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Culture - L’artiste de la semaine

Roberto Kobrosli, Dr. Strangelove à Beyrouth

Le personnage haut en couleur – inventé, rêvé et incarné par Hicham Jaber – revient sur les planches dans un one man show au Metro al-Madina. Dans sa loge, Kobrosli raconte de sa voix nasillarde son parcours et ses (més)aventures. Portrait à ne certainement pas prendre au sérieux.

Roberto Kobrosli, alias Hicham Jaber. Photo Michel Sayegh

Il a habitué son public à des falbalas folichons, entre jabots en dentelle, grands nœuds papillons en couleur, santiags en croco et autres fantaisies qui font son bonheur. Après moult pérégrinations, Roberto Kobrosli réapparaît sur les planches beyrouthines en sage docteur ès relations amoureuses, n’en déplaise à certains.

Il annonce d’emblée : « J’ai voulu vous recevoir en habit de ville, pas en costume de scène ou bleu de travail. » Difficile de voir la différence, pourtant : sa veste en velours bleu électrique avec grand col en léopard souligne de grosses moustaches à la Groucho Marx. Le personnage ressemble d’ailleurs au célèbre comique américain des années 50, sur le visage duquel on ne discerne pas le rire des pleurs. « Je reviens d’une tournée africaine », dit-il avec le plus grand sérieux du monde. « J’ai présenté mon spectacle Kobrosoli Book en Namibie, et puis à un public de singes, ici, dans mon pays natal. J’ai une autre tournée là-bas si vous voulez me rejoindre. » Et de ponctuer avec son leitmotiv habituel : « No, really ! »


Émigrer à Tallet el-Khayat

Roberto Kobrosli est né le 13 avril 1975, « une date synonyme de bonheur et de prospérité pour le Liban, mon pays ». Dans la petite ruelle nommée Zaroub el-Sidani, celui qui deviendra un grand homme de spectacle voit le jour. « Ma mère, Laurice Kashigji, était une princesse. Pourtant, elle ne connaissait qu’un seul moyen de communication : celui des babouches lancées sur les têtes de ses enfants. » Une activité qu’elle joint à celle de son mari, un bandit de grand chemin, pour parfaire l’éducation de ses petiots. Les autres frères, « des petits morveux », dit-il, ont subi des sorts divers, mais toujours brutaux. Et Kobrosli d’enchaîner : « Enfant, j’aimais lancer des cailloux aux filles de 13 à 17 ans. » Plus tard, il s’adonne à diverses autres « activités culturelles », notamment celle de franc-tireur durant la guerre, ou membre d’un gang à moto qui volait les passantes. De quoi le transformer en « un citoyen très actif dans une société en déliquescence ».

Mais comment est né ce look si particulier ? « J’ai beaucoup travaillé ce look, de même que ma voix qui évoquait au début celle d’une sirène, surtout avant d’intégrer le monde du showbiz. » Et de faire un clin d’œil à sa mère qui l’a aidé à se débarrasser de sa voix de baryton.

Est-il sensible au septième art ? Sa réponse ne se fait pas attendre. Il aurait envie, plutôt, de dire aux autres : « Mais arrêtez votre cinéma ! » Quant à la lecture, les affiches qui squattent la ville de Beyrouth lui suffisent. Elles le renseignent assez sur la vie quotidienne. Et la musique ? « Les chansons romantiques françaises que vous entendez dans mon spectacle, c’est de la m..., mais elles servent à appâter, selon mon manager, un public francophone. » Le destin l’avait mis un jour sur le chemin d’Antonio Safrouki, qui a été son premier manager. « Il a travaillé avec moi durant deux mois et faisait un excellent travail. » Mais pourquoi avoir changé de manager, alors ? La moustache frétille. L’œil zigzague. « Lors de notre voyage en Namibie, un crocodile l’a englouti d’une seule traite... » Dans son one man show présenté au Metro al-Madina, Roberto Kobrosli lance un vibrant plaidoyer sur les vertus du célibat : « Pourquoi ce pays d’animaux engendrerait-il d’autres animaux ? » dit-il, mi-figue, mi-raisin. « Pour les rendre plus malheureux ? Oui, je pense que le Liban a déjà assez fait pour l’humanité. C’en est assez. Il faudrait qu’il prenne sa retraite. Et par retraite, je voudrais dire abstinence amoureuse, afin de ne plus peupler la planète de cette engeance. » Sur scène, Kobrosli raconte ses démêlés avec l’injustice amoureuse.

De ses premières surprises-parties et ses premiers émois jusqu’à la cohabitation ratée, puis la séparation, il se fait médecin des relations amoureuses. Dr. Strangelove en blouse blanche – « Je peux tout autant être boucher », ricane-t-il–, il vient d’ouvrir une clinique où il prodigue moult conseils.

Des projets pour le futur proche? Kobrosli secoue ses boucles brunes. Il avoue une allergie à ce pays transformé en jungle. Il se demande donc s’il doit émigrer. « À Tallet el-Khayat, peut être ? »

Pour en savoir plus long sur Roberto Kobrosli, alias Hicham Jaber, RSVP jeudi 4 avril au Metro al-Madina, à 21 heures.


Le 13 avril 1975

Naissance à Beyrouth

Juin 1995

Il obtient un doctorat en architecture décerné par la maison de son oncle Antonio Kashigji

Août 1996

Il dirige le gang militaire à moto Chbaklo, spécialisé dans les vols à l’arraché

Septembre 199I

Il obtient son diplôme en médecine de la boucherie Herbli, avec une spécialisation en nez, oreille, gosier et mâchoire

Décembre 2000

Première fois sur scène devant le public moldave

Janvier 2001

Retour définitif au Liban

4 avril 2019

Dernière représentation de son spectacle « Roberto In Love » au Metro al-Madina.



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