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Liban - Partis

À Deir el-Qamar, une énième consolidation de la réconciliation de la Montagne

Walid Joumblatt et Gebran Bassil seront présents aujourd’hui à l’office célébré en l’église de Saydet el-Tallé.

La célèbre réconciliation de la Montagne en août 2001 entre Walid Joumblatt et Nasrallah Sfeir. Photo d'archives

À l’initiative du ministre des Déplacés Ghassan Atallah (Courant patriotique libre), une messe est prévue aujourd’hui en l’église Saydet el-Tallé à Deir el-Qamar, en présence du ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui effectue une tournée dans la région, et du chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt. Objectif de cet office présidé par l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar : prier ensemble pour le repos de l’âme des chrétiens victimes des représailles après l’assassinat de Kamal Joumblatt en mars 1977 et des victimes de la guerre de la Montagne, ainsi que pour la préservation du vivre-ensemble au Liban et dans cette région. Au-delà, c’est l’imagerie de la réconciliation de la Montagne de 2001 que le PSP souhaite une fois de plus mettre en évidence. MM. Joumblatt et Bassil devraient tous les deux prendre la parole à l’occasion pour évoquer cette dimension de l’événement.

Le 3 août 2001, Mgr Nasrallah Sfeir, alors patriarche maronite, et Walid Joumblatt étaient parvenus à sceller la réconciliation entre druzes et chrétiens, dix-huit ans après l’épisode de la guerre de la Montagne (1983) qui avait opposé le PSP aux Forces libanaises, avec son lot de massacres, d’enlèvements et de vexations, et provoqué un déplacement massif des habitants des villages chrétiens locaux.

Cette entente, conclue lors d’une visite historique – la première de son genre dans la période de l’après-guerre – du chef de l’Église maronite à Moukhtara, avait été le fruit de grands efforts déployés aussi bien par le prélat maronite et le leader druze que par les ténors du Rassemblement de Kornet Chehwane, groupement politique qui regroupait à l’époque les partis chrétiens souverainistes (à l’exception du CPL qui s’en était immédiatement retiré), ainsi que plusieurs personnalités indépendantes, à l’instar de Farès Souhaid et Samir Frangié. Ces derniers avaient d’ailleurs joué un grand rôle dans cette initiative qui visait d’une part à tourner la page sanglante de l’histoire de la Montagne et d’autre part à refaire de cette région le socle d’un espace de rencontre pluricommunautaire à même de redéfinir un périmètre de souveraineté libanaise face à la tutelle syrienne. Conscient des enjeux et de la symbolique des images de Moukhtara et plus globalement de la visite historique du patriarche maronite, l’appareil sécuritaire libano-syrien n’avait pas tardé à riposter violemment à cette bouffée d’oxygène, dans une tentative de mettre au pas la dynamique souverainiste en gestation. Des rafles avaient aussitôt été organisées dans les rangs du CPL et des Forces libanaises le 7 août et, deux jours plus tard, une manifestation estudiantine réclamant la libération de cadres arrêtés avait été violemment réprimée devant le Palais de justice par des services de renseignements en civil. Quinze ans après la visite de son prédécesseur, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, s’était à son tour rendu au Chouf pour s’entretenir avec Walid Joumblatt à Moukhtara, le 6 août 2016. L’occasion pour les chefs de l’Église maronite et du PSP de consacrer la réconciliation de 2001.

Entre les déplacements de Mgr Sfeir et Raï dans ce fief joumblattiste incontestable, le processus de réconciliation avait été complété sous le mandat de l’ancien chef d’État Michel Sleiman. Le 17 mai 2014, une cérémonie s’était ainsi tenue à Brih (village chrétien du Chouf) pour y consacrer le retour des habitants, à la faveur d’efforts déployés par Alice Chaptini, alors ministre des Déplacés proche du président Sleiman au sein du cabinet Salam.

Pendant plus d’une décennie, aussi bien les joumblattistes que les autres composantes de la Montagne, principalement chrétiennes, se sont employés à maintenir la réconciliation, en tant qu’initiative noble visant à guérir une des plaies chroniques de la guerre fratricide – loin des querelles liées à la politique politicienne. Le CPL, sur fond de profondes divergences politiques et stratégiques avec Walid Joumblatt et le 14 Mars, avait quelque peu fait exception à cette règle. La réconciliation avait ainsi subi sérieuses secousses du fait de ces querelles sporadiques opposant le PSP au CPL. On en veut pour preuve les discours tenus par Gebran Bassil lors de plusieurs tournées dans le Chouf. Le chef du CPL avait même été jusqu’à estimer que « le retour des chrétiens dans la Montagne devrait être complété sur le plan politique ». Des propos qui ne pourraient être dissociés du slogan du « recouvrement des droits des chrétiens » brandi par les aounistes lors de la présidentielle de 2016.


(Lire aussi : Au Liban, 40 ans de réconciliations pour tourner la page de la guerre)

Les législatives 2018

Mais ce n’est qu’à l’issue des législatives de mai 2018 que le CPL a pu s’imposer au Parlement en tant que représentant du Chouf. La formation a saisi l’occasion du scrutin de mai pour adresser des messages politiques forts au leader de Moukhtara, en choisissant de mener bataille côte à côte avec son rival historique, le chef du Parti démocrate libanais, Talal Arslane.

