« Je suis juste une performer », assure Sandy Chamoun. Photo Michel Sayegh
Quand elle joue sur une scène, ou au cinéma, elle se sent chez elle. « C’est ma maison », dit Sandy Chamoun. Quant au chant, elle ne considère pas qu’elle est une chanteuse traditionnelle à qui on écrit et compose des chansons, mais une « performer », ou performeuse. Le chant est aussi un rôle qu’elle peut tenir tout comme les autres. Théâtre, cinéma et chanson font donc partie du même espace artistique dans lequel elle trouve sa place et évolue avec ce désir de faire autrement. En étant toujours dans la sincérité et l’honnêteté. La jeune femme aux yeux qui sourient tout en se plissant légèrement, a aussi le regard dans les étoiles, mais les pieds bien ancrés sur terre. Depuis qu’elle a fait des études de cinéma et de théâtre, d’abord à l’USJ puis à l’Université libanaise, elle rêve de se fondre dans des personnages, tous aussi différents les uns des autres. Sandy Chamoun avait onze ans lorsqu’elle est montée pour la première fois sur les planches du Collège des Frères Mont La Salle. C’est ainsi qu’a débuté sa grande histoire d’amour avec le théâtre, « un lieu où la magie s’opère ». De retour à la maison, elle s’est sentie pousser des ailes. Désormais, elle savait ce qu’elle allait faire dans la vie. De sa vie. Sa trajectoire est toute tracée. Ses parents ne s’y opposent pas tant qu’elle obtient un diplôme. À l’université, son professeure et mentor, feue Siham Nasser, sera pour elle cette fenêtre ouverte d’où elle pourra s’envoler. « J’avoue que Siham m’a aidée à me délester d’un nombre de poids qui alourdissaient ma vie inutilement. Je lui suis grandement redevable. Je n’ai jamais eu d’idole dans laquelle je me projetais, mais Siham en était une pour moi. »
La scène, ce lieu magique
Le chant viendra après. Mais il ne sera jamais isolé ni emprisonné dans une case, il accompagnera toujours une performance théâtrale et s’intégrera dans un espace scénique, tel un puzzle dont l’artiste saura trouver les pièces manquantes. « Lorsque j’ai décidé de rejoindre « The Great Departed» (al-Rahel al-kabir) à l’invitation du leader du groupe Khaled Sobeih, même nos répétitions avaient une toute autre allure. Durant huit mois, nous répétions à la maison, comme si nous apprenions tous à nous connaître, à nous apprivoiser ».
Pour elle, tout rôle dans la chanson ou sur scène est une passerelle pour communiquer avec l’autre, les autres. Cette participation aux shows interpelle Hisham Jaber, producteur des shows du Métro al-Madina, qui lui propose d’interpréter les chansons de Cheikh Imam sur scène. C’était non seulement une joie de reprendre des titres de son chanteur-compositeur préféré, mais aussi le moyen de présenter des compositions inconnues, jusque-là, du public. « Pour moi, il ne s’agissait pas de réciter des chansons, mais de les interpréter dans une moulure différente. Cheikh Imam lui-même jouait presque un rôle sur scène, il se fondait tellement dans la chanson qu’il en oubliait parfois la justesse des notes. » L’audace et l’authenticité dictent le cheminement de Sandy Chamoun pour qui l’art est une aire de liberté où l’on peut sortir des sentiers battus et ne pas rester toujours dans le politiquement correct. « Quand nous avons interprété la chanson sur Daech avec « The Great Departed », ce n’était certainement pas dans le but de provoquer, mais pour tourner en dérision cette organisation, en sachant que tout le public pensait comme nous. Mais ce n’était pas un acte de bravoure. L’acte de bravoure est de confronter des sujets à risques que tout le monde tait et n’ose pas révéler. » Le rôle d’un artiste serait ainsi d’extirper certaines pensées et idées du public, allant même jusqu’à le mettre parfois mal à l’aise. « Au Liban, nous sommes assez pusillanimes et nous voguons avec la vague. Quant à moi, je ne peux me satisfaire de tout ce qui est déjà tracé, propre et net. Je n’ai la conscience tranquille que lorsque j’ai réussi à traduire la foule d’idées et d’images qui se heurtent dans ma tête. » Essayer, expérimenter, ouvrir de nouvelles portes et oser : des verbes d’action devenus des leitmotive pour Sandy Chamoun. Qui n’a pas peur de tomber, car « on se relève mieux après ».
* Sandy Chamoun se produit le 1er mai avec le groupe « al-Rahel al-kabir » au Metro al-Madina.
16 juin 1987
Parce que je suis née à cette date.
1998
À l’âge de 11 ans, j’ai pris mon premier cours de théâtre au Mont La salle.
2001
À l’âge de 14 ans, perte de ma grand-mère maternelle, l’être le plus cher à mon cœur.
2006
La guerre de juillet qui a eu un grand impact sur moi.
2007
L’âge où je suis entrée à l’université.
2012
L’entrée de l’amour dans ma vie : une expérience inoubliable, à la fois poétique et douloureuse,
tel un séisme.
9 mars 2018
La mort de notre ami Imad Hachicho, membre du groupe « The Great Departed ».
Dans la même rubrique
Nada Sehnaoui, sous le signe de Picasso...
Karen Chekerdjian s’empare de la Quarantaine
Georgia Makhlouf : Beyrouth, Haïti et mon grand-père
Roberto Kobrosli, Dr. Strangelove à Beyrouth
Zeina Abirached, une touche hors champ
Pour Mohammad el-Rawas, le train siffle deux fois
Les champs multiples de Mimosa el-Arawi
Yasmine Khlat, des sources du Nil aux racines du cèdre
Pierre Chammassian, le fou (du) rire
Camille Salameh, l’honnête homme...
Bravo l'artiste !
16 h 10, le 26 avril 2019