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Moyen Orient et Monde - Syrie

Civils et jihadistes de l’EI fuient (ensemble), par milliers, le dernier réduit de Daech

L’État islamique perd jour après jour le contrôle de son dernier retranchement dans la région de Deir ez-Zor en Syrie, proche de la frontière irakienne. La chute du califat est attendue d’un moment à l’autre.


Des milliers de personnes fuyant, le 26 janvier, les combats dans la région de Deir ez-Zor (Est), en Syrie. Delil Souleiman/AFP

Tandis que les combats continuaient de faire rage dans la localité d’al-Chaafa, dans la région de Deir ez-Zor (Est) en Syrie, les membres des Forces démocratiques syriennes (FDS, à majorité kurde) ont intercepté au cours du week-end près de la ligne de front un convoi de quelque trente véhicules, camions et tracteurs, qui avaient transporté toute la nuit plus de deux cent cinquante civils épuisés, affamés et pour certains blessés, venant s’ajouter aux milliers d’autres qui avaient déjà fui durant les semaines précédentes la crise humanitaire en train de se nouer dans les territoires soumis à l’État islamique.

Composés de civils locaux et étrangers, mais aussi de combattants tentant de passer au travers des mailles du filet, la majorité des passagers du convoi déclarent avoir fui la ville à cause de la pénurie alimentaire, du manque de soins médicaux et des frappes aériennes de la coalition internationale contre les jihadistes de l’EI poussés dans leurs derniers retranchements dans l’est de la Syrie, non loin de la frontière irakienne.

Plusieurs civils parmi ceux du convoi souffrent de blessures parfois directement liées aux conditions de leur fuite, et la grande majorité d’entre eux indique avoir manqué sous l’EI d’accès à des soins médicaux. « Regardez ce qu’ils lui ont fait ! Appelez une ambulance ! Un médecin, un médecin ! » hurle Ahmad, debout devant la portière de son pick-up, essayant d’attirer l’attention sur les passagers de son véhicule. Sur le siège avant, son fils Amar supplie qu’on l’aide, le visage tordu par la douleur. « J’ai perdu mes deux jambes en marchant sur une mine posée par Daech, quand j’essayais de m’échapper d’al-Chaafa il y a dix jours », dit Amar tandis que son père retire la couverture qui couvrait ses jambes, toutes les deux arrachées sous le genou, en expliquant : « Nous n’avons pas pu accéder à l’hôpital, j’ai dû préparer ses bandages à la maison, avec de l’eau et du sel ! » et en montrant les pansements souillés qui entourent les moignons d’Amar.


(Lire aussi : Les principales dates du "califat" de l'EI en Syrie et en Irak)


« Les combattants étrangers gardaient tout pour eux »
Après cette longue traversée du désert, les civils en tête du convoi se ruent sur les canettes de soda et les biscuits qu’une poignée de soldats des FDS ont tirés de leurs véhicules, tandis que d’autres allument fièrement leur première cigarette depuis la prohibition imposée par l’EI. « Il n’y plus ni eau ni nourriture dans les territoires de Daech, plus rien », dit Fatma. Ahmad confirme que la pénurie remonte à cinq mois : « Même quand il restait de la nourriture, les prix avaient explosé : comment payer 5 000 livres syriennes (10 dollars) pour un kilo de farine ? Les combattants étrangers gardaient tout pour eux. » Pour Abdallah, 56 ans, ces combattants étrangers sont les véritables irréductibles de l’organisation jihadiste : « Les gens d’ici veulent partir. Les seuls à vouloir encore rester sont les étrangers. »

Dans sa campagne pour reprendre la zone de Deir ez-Zor des mains de l’EI, la coalition s’est largement appuyée sur les frappes aériennes, avec des résultats visibles : il ne reste aujourd’hui quasiment aucune maison debout à Hajin, le dernier centre urbain important contrôlé par l’organisation jihadiste, repris le mois dernier par la coalition. Indispensable aux FDS combattant sur les lignes de front contre l’EI, l’usage systématique des bombardements fait cependant porter le risque des combats aux civils, poussant nombre d’entre eux à s’enfuir avec ce convoi.

Certains membres de ce convoi n’en sont pas à leur première tentative d’échapper au califat autoproclamé. « J’ai déjà essayé de m’enfuir il y a quatre mois, mais Daech m’a arrêté et m’a jeté en prison pour trois mois », confie Ahmad, soulignant le fait que les services des passeurs sont très recherchés. Quelques voitures plus loin, Khaled Jamal Mjayet, arborant un keffieh à carreaux rouges et blancs et une forte barbe grise bouclée, confirme : « Ce n’est que grâce aux passeurs que j’ai pu m’en tirer. Toute la zone est truffée de mines, et beaucoup sont morts en tentant de s’échapper. Mais notre liberté valait la prise de risque ! »

Alors que certains, comme le fils d’Ahmad, ont payé le prix fort pour pouvoir s’enfuir et s’aventurent maintenant à critiquer l’EI, d’autres restent les partisans inconsidérés de l’organisation jihadiste tout autant que ses victimes. « Bien sûr que nous vivions bien sous Daech, ils nous traitaient correctement. Nous ne sommes partis qu’à cause des bombardements et de la famine, autrement nous serions restés », lance Hanine, une jeune fille de dix-huit ans drapée dans un ample niqab noir.

