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La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2019

Élucider le sort des disparus : entre droit des familles et devoir de l’État et de la société

Durant les années 90 du siècle dernier, la lutte de femmes latino-américaines a permis à la cause des personnes victimes de disparition forcée d’accéder à la justice internationale. Un cadre juridique a été défini pour aborder cette question : il s’agit de la Convention internationale pour la protection de toute personne contre les disparitions forcées, adoptée par les Nations Unies en 2006. Il est évident que la cause des personnes disparues n’a pas commencé durant les années 90 du siècle dernier, elle est aussi vieille que le genre humain et fait partie intégrante de l’histoire des guerres. Ce qui est nouveau depuis 2006 en revanche, est la classification des crimes et l’adoption de législations qui assurent aux familles de disparus le droit de connaître le sort de leurs proches. 

Les conflits humains, et particulièrement les guerres civiles basées sur des querelles confessionnelles, ethniques ou tribales, doivent toujours se terminer par une sorte d’amnistie qui couvre les crimes commis par les différents belligérants, surtout si ceux-ci doivent continuer à vivre ensemble. Mais cette amnistie nécessaire ne devrait pas être discrétionnaire (bénéficiant à certains et pas à d’autres), et ne peut être séparée du reste des facteurs qui se rapportent au même processus, comme la connaissance, la vérité ou le pardon. De même que l’acte de se rappeler pour faire sens implique toujours celui d’oublier. Or au Liban, la guerre civile qui a fait rage dès les années 70 s’est terminée par une loi d’amnistie qui a combiné entre discrimination et oubli. Exclusivement.

Grâce à la lutte exemplaire menée par une poignée de femmes (et quelques hommes) durant de longues décennies, une loi a enfin été adoptée il y a quelques mois seulement par le Parlement, en vue de la création d’une commission nationale dont la mission unique est de retrouver la trace des disparus de la guerre (ou des guerres) libanaise(s) qui se comptent en milliers de citoyen(ne)s libanais(es) et de résidents au Liban. Cette loi consacre le droit des familles à connaître le sort de leurs proches disparus, un droit également assuré par les conventions internationales, ainsi que par toutes les règles civiles et religieuses.

Le droit de connaître la vérité appartient aux familles des victimes. Mais pour qu’il ne reste pas lettre morte, il faut aussi que l’État et la société assument leur devoir – ce qu’ils n’ont pas fait à la fin de la guerre libanaise : l’État n’a en effet déployé aucun effort pour retrouver ses fils disparus ; quant à la société, elle a préféré fermer les yeux. La loi 105, adoptée le 18/11/2018, leur donne l’opportunité de se racheter : le devoir de l’État est de créer cette commission et de lui assurer les conditions nécessaires pour qu’elle accomplisse son travail avec sérieux et en toute sérénité, ainsi que d’éduquer les nouvelles générations sur ce qui s’est passé pour qu’il ne se reproduise plus ; le devoir de la société implique d’assimiler ce qui s’est réellement produit pour être en mesure d’entourer les parents de disparus au moment où ils apprendront la vérité sur leurs proches.


* Coordinateur de la campagne « Le droit de savoir »


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.





The Fate of the Missing: The Right of Families and the Duty of the State and Society


In the 1990s, thanks to the struggle of women from Latin America, the issue of missing or forcibly disappeared persons entered the international justice arena, and the legal framework for addressing it was formulated in the International Convention for the Protection of All Persons from Enforced Disappearance (2006). Of course, the issue of missing persons did not begin in the 1990s—it is an issue that is as old as the history of the human race and the history of war. What is new after 2006, however, is the classification of the crime and the availability of legislation to families of missing persons to restore their right to know the fate of their loved ones.

Conflicts among people, especially civil wars based on sectarian, ethnic or tribal partisanship, always require, when they are over, a kind of amnesty for crimes committed by all sides, especially when the different sides have to go on living side by side. But this indispensable amnesty should not be discriminatory (that is, an amnesty for some but not for others), and it cannot be separated from the other associated components, such as knowledge, truth and forgiveness, among other things. Just as memory has no meaning and cannot exist without forgetting. In Lebanon, the civil war, which ravaged us since the 1970s, ended with an amnesty law that incorporated discrimination and forgetfulness. To the exclusion of everything else.

A few months ago, thanks to an exemplary struggle led by a handful of women (and some men), and after many decades and so much waiting, a law was passed by the Parliament establishing a national body whose only task is to search for the persons who went missing during the Lebanese war (or wars), that is thousands of citizens and residents, men and women alike. This law enshrines the right of the families of the missing to know the fate of their loved ones. It is a right that has been established in international instruments, in addition to all secular and religious laws.

The right to know is the exclusive right of the families of the missing. In order for this right not to remain a dead letter, the State and society must now—unlike what they did (or didn’t do) at the end of the Lebanese war—fulfill their duty. At the time, the State did not search for the missing, who are its sons and daughters. Society chose to close its ears and look the other way. Law No. 105 of November 18, 2018 offers them a new chance to do what is right: It is the duty of the State to establish the national body and ensure that all conditions are met so it can carry out its work seriously and tranquilly. It should also, educate coming generations about what happened so that it does not happen again. As for society, it is its duty to come to terms with what happened in order to embrace our brothers and sisters the moment they learn the truth about their missing loved ones.

* Coordinator of the «We Have the Right to Know» campaign


The articles, interviews and other information mentioned in this supplement do not necessarily reflect the views of the United Nations Development Programme nor of L'Orient-Le Jour. The content of the articles is the sole responsibility of the authors.

Les conflits humains, et particulièrement les guerres civiles basées sur des querelles confessionnelles, ethniques ou tribales, doivent toujours se terminer par une sorte d’amnistie qui couvre les crimes commis par les différents belligérants, surtout si ceux-ci doivent continuer à vivre ensemble. Mais cette amnistie nécessaire ne devrait pas être discrétionnaire (bénéficiant à...

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