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Culture - L’artiste de la semaine

Camille Salameh, l’honnête homme...

Alors que « 64 », sa toute dernière pièce, est à l’affiche du théâtre Tournesol, cet auteur, acteur et metteur en scène revient sur son parcours. Depuis ses premières collaborations avec Raymond Gebara jusqu’à Hollywood en 2018.

Camille Salameh.

Il a atteint le pic de sa carrière avec The Insult, le film de Ziad Doueiri. Camille Salameh n’est pas dupe : il ne peut plus aller plus haut, ni plus loin que ce tapis rouge hollywoodien qu’il a foulé avec bonheur, avec toute l’équipe du film sélectionné aux oscars l’année dernière dans la catégorie meilleur film étranger. « Ce moment, j’en avais rêvé jeune, jusqu’à ma trentaine. Après, je n’y ai plus pensé du tout. Quand il s’est concrétisé, j’ai réalisé que le plus exaltant dans cette aventure, ce n’était pas la cérémonie, mais les rencontres et les échanges que nous avons eus les jours précédents avec des pointures de l’industrie mondiale du cinéma, confie cet acteur, également auteur et metteur en scène de pièces de théâtre depuis 1972. Heureusement que j’ai vécu cette expérience sur le tard. Cela m’a permis de garder les pieds sur terre, de refermer cette parenthèse magique et de revenir à mon travail au Liban comme avant. »

Sauf que sa performance dans le premier film qui a emmené le cinéma libanais jusqu’aux oscars a imprimé son visage sur la rétine des cinéphiles libanais et même étrangers. Difficile de rencontrer pour la première fois Camille Salameh sans penser à ce Me Wehbé, impitoyable ténor du barreau dont il a endossé magistralement la robe d’avocat dans le film de Doueiri.

Un rôle aux antipodes de la personnalité réelle de cet homme intègre qui préfère la sincérité et l’harmonie dans les rapports humains aux grands effets de manche et même à la gloire. « Moi, j’aime ma famille, mon travail et les gens avec qui je travaille, dit-il simplement. D’ailleurs, je suis incapable de travailler avec des personnes que je n’apprécie pas. Quitte à refuser de collaborer avec de grandes stars… »

Un saut sans filet
Il est ainsi, Camille Salameh. Un honnête homme, dans le sens pascalien du terme : cultivé, courtois, correct, attaché aux valeurs humanistes… Un homme de mérite qui n’a jamais choisi la voie de la facilité. À commencer par ce double cursus en littérature arabe et études théâtrales qu’il mène de front au tout début des années soixante-dix à l’Université libanaise, mû par sa passion pour le jeu d’acteur qu’il avait découvert à l’école en classe de seconde et qui avait transfiguré l’ex-enfant timide qu’il était en homme de scène.

Puis ce saut sans filet qu’il fait en 1982, l’année de la naissance de son fils aîné, lorsqu’il abandonne la sécurité de son poste de professeur de langue arabe pour s’immerger totalement dans le domaine artistique. Et enfin, en poursuivant 40 ans de carrière sans faire de concessions sur la qualité des œuvres qu’il produit et dans lesquelles il se produit. Une exigence qui lui vaudra de nombreux prix, dont ceux des Festivals de Bagdad et de Carthage en 1985 pour sa pièce Saneh el-ahlam (Le fabricant de rêves) ou celui du Festival international de Dubaï en 2013 pour son rôle dans Akar (Troubled Waters), un court métrage signé Toufic Khreich.

Scène, cinéma, télévision… Pour Camille Salameh, il n’y a pas de cloisonnements dans un métier qu’il aime exercer dans ses différentes facettes. Avec pour seule boussole son envie de collaborations heureuses. En jetant un œil dans le rétroviseur, il vous citera pêle-mêle les deux sitcoms Beit khalté et Niyel el-beit qu’il a signés pour le petit écran dans les années 80 et 90 ; les trois films à succès dans lesquels il a joué entre 2013 et 2017 (Ghadi de Georges Khabbaz, Stable instable avec Mahmoud Hojeij et, bien sûr, The Insult de Ziad Doueiri), mais aussi ses premières pièces avec Raymond Gebara. « Il a été, en quelque sorte, mon mentor », dit-il, signalant que c’est le rôle-titre de Lamma Zaradastra asbaha kalban (Quand Zarathoustra est devenu chien) que le metteur en scène lui a offert en 1978 et qui l’a véritablement lancé sur la scène théâtrale libanaise.

Chroniqueur poli
Et s’il a rejoint aujourd’hui l’équipe de chroniqueurs de Minna w jorr, l’émission de Pierre Rabbat sur la MTV, c’est pour expérimenter un nouveau mode de communication avec le public. « À travers cette émission de panélistes, je rentre dans tous les foyers. Du coup, tout en exprimant mes opinions en toute sincérité, je prends soin de choisir mes mots pour ne heurter la sensibilité de personne. C’est, à mes yeux, la plus élémentaire des politesses… »

Camille Salameh avoue aussi tirer une légitime satisfaction du fait d’avoir écrit la quinzaine de pièces qu’il a mises en scène. Depuis Dahr el-Shir en 1981 jusqu’à 64, la toute dernière qu’il interprète avec Adon Khouri, Roula Baksamti et Hiba Najem sur la scène du théâtre Tournesol. Et dans laquelle il apparaît comme l’incarnation poignante de la résignation faite homme. Sur le mode absurde, il portraiture, dans un jeu à la subtilité totalement maîtrisée, l’injustice de la condition humaine. Sous la performance d’acteur, on sent la sincérité du propos de l’auteur. Son humanisme. Sa volonté de ne pas céder aux facilités du spectacle aguicheur pour offrir à un public moins nombreux, mais plus exigeant, un vrai moment de théâtre. De celui qui empoigne le spectateur, le remue et l’accompagne longtemps après le tomber de rideaux…


10 janvier 1950

Naissance à Tripoli

1978

Première reconnaissance avec « Quand Zarathoustra est devenu chien » de Raymond Gebara.

1979

Mariage avec Lina, la femme de sa vie.

1981

Il écrit et met en scène sa première pièce « Dahr el-Shir ».

1982

Il devient père pour la première fois et abandonne l’enseignement pour se consacrer aux métiers de la scène.

2013 à 2017

Il tourne dans trois films à succès.

2018

« The Insult » l’emmène à Hollywood.

2019

La pièce « 64 » au théâtre Tournesol.


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Un bijoux du théâtre mais aussi de la scène culturelle au Liban.

Wlek Sanferlou

15 h 32, le 13 février 2019

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Commentaires (1)

  • Un bijoux du théâtre mais aussi de la scène culturelle au Liban.

    Wlek Sanferlou

    15 h 32, le 13 février 2019

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