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Liban - Coopération

L’ambassadrice de l’UE à Ersal : Nous ne vous avons pas oubliés

La diplomate a rencontré le président du conseil municipal, Bassel Hojeiri, plus d’un an et demi après que l’armée libanaise eut chassé les jihadistes des reliefs entourant la ville, qui reste fragilisée par la présence massive de réfugiés.


La majorité des habitants du camp d’Inma’, à Ersal, sont arrivés en 2013 de la région de Homs en Syrie.

Sur les hauteurs arides et inhospitalières de l’Anti-Liban, où s’échoue la dernière route avant la frontière syrienne, la ville de Ersal concentre les problèmes suscités par la crise voisine. Alors que les hauteurs de la commune ont dû faire face à l’occupation prolongée de jihadistes entre 2014 et 2017, la ville peine aujourd’hui à gérer la présence massive de déplacés syriens. C’est dans ce contexte que l’ambassadrice de l’Union européenne, Christina Lassen, s’est rendue hier à Ersal où l’UE finance plusieurs programmes d’infrastructures, de déminage ou d’éducation.

Réparer les stigmates du conflit armé

La dernière visite de la diplomate à Ersal remonte à 2017, après la bataille lancée dans le jurd de la ville par le Hezbollah en juillet de la même année pour chasser les jihadistes de Fateh el-Cham (ex- front al-Nosra). Les combats s’étaient conclus un mois plus tard par l’assaut de l’armée libanaise, qui avait de son côté mis en déroute les combattants du groupe État Islamique (EI), en août 2017. La diplomate, comme le gouvernement libanais, avait alors dû faire face à la colère et au sentiment d’abandon du président du conseil municipal, Bassel Hojeiri. « Un an et demi après notre précédente rencontre, nous sommes venus dire aux habitants que nous ne les avons pas oubliés et que nous voulons les aider », a affirmé Mme Lassen.Pour réduire les dégâts induits par ce conflit armé, l’UE finance une opération de déminage d’une partie du jurd (arrière-pays) à travers deux ONG, Norwegian People’s Aid (NPA) et Mines Advisory Group (MAG), qui travaillent en coordination avec le Centre libanais d’action contre les mines (Lebanese Mine Action Center-LMAC) et l’armée libanaise. Dans cette vallée lunaire où paissent aujourd’hui quelques troupeaux de chèvres et de moutons, les maisons en briques de béton utilisées par les jihadistes sont encore sur pied. « Cette route était gérée par Fateh el-Cham et Daech, mais il y a eu des combats entre les deux groupes, explique un sergent de l’armée. De nombreuses mines ont été jetées au hasard. » Pour sécuriser le périmètre, le projet soutenu par l’Union européenne vise à nettoyer jusqu’à 0,25 km2 des 180 km2 occupés par les groupes armés. Une goutte d’eau, qui permettra toutefois de limiter les accidents mortels ayant déjà coûté la vie à plusieurs fermiers. L’équipe estime qu’il lui faudra au moins trois ans pour débarrasser le périmètre de l’ensemble des engins explosifs, de fabrication yougoslave, russe ou encore israélienne, transportés au Liban depuis la Syrie.


(Pour mémoire : Réfugiés syriens : arrestations en série à Ersal, des raisons « sécuritaires » invoquées)

Tensions avec les habitants

Bien que le risque de conflit armé soit aujourd’hui atténué, la présence de nombreux réfugiés syriens à Ersal continue de représenter une source de déstabilisation possible. La question a en tout cas été au cœur de la rencontre entre l’ambassadrice et le président du conseil municipal. Le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dénombrait en 2018 près de 39 000 syriens à Ersal, pour environ 30 000 habitants libanais. Le même rapport listait plusieurs thématiques à même de susciter des tensions entre les communautés syriennes et la population locale que n’a pas manqué de souligner Bassel Hojeiri, évoquant des « sentiments d’hostilité », selon des témoins. La compétition sur le marché de l’emploi a notamment été soulevée, alors que l’agriculture et l’extraction de pierres, parmi les principales ressources économiques de la ville, ont largement pâti du conflit.

Dans le camp d’Inma’, où Mme Lassen a visité un projet d’éducation porté par le Comité international de secours (CIS) et soutenu par l’UE, certains résidents font part de ces tensions latentes. « On ne trouve pas de travail, ou alors certains Libanais nous font travailler sans nous payer », déplore Khaled Raad, arrivé en 2013 dans le campement depuis la ville syrienne de Qousseir, près de Homs. Ce dernier assure vivre uniquement des aides du HCR, qu’il estime à un dollar par jour.

Le camp d’Inma’ est un des nombreux bidonvilles de déplacés syriens de la commune, dont les concentrations de tentes, aux couleurs du HCR, forment de larges taches blanches visibles de loin. Comme ailleurs, les résidents de ces 41 abris de fortune déplorent d’une même voix les conditions de vie et le manque d’infrastructures. « La vie est dure, nos tentes sont en plastique, donc l’hiver est dur avec la neige, et l’été avec la chaleur », explique Mohammad Hamouiyé, résident depuis 2013. « Toutes les tentes sont endommagées, déplore de son côté Iman. Cela fait cinq ans que nous avons les mêmes. » Aucun, pour autant, ne mentionne un éventuel retour. « Chez nous, tout est détruit, nous n’avons plus de maison », grince Mohammad.Malgré ce constat, la question de l’avenir à moyen terme de ces familles n’a pas été à l’ordre du jour des discussions entre l’ambassadrice et le président du conseil municipal. « Pour nous, c’est très clair, il n’y a qu’une seule solution ultime, c’est que les réfugiés doivent retourner dans leur pays lorsque les conditions nécessaires à ce retour seraient réunies, ce qui n’est pas le cas actuellement », insiste la diplomate européenne. Alors que le chef d’État Michel Aoun multipliait jusqu’il y a peu les charges à l’égard de la communauté internationale, qu’il accuse de vouloir sciemment retarder le retour des déplacés, l’ambassadrice a rappelé qu’elle n’attendait pas « un accord politique (avec la Syrie), mais des conditions sûres » avant un éventuel retour massif. À Ersal, les réfugiés syriens devront donc survivre avec leurs tentes et quelques programmes d’éducation, en attendant des jours meilleurs. Et peut-être plusieurs visites d’ambassadeurs d’ici là.


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