Plus récemment, le tandem CPL-Arslane a mené une grande bataille pour « assiéger Walid Joumblatt politiquement », comme le soulignent certains proches de Moukhtara, rappelant l’insistance du parti de Gebran Bassil, appuyé par le Hezbollah, pour intégrer un représentant de M. Arslane au gouvernement, contre la volonté de M. Joumblatt. Fort des résultats du scrutin de mai dernier, M. Joumblatt tenait à monopoliser les sièges de la communauté druze dans une équipe de trente. Mais faisant montre de pragmatisme politique, le chef du PSP avait accepté de faire une concession afin de faciliter la tâche du Premier ministre Saad Hariri, à la faveur d’un compromis politique conclu avec le chef de l’État Michel Aoun.

C’est donc dans son timing que réside l’importance de la messe prévue aujourd’hui en l’église Saydet el-Tallé à Deir el-Qamar. À en croire une source bien informée contactée par L’Orient-Le Jour, les personnalités et formations politiques ayant contribué à la réconciliation de 2001 ont été conviées à l’événement. Une écrasante majorité y a répondu favorablement. Seul le Parti national libéral de Dory Chamoun entend boycotter la messe, dans la mesure où le parti estime que la réconciliation a déjà été scellée et consacrée à plusieurs reprises. Quant à Anis Nassar, député FL de Aley, il sera absent pour motif de voyage.


(Pour mémoire : Montagne druzo-chrétienne : Que l’État « ne nous force pas à partir une deuxième fois »)

« Pas de nouvelle réconciliation »

Quoi qu’il en soit, les joumblattistes et les aounistes s’accordent à cerner l’événement à sa stricte dimension symbolique et… humaine. Une façon de répondre à ceux qui estiment que la messe d’aujourd’hui devrait déboucher sur une « nouvelle réconciliation ».

Interrogé à ce sujet par L’OLJ, Ghassan Atallah assure qu’il n’œuvre pas pour « une nouvelle réconciliation ». « Loin de là. Il ne s’agit que d’une opportunité de prier à la mémoire de ceux qui ont versé leur sang, parce qu’ils ont cru à la possibilité de préserver le vivre-ensemble », souligne-t-il.

De même, un proche de Walid Joumblatt assure à L’OLJ que la « messe pour le repentir et le pardon » est une preuve que le PSP répond favorablement à toute initiative visant à assurer le maintien de la réconciliation. « D’autant qu’il s’agit d’un choix stratégique auquel nous tenons », souligne-t-il, se félicitant du fait que « le CPL ait finalement choisi de se joindre à ce processus, loin des discours à même de susciter les tensions ». Mais une lecture plus pragmatique tend à replacer cet événement dans le cadre d’une stratégie de normalisation des relations politiques entre le CPL et le PSP.

L’on ne pourra pas en dire de même des relations Joumblatt-Arslane, qui n’en finissent pas de s’envenimer. M. Joumblatt avait démenti récemment des informations faisant état d’une rencontre entre lui et M. Arslane sous l’égide de Michel Aoun. Hier, le chef du Parti démocrate a posté un tweet allant dans le même sens. « Nous n’avons pas proposé de rencontre », a-t-il indiqué. Bilal Abdallah, député joumblattiste du Chouf, a été encore plus frontal. Il n’y aura « pas de réconciliation avec M. Arslane avant de remettre à la justice l’assassin de Alaa Abou Faraj », a-t-il indiqué hier à l’agence al-Markaziya, en référence au meurtre en mai dernier d’un partisan du PSP imputé à des partisans de M. Arslane.

À l’initiative du ministre des Déplacés Ghassan Atallah (Courant patriotique libre), une messe est prévue aujourd’hui en l’église Saydet el-Tallé à Deir el-Qamar, en présence du ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui effectue une tournée dans la région, et du chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt. Objectif...

commentaires (4)

GRANDEUR ET DECADENCE ! resume de la situation ,plutot du statut actuel des chretiens surtout maronites au Liban ! ajoutez leur pareille descente en enfer des druzes du Liban. comme dit qq'un sur twitter : est ce Grave Dr ? NB. que jibran et ses copains pavoisent pour des raisons evidentes n'y changera rien. ils peuvent tres bien le faire jusqu'au jr prochain ou on les fera taire .

Gaby SIOUFI

16 h 25, le 23 mars 2019

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Commentaires (4)

  • GRANDEUR ET DECADENCE ! resume de la situation ,plutot du statut actuel des chretiens surtout maronites au Liban ! ajoutez leur pareille descente en enfer des druzes du Liban. comme dit qq'un sur twitter : est ce Grave Dr ? NB. que jibran et ses copains pavoisent pour des raisons evidentes n'y changera rien. ils peuvent tres bien le faire jusqu'au jr prochain ou on les fera taire .

    Gaby SIOUFI

    16 h 25, le 23 mars 2019

  • Dory Chamoun et le PNL ont mille fois raison, on ne répète pas tous les ans la même réconciliation pour faire plaisir à un intrus venu de nulle part au gouvernement en récompenses de l'Accord de Mar-Mkhaél à Chiyah. Il vient au Chouf de Camille Chamoun et de Kamal Joumblatt pour fourrer son nez dévastateur au service de son marécage nauséabond et douteux.

    Un Libanais

    15 h 23, le 23 mars 2019

  • La réconciliation est faite depuis un moment, pas besoin du CPL. c'est le CPl and co qui remuent le couteau dans la plaie. Et Ni Arslane ni le CPL pourront assiéger Joubmlatt.

    Jack Gardner

    12 h 59, le 23 mars 2019

  • Une réconciliation et entente durable et définitive entre tous les libanais est la condition préalable pour la préservation du Liban et sa prospérité économique et sociale. Vive l'entente.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 24, le 23 mars 2019

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