La polémique suscitée par la guerre contre la corruption que vient de déclarer le Hezbollah visant implicitement l’ancien chef de gouvernement, Fouad Siniora, n’est pas près de se résorber. Ayant pris un tournant éminemment politique, voire communautaire, la controverse a connu une ampleur sans précédent le week-end dernier par médias interposés.
Relayant la bataille conduite par le parti chiite, dont l’un des députés, Hassan Fadlallah, avait initié une dénonciation judiciaire en remettant au procureur général financier une série de documents liés aux dossiers des comptes publics entachés d’irrégularités, la chaîne OTV, affiliée au courant aouniste, qui avait fait jusque-là profil bas dans cette affaire, s’est lancée samedi dernier dans une diatribe injurieuse contre M. Siniora. La chaîne a estimé que les réponses qu’a tenté d’apporter l’ancien Premier ministre au cours de sa conférence de presse « étaient bourrées de failles ». Dans son éditorial, l’OTV a ironisé sur le fait que « l’autodéfense à laquelle s’est livré M. Siniora a fini par se transformer en une attaque politique contre le Hezbollah » l’ancien chef de gouvernement ayant « joué sur la fibre émotionnelle pour s’attirer la sympathie » du public, recourant à une « bataille préventive menée avec les armes du passé ».
La réponse de la télévision du Futur est venue aussitôt. La chaîne a ainsi farouchement soutenu M. Siniora qui, a-t-elle souligné, se trouve aux côtés du Premier ministre Saad Hariri « à l’avant-garde de la lutte en faveur de la souveraineté du Liban, son indépendance et sa liberté ». « Homme d’État par excellence, il n’a cessé de défendre les intérêts du pays qu’il n’a jamais bradés sur le marché des intérêts régionaux », a ajouté la chaîne, qui a accusé le Courant patriotique libre (CPL) d’être derrière cette campagne médiatique.
« Celui qui porte atteinte à M. Siniora nuit tout autant à Saad Hariri », a poursuivi la Future TV, laissant entendre implicitement que le tandem formé par les deux hommes est inébranlable.
(Lire aussi : Vase communicant, l’édito de Michel TOUMA)
Dans un souci évident de freiner cette « guerre des éditoriaux » et surtout de sauvegarder le fameux « compromis présidentiel », le chef du CPL, Gebran Bassil, a aussitôt contacté M. Hariri pour lui assurer que son courant « n’avalisait pas » les propos diffusés par l’OTV. Il lui a fait savoir que l’éditorial de la chaîne « était une initiative personnelle (de la part des responsables du média) et non politique ». Comprendre que la chaîne n’a pas reçu de directives spécifiques de la formation politique dont elle relève. M. Bassil a souhaité par la même occasion que ce conflit puisse être jugulé et que l’affaire ne soit pas instrumentalisée en politique.
Entre-temps, la valse des déclarations sur ce dossier s’est poursuivie, le Hezbollah ayant réaffirmé sa détermination à aller jusqu’au bout de la bataille, alors que le mufti de la République évoquait une « ligne rouge » que personne ne saurait dépasser.
Revenant à la charge, Hassan Fadlallah, le député du Hezbollah, a déclaré hier, lors d’une occasion sociale, que le « tapage (médiatique), les accusations et les diffamations ne changeraient rien à ce processus en marche ». « Le passage obligé (pour la réussite de la lutte contre la corruption) est inéluctablement la justice mais aussi nos partenaires au sein du gouvernement et du Parlement », a-t-il ajouté.
Samedi, M. Fadlallah, avait estimé que « Fouad Siniora s’est désigné lui-même en tant qu’accusé, en se montrant tendu et en colère, ce qui pose de nombreuses questions, d’autant que son intervention télévisée était empreinte de violence politique et communautaire et d’accusations lancées pour détourner l’attention du dossier des comptes publics ».
Le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, s’est associé lui aussi à la polémique, mettant en garde contre toute atteinte à M. Siniora, considéré comme « une ligne rouge » à ne pas franchir. Il a appelé à tenir la lutte contre la corruption à l’écart de la « vindicte politique ».
« La lutte contre la corruption est essentielle à l’établissement d’un État juste et fort », a affirmé le mufti depuis le Grand Sérail, où il s’est entretenu avec le Premier ministre Saad Hariri. « Nous refusons toute surenchère et vindicte politique dans cette question », a-t-il insisté. M. Siniora est « une personnalité de grande valeur que nous défendrons contre toute calomnie », a martelé le dignitaire sunnite.
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commentaires (6)
Livrez les 3 saints survivants au TPI plutôt que de perdre votre temps..
LeRougeEtLeNoir
00 h 21, le 06 mars 2019