Mais d’abord, il nous faut clarifier certaines problématiques : l’éducation à la paix signifie-t-elle non-engagement dans des conflits? Est-ce donc une éducation à la soumission et à la capitulation ? Ou bien signifie-t-elle éduquer des générations à une paix hypothétique, et donc à se heurter à la réalité des conflits du monde? L'éducation à la paix est-elle suffisante pour construire la paix?
Construire la paix au Liban
La paix peut être entendue comme absence de guerre et de conflit, bien-être humain et social, réconciliation avec soi-même et le respect des droits de l’homme et le droit de se défendre et de défendre sa terre contre les spoliateurs et les envahisseurs.
Une telle conception de la paix inclut la reconnaissance des valeurs de liberté, d'égalité, de justice, de solidarité et de coopération, dans une société fondée sur l'égalité, et dont les conflits sont résolus par le dialogue, dans le respect de la dignité humaine et la consolidation de la compréhension mutuelle, loin de toute violence, loin des conflits et de toutes les formes de discrimination, d'exploitation, de harcèlement et d'exclusion. C’est un concept de paix passive.
En revanche, une paix active se traduirait par une série d’actions constructives qui rendraient le monde meilleur. Cela signifie qu'il est nécessaire de former des personnes à la tolérance, à la coopération, à la réflexion critique, des personnes réceptives qui savent écouter et communiquer ; des personnes ouvertes à la pluralité des points de vues, socialement responsables et sachant gérer les différences en tous genres.
Le concept d'éducation pour la paix est donc une initiative pédagogique visant à atténuer les impacts de la guerre sur la société et les hommes. L’UNESCO en a fait l’un des objectifs de l’éducation au développement durable. La question qui donc se pose est la suivante : les programmes de l’enseignement public au Liban forment-ils des hommes et des femmes capables d’édifier la paix ?
Les programmes actuels et les programmes en développement
L’éducation à la paix est l’objectif le plus important du Plan de redressement pédagogique : elle s’accomplit « par la promotion de l’appartenance nationale et l’intégration sociale, et par l’ouverture spirituelle et culturelle ». Elle promeut « les valeurs libanaises telles que la liberté, la démocratie, la tolérance et la non-violence ». Elle repose sur le socle du rôle joué par le Liban dans l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme et sur son système démocratique fondé sur « le respect des libertés publiques », « la liberté d'opinion et de croyance », « la justice sociale et l'égalité entre tous les citoyens sans discrimination ni préférence ». Il s’agit d’une éducation qui favorise l’esprit de paix avec soi-même, comme dans les relations entre les individus et dans les rapports sociaux et nationaux. « Le redressement recherché est un parcours allant de la division à l’unité, en vue de l’édification d’une paix civile durable. Une paix civile dont les fondements sont la justice, l’égalité, le règne de la loi et du droit, la liberté de conscience et d’opinion, le dialogue, etc.
Le CRDP a établi les documents préparatoires des programmes avancés dans ce domaine, et a défini les caractéristiques spécifiques de l'apprenant / citoyen : tolérance, esprit critique, esprit de coopération, capacité d’interaction, capacité de recherche et créativité, adaptation aux compétences du XXIe siècle, ouverture aux approches de compétence et aux stratégies d'intégration des personnes à besoins spéciaux, volonté de tirer avantage des évolutions technologiques et informatiques.
Le programme d'éducation civique, modèle d'éducation nationale
Les valeurs d’une éducation à la paix apparaissent clairement dans les objectifs généraux du programme de l’éducation nationale au civisme : esprit pacifique, ouverture culturelle et humaine, rejet de toute violence, souci de l’égalité et de la justice sociale, liberté, acceptation de l'autre en dépit de la différence raciale, religieuse, linguistique, ou culturelle….Acquisition de capacités critiques, de débat et de règlement des problèmes par le dialogue (l’une des compétences essentielles pour vivre ensemble en paix ).
D’autres objectifs spécifiques du programme d’études ont été ajoutés aux compétences requises dans une éducation à la paix. Ainsi, les capacités d’écoute et de dialogue, la capacité à s’exprimer, l’assistance aux plus faibles, la mise en place d’une culture de respect de la loi et du recours à cette loi au cas où l’on ne parvient pas à régler un différend par le dialogue : tous ces objectifs et la matière de l’éducation civique ont été définis dans le manuel, ainsi que les méthodes d’enseignement / apprentissage stimulant la pensée critique, le travail d’équipe, la solidarité et la participation...
