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La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2019

Les contractuels de l’enseignement public ou « la gestion de la précarité »

Selon les chiffres de l’année 2016-2017 du Centre pédagogique pour la recherche et le développement, le nombre total des enseignants dans le secteur public est de 43.500, pour 328.171 élèves. Toutefois , environ la moitié d’entre eux, soit 21.500, sont des enseignants contractuels, sachant qu’ils le sont à temps partiel et non à temps plein.

© Illustration par Mona Abi Wardé

A l’origine de ce phénomène complexe, il y a la guerre et le cloisonnement des régions, qui a favorisé la multiplication des embauches de professeurs sur des bases contractuelles. C’est au point que, dans les années 90, les contractuels représentaient presque 90 % des effectifs enseignants dans le secteur public, précise une source académique à l’Université libanaise.

Aujourd’hui, ce déséquilibre a été résorbé, mais n’a pas disparu. De ce fait, les contractuels de l’enseignement public manifestent régulièrement pour obtenir d’être cadrés, et la précarité de leur situation est potentiellement génératrice d’instabilité sociale.

«Qui dit contractuels dit instabilité, confie un membre responsable de la ligue des enseignants du primaire. Sait-on, par exemple, que le contractuel n’est payé qu’une fois par an ? Sait-on qu’il est payé sur la base des heures effectives qu’il a enseignées, et que les jours de congé officiels ne sont pas comptabilisées ? Et enfin, sait-on que les contractuels ne sont pas inscrits à la Caisse de sécurité sociale et ni des indemnités de transport, ni de fin de service ? »

Ce qui complique les choses, c’est aussi l’inégalité au niveau de l’emploi, avec des contractuels qui n’assurent que 4 heures d’enseignement par semaine, alors même que d’autres en assurent vingt.

«Enfin, ajoute la source citée, une injustice supplémentaire a été faite aux contractuels quand le concours pour le recrutement de nouveaux enseignants a été ouvert à tous en 2008, alors que les contractuels avaient demandé qu’il leur soit exclusivement réservé, comme cela avait été le cas en 2004. En tout état de cause, certains enseignants passent toute leur carrière professionnelle dans la précarité ».

« L’embauche dans tout le secteur public, y compris celui de l’enseignement, n’est qu’une vaste entreprise de gestion de la précarité », assure une source responsable à l’Université libanaise qui a requis l’anonymat.

La répartition des enseignants sur les 1257 écoles publiques du Liban en est un bon exemple, avec des pléthores et des pénuries selon les régions.

Il est évident que cet état des choses se répercute sur la paix sociale. Or, avec la politique de compression des dépenses exigée par les donateurs de la conférence CEDRE, cette situation pourrait encore se complexifier, surtout avec la décision d’arrêter toute nouvelle embauche dans le secteur public.

Comment le ministère de l’Education va-t-il combler les postes des enseignants qui, chaque année, partent à la retraite ? Il n’y a pas encore de réponse claire à ce défi. Selon la source de la ligue de l’enseignement primaire citée, ce sont les enseignants actuels, cadrés ou contractuels, qui vont provisoirement assumer un surcroît d’heures d’enseignement, « ce qui n’est pas une mauvaise chose ».

Mais selon une source responsable au ministère de l’Education nationale qui a requis l’anonymat, cette approche n’est valable que sur le court terme. Sur le long terme, pour remédier à la précarité de la situation des contractuels, une étude de faisabilité est en cours au ministère de la Santé pour inscrire à la CNSS les 1,8 millions de Libanais qui ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Parallèlement, l’organisation de sessions de formation pour la professionnalisation du métier d’enseignant, avec en perspective un nouveau concours, est également envisagée.


* Écrivain, journaliste à L'Orient-Le Jour


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.





Contractual Workers in Public Education or «Precarity Management»


According to the Educational Center for Research and Development’s figures for 2016-2017, the total number of teachers in the public sector is 43,500 for 328,171 pupils. However, about half of them, i.e. 21,500 teachers, are contract workers, working part-time and not full-time.

At the root of this complex phenomenon is the war and the barriers set up between regions, which have allowed the proliferation of hiring teachers on contract basis. In the 1990s, for example, contract workers accounted for almost 90% of the teaching workforce in the public sector according to an academic source at the Lebanese University.

Today, this imbalance has been redressed but it has not fully disappeared. As a result, contract workers in public education regularly demonstrate, demanding permanent employment, and the precariousness of their situation is a potential driver of social instability.

«With contract-based employment comes instability,» said a member of the Primary School Teachers’ League. «Do you know, for example, that contract workers are paid once a year only? Do you know that they are paid based on number of hours of actual teaching and that official holidays are not paid? Not even March 9, Teacher’s Day! Do you know that the hourly wage rate of contract teachers does not change or take into consideration seniority or level of education? And finally, do you know that contract workers are not registered with the National Social Security Fund (NSSF) and do not receive commuting allowance or end-of-service indemnity?»

In addition, inequality in terms of employment complicates the issue further, with contract workers teaching only four hours per week while others teach twenty.

«Finally, there has been an additional injustice to contract workers when the competition for the recruitment of new teachers was opened to everyone in 2008,» adds the source. «While contract workers had asked that this competition be exclusively reserved for them, as was the case in 2004. In any event, some teachers spend their entire professional career in precariousness.»

«Recruitment throughout the public sector, including of teachers, is only a vast enterprise of precarity management,» said an official source at the Lebanese University who requested anonymity.

The distribution of teachers across the 1,257 public schools in Lebanon is a good example, with over-employment or shortages depending on the region, given that there is on average one teacher for every 7.54 pupils in the public sector, whereas the figure is 12.40 in the private sector. That’s a significant difference.

It is obvious that this state of affairs has repercussions on social peace. However, with the policy of spending cuts set down by the CEDRE conference donors in Paris, this situation could become more complex, especially with the decision to stop new hirings in the public sector.

How will the Ministry of Education fill the positions of retiring teachers every year? There is no clear answer to this challenge yet. According to our source at the Primary School Teachers’ League, it is the currently working teachers, whether working on a permanent or contract basis, who will temporarily take on additional teaching hours, «which is not a bad thing».

But according to a source in charge at the Ministry of Education who requested anonymity, this approach is only viable in the short term. In the long term, a feasibility study is underway at the Ministry of Health to include the 1.8 million Lebanese citizens who do not benefit from any social security in the NSSF and thus remedy to the precarious situation of contract workers. At the same time, training sessions for the professionalization of the teaching profession, with the prospect of a new competition, are also planned.


* Author, journalist at L’Orient-Le Jour


The articles, interviews and other information mentioned in this supplement do not necessarily reflect the views of the United Nations Development Programme nor of L'Orient-Le Jour. The content of the articles is the sole responsibility of the authors.


A l’origine de ce phénomène complexe, il y a la guerre et le cloisonnement des régions, qui a favorisé la multiplication des embauches de professeurs sur des bases contractuelles. C’est au point que, dans les années 90, les contractuels représentaient presque 90 % des effectifs enseignants dans le secteur public, précise une source académique à l’Université...
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