Parce que la situation régionale est délicate et pour empêcher les Israéliens de profiter de la confusion actuelle pour créer des faits accomplis, notamment aux dépens des droits libanais, le président Michel Aoun a décidé de faire un pas en avant dans le dossier des frontières maritimes et terrestres. Il faut d’ailleurs préciser que ce dossier est primordial pour les États-Unis, et les responsables de l’administration US actuelle qui se sont succédé au Liban ces derniers mois l’ont évoqué avec insistance à chacune de leurs rencontres avec leurs interlocuteurs libanais, les pressant d’entamer des négociations dans ce but.
Dans ce dossier précis, les prises de position des responsables libanais étaient divergentes : le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères étaient favorables à une dissociation entre les frontières maritimes et terrestres, alors que le président de la Chambre estimait que les deux étaient liées et qu’on ne pouvait pas s’entendre sur les premières sans poursuivre jusqu’aux secondes, d’autant que la ligne maritime dépend en général de la frontière terrestre.
Au cours de la visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo à Beyrouth, un développement majeur a été enregistré dans ce dossier avec l’acceptation par les Américains de la participation de la Finul à d’éventuelles négociations indirectes entre le Liban et Israël sous la houlette de Washington, pour la délimitation des frontières entre les deux pays. Ce mécanisme a été proposé par le Liban, qui ne cherche pas à réduire le rôle de Washington mais estime que la présence de l’ONU constitue une garantie supplémentaire, comme ce fut le cas lors des négociations pour le retrait des soldats israéliens du Liban en 2000. Mike Pompeo avait annoncé aux responsables libanais que l’administration américaine acceptait la participation de l’ONU, mais le secrétaire d’État adjoint David Satterfield avait par la suite précisé, depuis Washington, que le rôle des Nations unies devrait se limiter à l’aide logistique, sans intervenir dans le tracé des frontières.
Selon des sources diplomatiques, les États-Unis poussent actuellement dans ce domaine pour permettre aux Israéliens, qui ont plusieurs longueurs d’avance sur les Libanais dans ce domaine, d’exploiter les richesses pétrolières et gazières au large des côtes en toute tranquillité. Ils ont ainsi parrainé récemment une rencontre de coordination sur ce sujet entre les ministres israélien, grec et chypriote des Affaires étrangères. Mais une telle coordination ne peut pas être réellement productive tant que le Liban n’en fait pas partie, à cause de la menace qui pèse sur la zone conflictuelle entre les Libanais et les Israéliens. Cette zone possède une superficie de 860 km2, qui sont revendiqués par Beyrouth et qui sont partie intégrante des blocs 8 et 9 libanais.
Après des discussions entre les responsables locaux, ces derniers se sont entendus sur une vision commune qui accepte la dissociation des frontières maritimes et terrestres, sans pour autant faire des concessions sur les droits du Liban. Cette vision unifiée se base sur le fait que les Israéliens sont en train de construire un mur à la frontière sud du Liban, en tenant toutefois compte des 13 points conflictuels le long de la frontière terrestre qui sont restés en suspens après le retrait israélien de 2000. Autrement dit, il y aurait donc une admission tacite de facto des revendications libanaises, puisque la « ligne bleue » (en référence aux Casques bleus) tracée par l’ONU à la suite du retrait israélien du Liban en 2000 continue d’être provisoire et ne remplace pas sur le plan du droit international les frontières internationalement reconnues.
En se basant sur cette constatation, le Liban pourrait donc accepter un processus similaire qui lui permettrait de commencer effectivement, dans une étape ultérieure, les opérations de prospection dans les blocs du sud, au lieu d’attendre un accord final qui ne semble pas imminent. Cette formule arrangerait aussi les Israéliens et leurs alliés américains car elle serait de nature à assurer une certaine stabilité dans cette zone, laquelle reste indispensable pour permettre l’exploitation des ressources pétrolières et gazières maritimes.
Le principe de séparation des frontières maritimes et terrestres est donc désormais acquis. Il s’agit maintenant de proposer des mécanismes concrets pour le tracé, même provisoire, des frontières maritimes.
C’est dans cet esprit que le chef de l’État aurait remis à l’ambassadrice des États-Unis au Liban Elizabeth Richard de nouvelles propositions à ce sujet. Les sources proches de Baabda refusent de donner des détails sur les propositions présidentielles. Mais si elles sont acceptées par Washington, les Américains se chargeraient ensuite d’en discuter avec les Israéliens, sachant que le Liban réclame la participation de l’ONU. Ce qui devrait aussi être discuté dans le cadre du Conseil de sécurité, quitte par la suite à adopter une résolution en ce sens, qui pourrait aboutir à une modification du mandat de la Finul pour lui permettre de jouer un rôle dans ce dossier. La balle est dans le camp américain...
Hélas, on ne peut être à la fois totalement pour ceux qui ont comme alliés la Syrie et ses dépendances ici au Liban, et en même temps honorer et respecter la mémoire de celui qui les combattait avec courage ! Irène Saïd
15 h 00, le 14 mai 2019