20 juin 2011. Dans un discours à l’Université de Damas, alors que les villes et villages de Syrie manifestent pacifiquement contre son régime, Bachar el-Assad annonce des réformes purement cosmétiques, mais dénonce surtout le « complot » fomenté contre son pays, et « les extrémistes islamistes » qui œuvrent à « semer le chaos au nom de la liberté ». Ce complot des « extrémistes takfiris » deviendra son leitmotiv au fur et à mesure que les jihadistes gagneront en puissance, faisant dévier la trajectoire de la guerre civile dans laquelle la Syrie se retrouve plongée. Simple prophétie ? Pas tout à fait, car selon beaucoup de témoignages, le régime a bel et bien contribué à imprimer ce tournant au soulèvement, pour finalement arriver à l’équation : les jihadistes ou moi.
Cette révolution avait commencé, comme dans les autres pays du printemps arabe, par des manifestations pacifiques d’hommes et de femmes réclamant des réformes et plus de liberté. Mais « nous avions pour instructions de dire : il n’y a pas de soulèvement pacifique, ce qui se passe est l’œuvre de terroristes islamistes », raconte à L’Orient-Le Jour Bassam Barabandi, un ancien diplomate syrien à Washington, qui a discrètement fait défection en 2013. Ce n’est qu’avec la répression de plus en plus féroce par le régime que le soulèvement va commencer à se militariser quelques mois plus tard, des militaires faisant notamment défection et créant l’Armée syrienne libre dans le but déclaré de défendre les civils. Dans le même temps, le régime libère « les chefs des factions islamistes radicales » détenus dans la tristement célèbre prison de Seydnaya, « mais garde les opposants pacifiques en prison », ajoute le diplomate.
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« Académie islamiste »
Diab Serriya était l’un d’eux. Militant des droits de l’homme, il était détenu depuis 2006 lorsque le soulèvement a commencé. « La plupart des dirigeants d’el-Qaëda et de ce qui est devenu Daech étaient en même temps que moi en prison », raconte-t-il, joint par L’OLJ à Istanbul au téléphone. « Un grand nombre d’organisations jihadistes sont nées dans cette prison », ajoute-t-il, citant parmi les chefs jihadistes emprisonnés Abou Loqman, devenu plus tard le wali de l’État islamique à Raqqa, mais aussi Abou Malek al-Tallé qu’on a retrouvé plus tard à Ersal au Liban… « C’était une véritable académie islamiste. Le régime savait que les islamistes donnaient des cours de Coran et propageaient la pensée jihadiste en prison, et beaucoup de détenus non islamistes se radicalisaient en détention », ajoute-t-il.
Beaucoup avaient été arrêtés à leur retour d’Irak, quand le régime avait décidé, sous la pression des États-Unis, de sévir contre les réseaux jihadistes qu’il avait lui-même encouragés et dont il avait envoyé les membres « par bus entiers » en Irak pour combattre les forces américaines en 2003-2004, selon M. Serriya dont le témoignage est corroboré par plusieurs analystes, dont Charles Lister, auteur du livre The Syrian Jihad.
« La plupart des 1 400 détenus ont été libérés dans la première année de la révolution car le régime voulait prouver sa théorie selon laquelle le soulèvement était l’œuvre des jihadistes et voulait entraîner le mouvement de protestation vers des affrontements confessionnels », ajoute l’ancien prisonnier. Petit à petit, en effet, se multiplient les différents groupes islamistes. Mais il faudra attendre janvier 2012 pour voir la naissance du Front al-Nosra, branche syrienne d’el-Qaëda, qui combattra côte à côte avec les rebelles, contrairement à l’État islamique qui verra le jour en 2014 et tournera son fusil contre les opposants au régime de Bachar el-Assad.
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« Alliance objective »
Jusqu’au printemps 2013, les rebelles ont le vent en poupe et remportent plusieurs victoires stratégiques contre le régime dans le nord du pays au cours de l’hiver. Mais le vent commence à tourner avec l’implication de plus en plus manifeste de l’Iran et ses alliés – le Hezbollah remporte notamment la victoire à Qousseir en juin 2013, alors que les alliés occidentaux des rebelles hésitent à leur apporter une aide militaire décisive, notamment en raison de l’islamisation du soulèvement. C’est alors qu’apparaît en avril 2013 l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL, ex-nom de l’EI), anciennement el-Qaëda en Irak, composé de milliers de jihadistes aguerris, dont un grand nombre d’étrangers.
Le régime est le principal bénéficiaire de l’apparition de ce nouvel acteur, puisque les autres factions rebelles doivent à présent combattre sur deux fronts, contre ce groupe et contre le pouvoir et ses alliés. Un détail troublant : « En juillet 2013, la plupart des chefs jihadistes qui étaient détenus en Irak se sont évadés de la prison d’Abou Ghraïb », près de Bagdad, selon Hisham Hashimi, un analyste irakien expert en mouvements jihadistes interrogé par L’OLJ. Des centaines de prisonniers ont pu s’évader à la faveur d’une attaque menée par des jihadistes contre la prison, et beaucoup se sont rendus en Syrie, alimentant les rangs des extrémistes. « Jusqu’à présent, personne n’a pu savoir s’il y a eu des complicités politiques » qui ont permis cette évasion de masse, ajoute l’expert.
En janvier 2014, l’État islamique en Irak et au Levant (qui deviendra plus tard l’État islamique) s’empare de vastes régions dans le Nord, auparavant tenues par la rébellion. Il existe « une alliance objective entre Bachar el-Assad et les terroristes, dira à ce moment le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius. C’est le revers et l’avers d’une même médaille ». « Le régime et Daech avaient des objectifs communs », souligne Bassam Barabandi. D’ailleurs, les troupes de Bachar el-Assad « ne bombardaient pas les zones tenues » par l’EI et souvent, « elles se retiraient d’une région et Daech venait s’y déployer », dit-il.
D’autres témoins ayant requis l’anonymat multiplient les exemples de zones où le régime et l’EI ont coexisté, qu’il s’agisse de Deir ez-Zor, où ils contrôlaient chacun une partie de la ville, ou des régions des provinces d’Alep ou de Homs. Ils soulignent également que le régime a abandonné des armes dans certaines régions en se retirant au profit de Daech, et qu’il se fournissait en gaz et en pétrole auprès du groupe jihadiste qui contrôlait notamment le gisement d’al-Omar auparavant exploité par Shell, dans la province de Deir ez-Zor, une information confirmée par le Wall Street Journal en janvier 2017.
Et le 29 juin, l’EIIL proclame son califat à cheval entre l’Irak et la Syrie sous le nom raccourci d’État islamique. La communauté internationale décide alors d’intervenir militairement. Mais uniquement contre l’organisation jihadiste et en épargnant Bachar el-Assad. Qui d’ailleurs n’a jamais combattu l’EI lorsqu’il a fait de Raqqa sa « capitale » : ce sont les Forces démocratiques syriennes, soutenues par les États-Unis et dont les combattants kurdes sont le fer de lance, qui libéreront la ville en octobre 2017.
Pour mémoire
L’armée américaine va rester en Syrie contre l’EI, l’Iran et Assad
ceux qui connaissent bien la guerre du liban et comment assad est rentrer au liban et surtout a son discours en 76-78 .. sauront de quoi se regime et capable !! treve de palabrage .. ce regime a ete construit sur les corps des syrien et des libanais .. car on sait tous que sans son hegemonie au liban la syrie comme tel n'existerai plus .. la preuve 6 ans apres leur retrait du liban la syrie en a payer le prix !!!
20 h 36, le 15 mars 2018