Pour Aram, un des officiers des FDS présents, la situation est plus manichéenne : « Tous les civils que vous voyez aujourd’hui, y compris les vieux, les femmes et les enfants, ce sont des partisans de Daech et leurs familles. »


(Lire aussi : Le soi disant "califat" de l'EI en Syrie sera défait d'ici un mois, selon les FDS)


Des combattants de l’EI cachés dans le convoi
Les soldats des FDS aussi bien que les membres du convoi eux-mêmes signalent que des combattants de l’EI s’immiscent régulièrement parmi eux. Khaled Jamal Mjayet, après un coup d’œil méfiant par-dessus son épaule, se penche pour souffler : « Prenez garde à votre vie ici, il y a des combattants de Daech cachés dans ce convoi. »

« Parfois les civils coopèrent avec nous pour les arrêter, ils pensent que cela leur vaudra un traitement préférentiel, explique Aram. Mais leurs informations sont profitables, et nous avons déjà arrêté ces dernières semaines plusieurs hauts commandants de l’EI qui essayaient de passer à travers les mailles du filet, habillés en civils. »

Cette pratique des jihadistes met toutefois en danger les soldats des FDS autant que les civils faisant partie du convoi. « C’est une mission dangereuse pour nous », confirme Brivan, femme-soldat de vingt-trois ans au sein des Unités de protection de la femme kurdes (YPJ). « Lorsque nous interceptons ces convois, il est impossible sur le moment de distinguer parmi eux les civils des combattants. Ce qui est sûr, c’est que Daech cherche à disséminer ses cellules dormantes dans d’autres parties de la région. On peut être certain qu’il y a aujourd’hui dans ce convoi des combattants déguisés en civils. » Comme pour confirmer ce pressentiment, le lendemain au même endroit un membre de l’EI, déguisé en civil, blessait d’un coup de feu un soldat des FDS.

Un sort incertain
Remis aux services de renseignements des FDS peu de temps après leur arrivée, les membres du convoi seront transférés dans des camps fermés, où ils attendront que les autorités statuent sur leur sort : la prison pour les combattants, ou des camps pour les civils, en attendant qu’une solution pérenne se fasse jour.

Les femmes et les enfants étrangers de combattants de l’EI – Russes, Ouzbeks et Kazakhs ce jour-là – sont séparés des autres pour recevoir un traitement particulier. « Ils représentaient un fardeau pour les combattants, qui les ont poussés à s’enfuir pour pouvoir continuer le combat sans avoir à se préoccuper d’eux », explique Aram. Leur sort reste pour le moment incertain, dans la mesure où les FDS ne peuvent pas, disent-ils, les garder indéfiniment. Quoi qu’il arrive, c’est l’avenir des plus jeunes qui est le plus problématique : « Les enfants qui ont grandi sous l’EI ont acquis une certaine mentalité. Ils ont vu tous les jours des décapitations et des bains de sang, c’est le seul comportement qu’ils connaissent. Il leur faudra du temps pour se libérer de cette prison intérieure », conclut Aram.


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Tandis que les combats continuaient de faire rage dans la localité d’al-Chaafa, dans la région de Deir ez-Zor (Est) en Syrie, les membres des Forces démocratiques syriennes (FDS, à majorité kurde) ont intercepté au cours du week-end près de la ligne de front un convoi de quelque trente véhicules, camions et tracteurs, qui avaient transporté toute la nuit plus de deux cent cinquante...

commentaires (3)

Voilà comment se retrouvent les crédules qui croient aveuglément aux solutions de l occident pour régler nos problèmes au M.O Ils font pitié.

FRIK-A-FRAK

10 h 43, le 30 janvier 2019

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Commentaires (3)

  • Voilà comment se retrouvent les crédules qui croient aveuglément aux solutions de l occident pour régler nos problèmes au M.O Ils font pitié.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 43, le 30 janvier 2019

  • Encore le dernier réduit de Daech!!!!?????? Combien de "derniers "?? M.R

    Kulluna Irada

    05 h 04, le 30 janvier 2019

  • Bcp de ces étrangers jihadistes sont français. Dîtes le à hollandouille.

    FRIK-A-FRAK

    02 h 22, le 30 janvier 2019

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