C’est un projet ambitieux qu’a annoncé le ministre Gebran Bassil lors de sa conférence de presse de samedi. Entouré des ministres qui vont désormais se joindre aux réunions hebdomadaires du Bloc du Liban fort (notamment le ministre druze pour les Affaires des réfugiés Saleh Gharib et le ministre sunnite chargé du Commerce extérieur Hassan Mrad), le ministre des AE a donné les grandes lignes de l’action gouvernementale, selon un plan global établi par le camp du président de la République et le CPL, tout en précisant que chacun des onze ministres, lui-même en tête, a d’ores et déjà déposé sa démission. Celle-ci deviendrait effective si le ministre concerné s’avère ne pas être à la hauteur de la mission qui lui est confiée. C’est la première fois dans l’histoire des gouvernements libanais qu’une telle initiative est prise et elle vise à montrer le niveau de sérieux des membres de ce bloc et la volonté des ministres qui travailleront sous cette étiquette de rendre compte de leur action. En réalité, Gebran Bassil a brisé un tabou sur le caractère intouchable de facto des ministres et il a voulu éviter le scénario du précédent gouvernement, lorsque la possibilité de révoquer certains ministres du camp du CPL et du président avait été évoquée sans avoir pu se concrétiser.
Cette fois, l’épée de Damoclès est donc brandie au-dessus des onze ministres depuis le début et elle devrait constituer un mobile de plus pour que chaque ministre donne le maximum dans le dossier dont il a la charge.
Dans ce contexte, il faut préciser que Gebran Bassil a pratiquement obtenu tous les dossiers qu’il voulait. Il ne s’agissait pas pour lui d’un caprice, mais s’inscrivait dans le cadre d’un plan global destiné à améliorer le quotidien des Libanais. En fait, le ministre a entendu toutes les critiques qui étaient adressées au chef de l’État et à son camp, tout au long de la période précédente. Il a donc sciemment négocié avec les parties concernées pour obtenir le ministère de l’Énergie, afin de pouvoir faire la différence et régler enfin le problème du courant électrique, tout en concrétisant le dossier de l’extraction du gaz et du pétrole. Il a aussi mené une ultime bataille pour obtenir le portefeuille de l’Environnement, non pas comme certains le prétendent, parce que certains projets de la conférence de Paris
(CEDRE) concernent ce ministère, mais parce qu’il souhaite régler la question des déchets et donner ainsi aux citoyens des prestations concrètes. Gebran Bassil a aussi réclamé le ministère des Déplacés libanais pour clore ce dossier qui traîne depuis les années 90 et la fin de la guerre civile. Il a aussi réclamé le ministère d’État pour les Déplacés syriens afin de pousser concrètement vers un règlement de ce dossier qui lui tient à cœur et qu’il juge vital pour le Liban, sans plus être combattu de l’intérieur par le ministre en charge de ce dossier (il s’agissait de Mouïne Merhebi, qui refusait tout dialogue avec le régime syrien et calquait sa position sur celle de la communauté internationale).
Le chef du CPL a aussi négocié avec les parties concernées pour que son camp et celui du chef de l’État conservent les ministères de la Justice et de l’Économie, étant convaincu que la lutte contre la corruption ne peut pas se faire sans un pouvoir judiciaire renforcé, dans lequel les magistrats prennent leurs décisions sans craindre les autorités politiques ou confessionnelles auxquelles ils doivent leurs postes. Le chef de l’État, qui a fait du dossier de la lutte contre la corruption un des grands thèmes de son mandat, a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne peut y avoir de lutte contre ce fléau sans un pouvoir judiciaire indépendant et fort. Il avait commencé à le former avec l’ancien ministre de la Justice Salim Jreissati, mais il y avait trop d’entraves et de conflits politiques dans le précédent gouvernement pour que cette mission se concrétise au niveau des citoyens. De même, le ministère de l’Économie est directement lié aux soucis du citoyen et des questions de consommation. Il va donc de pair avec le ministère de la Justice, et le récent bras de fer entre les propriétaires des générateurs et le ministre Raëd Khoury l’a largement prouvé. Le chef de l’État l’a déclaré à plusieurs reprises dans ce contexte qu’il n’est pas question de se venger de qui que ce soit mais de travailler. Lorsque dans un dossier des éléments sérieux de corruption apparaissent, il sera déféré devant la justice. Enfin, le ministère de la Défense est resté entre les mains du président et de son camp, en la personne d’Élias Bou Saab, pour pouvoir continuer à renforcer l’armée ainsi que pour consolider la coopération entre les différentes forces armées et leurs services respectifs.
Le seul portefeuille que le CPL briguait et qu’il n’a pas obtenu est celui des Travaux publics, qui est resté entre les mains des Marada et du précédent ministre Youssef Fenianos. Pour Gebran Bassil réclamer ce portefeuille n’était pas dicté par la volonté d’empiéter sur les Marada, mais parce qu’il voulait tenter de régler le problème des embouteillages et de la circulation en général.
Ce dossier mis à part, le chef du CPL a donc pratiquement obtenu tout ce qu’il réclamait. Mais en disant cela, dans la conférence de presse tenue samedi, il s’est aussi mis en première ligne, faisant ainsi face au défi de la productivité et des résultats. Si au terme de la mission de ce gouvernement, les promesses formulées par Gebran Bassil n’auront pas été tenues, c’est à lui qu’on demandera des comptes et, plutôt que de se cacher derrière le travail d’équipe, il a choisi de relever le défi. C’est toutefois un pari risqué, car les facteurs de blocage, internes et externes, restent nombreux...
C’est un projet ambitieux qu’a annoncé le ministre Gebran Bassil lors de sa conférence de presse de samedi. Entouré des ministres qui vont désormais se joindre aux réunions hebdomadaires du Bloc du Liban fort (notamment le ministre druze pour les Affaires des réfugiés Saleh Gharib et le ministre sunnite chargé du Commerce extérieur Hassan Mrad), le ministre des AE a donné les...
commentaires (19)
Pour une fois qu'il y a un ministre qui bouge et qu'on voit partout et qu'on écoute, c'est un bon signe, et un exemple à donner à cette ancienne classe politique qui gère les affaires du pays et qu' il faudrait envoyer à la retraite...Il n'est jamais trop tard
Makdessi Maurice
13 h 16, le 06 février 2019