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Liban - Décryptage

La mission Satterfield et la prudence libanaise

Le projet de budget étant terminé et en attendant que la commission parlementaire des Finances commence à l’étudier, le dossier du tracé des frontières maritimes et terrestres occupe désormais le devant de la scène. Le secrétaire d’État adjoint américain David Satterfield a effectué dans ce but plusieurs allers-retours entre Beyrouth et Jérusalem, dans un souci évident d’accélérer le processus.

Cette volonté américaine d’agir vite a intrigué les Libanais qui considèrent que ce dossier est en suspens depuis des années, en particulier depuis 2000, lorsque les Israéliens et les Libanais qui n’étaient pas d’accord sur le tracé des frontières ont accepté que l’ONU dessine une « ligne bleue » en principe provisoire, en attendant que les deux parties règlent leurs litiges qui portent sur 13 points le long de la frontière terrestre.

En même temps, le Liban, qui est soumis à de grandes pressions économiques et sociales à travers les sanctions imposées au Hezbollah par les Américains et leurs alliés qui ont un impact sur l’ensemble de l’économie, ne peut pas se permettre de refuser la proposition américaine de remettre ce dossier sur le tapis. Pour éviter tout piège qui pourrait se cacher dans les propositions américaines, les responsables du pays, à savoir le chef de l’État, le président de la Chambre et le Premier ministre, ont décidé d’unifier leurs positions sur ce sujet en laissant à Nabih Berry le rôle de négociateur principal. D’abord parce que ce dernier suit depuis longtemps le sujet qui est directement lié à celui des ressources pétrolières et gazières au large des côtes libanaises. Ensuite parce que le président de la Chambre est très proche du secrétaire général du Hezbollah (Nabih Berry avait déclaré en effet un jour que lui et Hassan Nasrallah sont une même personne dans deux corps différents) et qu’il est nécessaire à cette étape du processus d’avoir l’aval du Hezbollah, qui jusqu’à présent se contente du rôle d’observateur muet.

La position libanaise de base est la suivante : le refus de renoncer au moindre pouce de territoire et au moindre cube d’eau, l’exigence d’une médiation américaine et de l’ONU pour éviter le piège des négociations bilatérales. À partir de cette position de principe minimale, le Liban est prêt à discuter en présence du médiateur américain et sous la houlette de l’ONU. Il y a quelques mois, les Américains refusaient la participation de l’ONU, et lors de sa rencontre avec la délégation parlementaire libanaise envoyée à Washington, David Satterfield avait tenu des propos très durs sur le sujet, précisant que si les Libanais veulent la participation de l’ONU, ils doivent savoir qu’elle n’aura qu’un rôle logistique, autrement dit différent de celui joué par l’ONU en 2000 qui s’était traduit par le tracé de la ligne bleue.

Apparemment, l’administration américaine a changé d’avis et désormais le principe de la participation de l’ONU aux négociations prévues est acquis, à la fois par les Américains et par les Israéliens. C’est déjà un premier point positif à mettre à l’actif du Liban dans ce dossier. L’ONU devrait donc servir de cadre aux négociations attendues. Mais on ignore encore si ce sera par le biais de la Finul ou par celui du représentant du secrétaire général de l’ONU, en d’autres termes si les militaires ou les civils seront les représentants de l’organisation internationale dans ce processus. Ce point devrait être tranché rapidement, mais il nécessite une réunion du Conseil de sécurité.

Actuellement, selon des sources proches de Aïn el-Tiné, on n’en est pas encore là. Le principe des négociations sous la houlette des Américains et de l’ONU est acquis. Un autre point est aussi acquis : celui de la concomitance des volets maritime et terrestre. Il a été question, lors des rencontres préliminaires, de dissocier les frontières maritimes de celles qui sont terrestres et de tracer une sorte de « ligne bleue maritime », à l’instar de son équivalent sur la terre ferme, qui laisserait les points litigieux en suspens, afin de permettre aux Israéliens et aux Libanais de commencer les travaux de prospection dans les zones non litigieuses. Cette idée semble avoir été abandonnée, le président de la Chambre insistant sur la nécessité de ne pas dissocier frontières maritimes et terrestres, et surtout de ne pas recourir à des solutions provisoires, comme ce fut le cas de la ligne bleue, qui peuvent durer longtemps et entraver le processus d’exploitation par le Liban de ses propres ressources, sachant que le bloc 9 – dont une portion de 860 km fait l’objet d’un litige entre les Libanais et les Israéliens – serait très riche en ressources pétrolières et gazières.