Finalement, l’éducation à la paix et à ses valeurs exige la présence d’un enseignant qui s’approprie les valeurs qu’il enseigne, et les reflète dans sa conduite quotidienne, ses prises de positions, et sa façon d’enseigner. Il se doit d’être un enseignant modèle, de sorte que son enseignement ne soit pas pur acquisition de connaissances, mais devienne éducation par identification, à une philosophie de vie équilibrée, loin de toute incohérence entre ce qu’il enseigne et ce qu’il vit.
* Presidente du Centre de Recherche et de Développement Pédagogiques par Interim
Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.
The Role of Educational Curricula in Peace Building in Lebanon
Today, we face a chasm between two unequal worlds: one struggling for growth and catching up with rapid developments, and the other rushing to use its advanced knowledge to control the less fortunate. This is a grim description of a world in crisis, which will inevitably result in more violence, conflict, war, displacement and migration. Since its independence, Lebanon has been living in a state of instability that has fluctuated between dormant violence, open conflict and declared war, and the consequences of migration, displacement and the threat of collapse. A critical reality and a race into the unknown prompt reflection on peace building through education, in particular official education, that is, the current curricula (1997) and the curricula that the Center for Educational Research and Development (CERD) is developing.
First, let us examine the many problems: Does peace education mean not going into conflicts? Is it an education to yield and surrender? Or does it mean bringing up generations living in a hypothetical peaceful state, which later collide with the reality of conflicts in the world? Is peace education sufficient to build peace?
Peace building in Lebanon
Peace can be understood as the absence of war and conflict; human and social well-being, and reconciliation with oneself; and respect for human rights, and the right to defend oneself and one’s land against despots and usurpers. The concept includes the values of freedom, equality, justice, solidarity and cooperation in a society of equal relations that solves its conflicts through dialogue to preserve human dignity and the establishment of mutual understanding, shunning violence and conflict, and all forms of discrimination, exploitation, bullying and exclusion. This is passive peace. Active peace manifests through a set of constructive actions that make the world a better place for humanity. This means the need to cultivate people who are tolerant, cooperative, critical thinkers, good listeners and communicators, accepting multiple perspectives, are socially responsible and take into account all differences (gender and other). The concept of education for peace is an educational initiative to mitigate the consequences of war on society and humans, and UNESCO has made it one of the education goals for sustainable development. Are public education curricula in Lebanon cultivating peace-building citizens?
Current curricula and the curricula under development
Education for peace has been the most important goal of the Plan for Educational Advancement by «promoting national belonging and fusion, and spiritual and cultural openness», and «Lebanese values such as freedom, democracy, tolerance and non-violence». It was founded on Lebanon's role in the development of the Universal Declaration of Human Rights and its democratic system based on «respect for public freedoms», «freedom of opinion and belief», «social justice and equality among all citizens without discrimination or bias» in pursuit of «forming citizens working to strengthen peace in themselves, between individuals, and in national social relations». The required advancement is a path from division to unity in order to build sustainable civil peace. Peace building is based on justice, equality, the rule of law, freedom of conscience, freedom of speech, dialogue, among other things. CERD has completed the preparatory documents in the framework of advanced curricula design, identifying the traits of learners/citizens who are tolerant, critical, cooperative, interactive, researchers and creators, adapting to the skills of the 21st century, adopting the approach of competencies and strategies for the integration of the disabled, making sure to benefit from the developments in technology and informatics.
The curricula of civic education and national education as a model
The values of education for peace were explicitly included in the general objectives of the curriculum of national and civic education: peace-loving, cultural and human openness, nonviolence, equality, social justice, freedom, acceptance of the other despite gender, color, religion, language and culture difference, acquiring the skills of critical thinking, dialogue and problem-solving through dialogue (one of the basic skills to live together in peace). The specific goals of the curriculum include basic skills that contribute to peace education, such as: the rules of listening and dialogue, literary audacity, helping the weak, and establishing a culture of respect of the law, and resorting to it when conflicts and disputes cannot be solved through dialogue. The objectives of the curriculum and the subject of civic education are reflected in the textbook, and in the teaching/learning methods that stimulate critical thinking, teamwork, solidarity and participation.
Finally, education for peace and its values requires teachers who adopt the values they are teaching and reflect them in their daily conduct, attitudes and teaching methods, acting as role models. Thus, teaching/learning with them is transformed from mere knowledge instruction to an education by identification and a balanced life philosophy that shuns contradictions.
* Acting President of the Center for Educational Research and Development
The articles, interviews and other information mentioned in this supplement do not necessarily reflect the views of the United Nations Development Programme nor of L'Orient-Le Jour. The content of the articles is the sole responsibility of the authors.