties dans une tentative de calmer le jeu, alors que la colère de la rue ne cessait de croître en soirée. Les partisans de Talal Arslane ont coupé à la circulation par des pneus brûlés l’autoroute et la route côtière de Khaldé, où la présence d’éléments armés a été constatée. Celles-ci ont été rouvertes en soirée. Idem à Mdeirej et à Baalchmay, sur la route de Damas.
Le chef de l’État a convoqué le Conseil supérieur de la défense à une réunion extraordinaire qui se tiendra ce matin à 11h au palais de Baabda. À midi, c’est Talal Arslane qui tiendra une conférence de presse à Khaldé. En soirée, M. Arslane a tenu une réunion avec le ministre des Déplacés, Ghassan Atallah, le député César Abi Khalil (CPL), le ministre d’État pour les Affaires du Parlement, Mahmoud Comati (Hezbollah), et l’ancien ministre Wi’am Wahhab, axée sur les événements de la journée.À l’issue de cette réunion, M. Atallah a déclaré que les deux « martyrs » tués ne seraient pas enterrés tant que les assaillants ne seraient pas traduits en justice. « Ce n’est pas une seule personne qui a perpétré ce meurtre mais une partie qui veut que la Montagne reste un canton qui lui est réservé », a-t-il ajouté. De son côté, M. Comati, dans une déclaration plus nuancée, a souligné que « le discours politique de tous les protagonistes devrait rester dans les limites de l’éthique. L’ère des milices est révolue et la stabilité de la Montagne est essentielle ».
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commentaires (18)
on ne peut pas couper la route a un représentant de l'État ceci est inacceptable ceci étant dit Gebran Bassil aurait du réfléchir a 10 fois avant de vouloir se rendre visiter une personne qui n'est pas un officiel représentant une communaute devant l'Etat libanais en d'autre termes un officiel ne peut pas aller en sa qualite d'officiel pour une visiter officielle une personne sujette a debat sur sa qualite de representant !! Bassil vient ici atiser le feu qui couvait déjà entre representant de cette meme communaute … en faisant l'affaire du regime syrien qui lui veut et ce depuis longtemps diviser pour mieux régner
Bery tus
16 h 49, le 01 juillet 2019