En revanche, le déclenchement du processus bute encore sur un point : la durée prévue des négociations. Les Israéliens veulent la fixer à six mois, alors que le Liban ne veut pas d’une limitation dans le temps. Car que fera-t-on dans six mois si aucun accord n’est conclu ? On renonce à négocier ? Selon le Liban, il ne serait ni sage ni efficace de fixer un délai aussi court à de telles négociations.

D’ailleurs, toujours selon les sources proches de Aïn el-Tiné, la volonté américaine d’avancer rapidement dans ce dossier vise à servir les intérêts des Israéliens. D’abord parce que les compagnies internationales qui devraient se charger de la prospection, des forages et de l’extraction des ressources gazières et pétrolières ne sont pas encouragées à entamer les travaux tant qu’il y a une instabilité dans le secteur. Ensuite parce que jusqu’à présent le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas réussi à former un gouvernement et qu’il pourrait finalement se diriger vers l’organisation de nouvelles élections législatives que cette fois il ne remporterait pas. C’est pourquoi l’administration américaine actuelle souhaiterait faire vite pour lui permettre de marquer un point décisif face à son électorat. De son côté, le Liban n’est pas concerné par les échéances israéliennes internes. Il préfère avancer doucement pour ne pas faire de faux pas, d’autant que l’approche de ce dossier coïncide avec les tensions régionales, les fuites sur le fameux projet américain de règlement du conflit israélo-palestinien et la volonté US déclarée de combattre l’influence du Hezbollah.


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commentaires (3)

attentisme, expectative, distanciation sic!, patience, negotiations, concessions, durcissement de position, intervention de l'ONU, celle des Etats Unis, discours presidentiel par ci, celui de Bibi par la, Satterfield est la, satterfield est revenu. DU VIDE , DU SUPER VIDE en attendant du serieux qui risque de ne jamais arriver.

Gaby SIOUFI

16 h 03, le 30 mai 2019

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Commentaires (3)

  • attentisme, expectative, distanciation sic!, patience, negotiations, concessions, durcissement de position, intervention de l'ONU, celle des Etats Unis, discours presidentiel par ci, celui de Bibi par la, Satterfield est la, satterfield est revenu. DU VIDE , DU SUPER VIDE en attendant du serieux qui risque de ne jamais arriver.

    Gaby SIOUFI

    16 h 03, le 30 mai 2019

  • Ça fait un bout de temps qu’on parle d’exploitation de ces gisements, et le risque de prendre du temps (un nouveau scrutin s’annonce en Israël, et la difficile formation d'un autre gouvernement) surtout que les négociations en cours par l’intermédiaire d’un diplomate qui n’a que sa bonne volonté à proposer. Résultat, de l’attentisme, wait and see comme on dit, en croisant les bras bien sûr, comme sur la photo d’hier en présence d’un milicien-chef. Edifiant ! En confiance, C. F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 20, le 30 mai 2019

  • MA GREVE CONTRE LE SILENCE CONDAMNABLE DE MADAME SCARLETT HADDAD SUR LA PERTE DU REGRETTE GRAND PATRIARCHE SFEIR A PRIS FIN. ALLAH I SEMIHA. JE JUGE QUE CET ARTICLE AURAIT ETE OBJECTIF SANS LE GONFLEMENT DE L,ATTITUDE DU PRESIDENT BERRY ET LA CROYANCE QU,ON IMPOSE NOS VUES ET QUE LES AUTRES NE FONT QUE LES AGREER. DES VICTOIRES IMAGINAIRES AVANT MEME LE DEMARRAGE DES NEGOCIATIONS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 16, le 30 mai 2019

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