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Liban - crise

Réfugiés syriens : arrestations en série à Ersal, des raisons « sécuritaires » invoquées

Des jihadistes de retour de Syrie auraient été repérés dans les camps.

La localité d’Ersal, dans la Békaa, au Liban. Photo d’archives

L’opération musclée menée par l’armée libanaise cette semaine dans les camps de réfugiés syriens de la région de Ersal, où elle a arrêté plusieurs centaines de personnes avant d’en relâcher la plus grande partie, a suscité plusieurs interrogations quant à son timing, ses motivations mais, surtout, sur la manière dont elle s’est déroulée. Au premier jour, 420 réfugiés ont été embarqués par la troupe, dont une vingtaine de femmes, la plupart en raison de titres de séjour périmés. Une grande majorité d’entre eux a été relâchée tard dans la nuit. Quatre-vingt-dix personnes seraient toujours retenues par l’armée, dont « 33 personnes ayant fait l’objet de mandats d’arrêt et 56 personnes sans papiers d’identité », a indiqué l’armée dans un communiqué. Selon une source militaire, ces opérations seraient notamment justifiées par le retour de certains jihadistes sur les lieux.

Jeudi, l’armée est revenue à la charge en arrêtant « 48 personnes lors de perquisitions dans des camps de réfugiés à Wadi Hmayed, à Ersal ». Parmi ces personnes, « 27 font l’objet de mandats d’arrêt, treize, dont deux Libanais, n’ont pas de papiers d’identité et huit avaient en leur possession un équipement militaire », précise un autre communiqué issu du bureau de l’orientation de l’armée.


« Moissonner les réfugiés »

Les premières critiques ont été formulées par le président de la municipalité du village, Bassel Hojeiri, qui a contesté la méthode employée par la troupe. « Il n’était pas nécessaire de “moissonner” plusieurs centaines de réfugiés pour ensuite les “tamiser” afin de retenir ceux qui sont ciblés pour des raisons sécuritaires », affirme M. Hojeiri à L’OLJ. Le responsable reconnaît toutefois que l’armée a, « cette fois-ci, et contrairement à ce qui se passait auparavant, fait preuve de beaucoup de respect et de compassion à l’égard de tous ceux qui ont été arrêtés en raison de l’irrégularité de leurs documents d’identification ».

Le président de la municipalité s’étonne également du timing de ces arrestations, après de long mois de stabilité et de calme dont jouissait cette bourgade sunnite qui avait subi, des années durant, les affres de la présence d’islamistes radicaux aujourd’hui boutés hors des lieux.

À l’issue de deux opérations militaires successives menées par le Hezbollah et l’armée libanaise durant l’été 2017, plusieurs milliers de jihadistes ont été refoulés de Ersal et de ses environs vers la Syrie. Depuis, la stabilité est revenue dans cette bourgade placée désormais sous stricte surveillance de l’armée libanaise qui verrouille toutes ses voies d’accès. Sauf que les problèmes sociaux et les difficultés économiques n’ont toujours pas pour autant été réglés dans ce village frontalier où continuent de vivre près de 60 000 Syriens, soit un peu moins du double de la population locale contrainte de partager avec ses hôtes les faibles ressources de cette localité complètement délaissée par l’État.

Les arrestations de réfugiés effectuées durant les deux derniers jours surviennent dans un climat de tension devenue patente entre les habitants de la ville et les réfugiés, dont près de 4 000 ont déjà quitté les lieux pour retourner en Syrie dans le Qalamoun-Ouest, dans le cadre des opérations dites de retour facultatif orchestrées par la Sûreté générale. Elles surviennent également à un moment où plusieurs officiels libanais, dont le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et le chef de l’État, Michel Aoun, mettent la pression pour un retour plus massif des réfugiés chez eux.


(Pour mémoire : « Des déplacés syriens rentrés chez eux ont été tués par le régime Assad », affirme Mouïn Merhebi


Retour des jihadistes ?

Interrogée, une source militaire explique que parmi les réfugiés arrêtés, plusieurs ont été maintenus en détention pour des raisons sécuritaires. « Il s’agit de personnes recherchées, dont des jihadistes qui reviennent de temps à autre revoir leurs familles restées sur place », confie la source. Celle-ci ne précise toutefois pas comment ces infiltrations ont pu avoir lieu dans une localité aussi bien surveillée.

Une source informée indique pour sa part à L’OLJ qu’il y a près de cinq mois, six éléments radicaux ont réussi à réintégrer le village. L’armée en a été immédiatement informée et les a arrêtés sur-le-champ. « Il est très probable que le scénario s’est encore répété cette fois-ci », indique la source.

Pour la vice-présidente de la municipalité, Rima Karnabi, cette thèse est certes plausible, mais elle n’explique pas à elle seule les dernières opérations de l’armée. Selon elle, les récentes perquisitions effectuées dans les camps seraient destinées entre autres à repérer ceux parmi les réfugiés syriens qui, après avoir quitté le territoire il y a quelques mois pour réintégrer le Qalamoun-Ouest, sont revenus à Ersal. « Certains ont tout simplement décidé de faire machine arrière et de revenir à Ersal, ce que l’État libanais ne permet pas », dit-elle.

Mme Karnabi se dit toutefois convaincue que la raison principale qui motiverait ces perquisitions en série est liée au problème de la propagation de la drogue, devenue un vrai fléau dans les camps et parmi la jeunesse de Ersal. « Les jeunes se cachent désormais dans les tentes abandonnées pour se droguer. L’affaire est devenue très grave et touche même les habitants du village », commente-t-elle.

Un responsable qui suit de près ce dossier déplore, lui aussi, le trafic de la drogue à Ersal mais aussi la prostitution qui se répand de plus en plus dans les milieux des réfugiés. Ces problèmes sociaux devenus, selon lui, récurrents dans tous les milieux où règnent la misère et le chômage n’expliquent pas toutefois le raid inattendu effectué par l’armée, mais plutôt le besoin de cette dernière de s’affirmer sur les lieux et, surtout, de rappeler à l’ordre tous ceux qui seraient tentés de réitérer une forme quelconque de déstabilisation de la localité. « C’est une manière de dire aux réfugiés que l’armée veille et contrôle la situation », commente la source. Tout en reconnaissant la nécessité pour la troupe de s’affirmer dans une région et un contexte sensibles, Ziyad Sayegh, expert en politiques publiques et réfugiés, conclut en soutenant que l’armée aurait plus gagné à trouver « un juste équilibre entre le fond et la forme, entre sa mission de préserver la sécurité, et la manière dont cette tâche a été menée ».


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IL FAUT NETTOYER LES CAMPS DES SYRIENS DES TERRORISTES QUI S,Y CACHENT...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 19, le 01 décembre 2018

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Commentaires (1)

  • IL FAUT NETTOYER LES CAMPS DES SYRIENS DES TERRORISTES QUI S,Y CACHENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 19, le 01 décembre 2018

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