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À La Une - interview

La "culture du secret sur l'homosexualité" au Vatican permet de comprendre ses postures depuis 50 ans

Dans un livre intitulé "Sodoma, enquête au cœur du Vatican", Frédéric Martel décrit "la culture de la double-vie" chez des cardinaux et prélats du Vatican.

Des gens réunis sur la place Saint-Pierre, au Vatican, pour y écouter un sermon du Pape François, le 10 février 2019. AFP / Andreas SOLARO

"La culture du secret sur l'homosexualité majoritaire au Vatican est une clé de lecture de beaucoup de décisions ou de prises de positions morales du Saint-Siège" depuis cinq décennies, affirme à l'AFP Frédéric Martel, journaliste et sociologue.
Dans un livre intitulé "Sodoma, enquête au cœur du Vatican", à paraître le 21 février (Editions Robert Laffont) dans 20 pays et 8 langues, Frédéric Martel, qui a enquêté pendant 4 ans, a interrogé 1.500 personnes dans 30 pays avec 80 collaborateurs, décrit "la culture de la double-vie" chez des cardinaux et prélats du Vatican.


Dire qu'il y a des homosexuels au Vatican, ce n'est pas nouveau ?

C'est un secret de polichinelle, au Vatican ! Ce qui est nouveau, c'est que l'institution, le système, soit essentiellement homosexualisé. Ce qui m'intéresse ce ne sont pas les individus. Je ne révèle pas l'homosexualité de cardinaux vivants. Je cherche à comprendre comment l'institution s'est construite sur le mensonge, sur la double vie, la schizophrénie, l'hypocrisie - je reprends là les mots du pape François. Cette culture du secret sur l'homosexualité majoritaire au Vatican est une source de distorsion de tous les aspects de l'Eglise. Et une clé de lecture de beaucoup de décisions ou de prises de positions morales du Saint-Siège.

Ce mensonge a des conséquences immenses. Cela permet de comprendre la position de rejet du préservatif ; la misogynie du clergé; les scandales de la banque du Vatican à l'époque de l'archevêque Marcinkus, homosexuel lui aussi ; la démission de Benoît XVI, la fronde contre le pape François...

Depuis Paul VI (Pape de 1963 à 1978, ndlr), à mesure que la société se libère, l'Eglise a été obligée de renforcer son discours homophobe pour cacher son secret. C'est un mensonge d'Etat. La règle est simple : plus un prélat est homophobe en public, plus il a de chance d'être homophile en privé !



(Lire aussi : "Il m'a manipulée": une ex-religieuse française dénonce les abus sexuels d'un prêtre)


Vous décrivez une situation diverse, et vous préservez François...

Il y a des homophiles, des gays non pratiquants qui sont fidèles à leur pacte de chasteté. Ensuite il y a des gens qui ont peut-être eu des désirs, des relations mais le vivent très mal, se flagellent. Ensuite, il y a des gens qui vivent avec leurs amants, des cardinaux, souvent un assistant ou un ami. Ensuite il y a des cardinaux qui sortent, qui ont des amants. D'autres, au moins deux cardinaux proches de Jean-Paul II, ont eu recours à des prostitués masculins.

Le pape François a compris le système duquel il est lui-même prisonnier. Sa phrase célèbre est +derrière la rigidité il y a souvent une double vie+. Il est plutôt, disons avec prudence, +gay friendly+, si on le compare à tous ses prédécesseurs, dès lors qu'il est question de juger un individu. C'est en revanche un opposant radical au mariage gay. 


Cette culture du secret a permis, selon vous, indirectement, de couvrir les abus sexuels ?

Une précision : il n'y a pas de lien entre homosexualité et abus sexuels, évidemment.
Mais la protection des prêtres abuseurs est très majoritairement le fait d'évêques homosexuels qui ont peur que le scandale ou la médiatisation les expose - en Italie, en Amérique latine, aux Etats-Unis comme en France. 
L'Eglise a créé une culture du secret pour protéger l'homosexualité, et a protégé, de ce fait, les abus, alors même que cette culture n'avait pas été créée pour cela. C'est là où le système est extrêmement pervers, et aucune possibilité de réforme n'est possible, à moins de changer la doctrine de l'Eglise, c'est-à-dire le voeu de chasteté et du célibat. 


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"La culture du secret sur l'homosexualité majoritaire au Vatican est une clé de lecture de beaucoup de décisions ou de prises de positions morales du Saint-Siège" depuis cinq décennies, affirme à l'AFP Frédéric Martel, journaliste et sociologue.Dans un livre intitulé "Sodoma, enquête au cœur du Vatican", à paraître le 21 février (Editions Robert Laffont) dans 20 pays et 8 langues,...

commentaires (4)

Rajout à mon précédent commentaire Une des pistes les plus sérieuses, "pour trouver une solution à ce désastre spirituel," consiste le mariage des prêtres et religieux. Merci

Sarkis Serge Tateossian

13 h 41, le 15 février 2019

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Commentaires (4)

  • Rajout à mon précédent commentaire Une des pistes les plus sérieuses, "pour trouver une solution à ce désastre spirituel," consiste le mariage des prêtres et religieux. Merci

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 41, le 15 février 2019

  • POSTURES OU IMPOSTURES... C,EST LA LA QUESTION !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 02, le 15 février 2019

  • Postures ou positions? Hhahahaha

    Tina Chamoun

    11 h 54, le 15 février 2019

  • Hallucinant. Mais une enquête d'un tel sérieux de la part d'un journaliste connu pour sa rigueur mérite respect et réflexion. Une des pistes les plus serieuses consiste le mariage des prêtres et religieux.

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 25, le 15 février 2019

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