Loin de vouloir doucher l’optimisme distillé en début de semaine quant à une proche genèse du futur gouvernement, le Premier ministre désigné Saad Hariri a déclaré qu’il tranchera la question la semaine prochaine.
Des propos qui interviennent quelques heures après d’importantes déclarations du président de la Chambre Nabih Berry, qui a même fixé au 31 janvier un « dernier délai » pour la naissance de la nouvelle équipe ministérielle.
S’exprimant lors de ses audiences du mercredi, le chef du législatif s’est félicité de « l’enthousiasme » accompagnant la nouvelle phase de tractations gouvernementales lancée en début de semaine. Tentant de maintenir l’optimisme affiché aussi bien par le Premier ministre que par le leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil, M. Berry a estimé que le nouveau round de négociations pourrait bien déboucher sur la formation de l’équipe Hariri « d’ici à une semaine, voire moins ».
M. Berry n’a toutefois pas manqué de mettre en garde contre un éventuel nouveau retard à former le cabinet. « Cela constituerait un crime à l’encontre du pays », a-t-il averti. Et d’ajouter : « Le rapport publié par (l’agence américaine de notation) Moody’s (dégradant la note souveraine du Liban de B3 à Caa1, tout en révisant la perspective du pays de “négative” à “stable”) devrait pousser tout le monde à sortir des tractations et divisions internes afin de faire face à tous les défis. » « Avec un gouvernement, nous pourrons prendre les mesures adéquates », a rappelé le chef du législatif.
(Lire aussi : Gouvernement : des contacts, mais pas encore de solution claire)
Poursuivant son forcing dans le sens de la mise sur pied du cabinet, M. Berry a clairement indiqué que si le gouvernement n’est pas formé (d’ici au 31 janvier), il plaidera pour la tenue d’une séance du Conseil des ministres afin d’approuver le budget 2019 et de l’envoyer au Parlement pour qu’il soit voté. Le président de la Chambre a également fait savoir qu’en cas de (nouveau) retard gouvernemental, il convoquera le Parlement à des séances parlementaires successives.
Il va sans dire que les propos de Nabih Berry (qui a reçu le ministre sortant de l’Information Melhem Riachi), notamment ceux articulés autour du délai du 31 janvier, revêtent de l’importance. D’autant qu’ils interviennent au lendemain du tout dernier entretien entre MM. Berry et Hariri, lundi à Aïn el-Tiné. Certains pourraient donc les interpréter comme une tentative du tandem chiite de mettre le chef du gouvernement au pied du mur en empiétant sur ses prérogatives par la fixation d’un délai pour la formation de son équipe.
Sauf qu’aussi bien les milieux de Aïn el-Tiné que ceux de la Maison du Centre cernent les propos du président du Parlement à leur stricte dimension légale. « Et pour cause : les textes de lois en vigueur stipulent qu’en l’absence d’un budget, le gouvernement peut financer ses dépenses conformément à la règle du douzième provisoire jusqu’au 31 janvier inclus. D’où la nécessité de former un gouvernement dans les plus brefs délais », explique à L’Orient-Le Jour un proche du chef du législatif.
Même son de cloche à la Maison du Centre où l’on estime que Nabih Berry ne fait que tirer la sonnette d’alarme sur la gravité de la situation économique et financière, et l’importance de former un cabinet.
(Lire aussi : Gouvernement : une nouvelle équipe d’ici à une semaine, « voire moins », claironne Berry...)
Révision du partage des portefeuilles
Quoi qu’il en soit, et en dépit du déplacement du chef du CPL Gebran Bassil à Davos, les contacts pour la formation du cabinet se sont poursuivis hier. À en croire certains médias locaux, les tractations sont désormais principalement articulées autour de la représentation des six députés sunnites gravitant dans l’orbite du 8 Mars. Il serait également question de réviser le partage des portefeuilles entre les protagonistes. Une source politique bien informée indique à L’Orient-Le Jour qu’il s’agirait de la Culture, de l’Environnement, de l’Industrie et du Développement administratif.
Cette éventualité d’un possible échange de ministères, un proche de Saad Hariri contacté par L’OLJ ne l’exclut pas. « D’autant que le décret de formation du gouvernement n’a pas encore été publié », nuance-t-il. Il n’en reste pas moins que pour les haririens, une chose est sûre : le prochain gouvernement sera formé conformément à la formule des trois dix. Une façon pour la Maison du Centre de confirmer que le tandem Baabda-CPL ne parviendra pas à détenir le tiers de blocage au sein de la future équipe.
Pour en revenir à l’éventuelle révision du partage des portefeuilles, elle viserait, à en croire certains milieux politiques, à permettre au parti de Gebran Bassil de garder le portefeuille de l’Environnement, dirigé actuellement par le ministre Tarek el-Khatib.
Sauf que le Parti socialiste progressiste (PSP) – dont le chef, Walid Joumblatt, a reçu hier à Clemenceau Saad Hariri – n’a pas tardé à exprimer son opposition à toute modification du partage des postes ministériels. Citées par l’agence locale al-Markaziya, des sources au sein de ce parti assurent que celui-ci n’entend aucunement se désister des portefeuilles de l’Industrie et de l’Éducation, qui lui ont été accordés dans le cadre de la formule établie par le Premier ministre depuis plus d’un mois et à laquelle seuls les noms des ministrables du Hezbollah manquaient avant l’échec de l’initiative du directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, peu avant Noël.
Mais c’est Saad Hariri lui-même qui a mis les points sur les « i » à ce sujet depuis Clemenceau. « Le portefeuille de l’Industrie n’est pas remis en question seul », a-t-il affirmé, déclarant qu’il tranchera la question du gouvernement la semaine prochaine. Faisant état de « certains points positifs », M. Hariri a indiqué que son entretien avec M. Joumblatt s’inscrit dans le cadre des contacts qu’il avait entamés lundi. Il devra donc rencontrer plusieurs personnalités prochainement. « Nous voulons former un cabinet d’entente nationale qui retrouverait la confiance des citoyens et œuvrerait pour assurer leurs intérêts », a encore dit le Premier ministre.
Walid Joumblatt, quant à lui, a exprimé l’espoir d’une proche formation du gouvernement. Il a également stigmatisé le fait que « certaines forces qui se sont renflouées se soucient peu de la situation socio-économique et visent à détruire la structure sociale et économique du pays ». « Mais nous ne leur permettrons pas d’atteindre ce but », a-t-il ajouté.
(Lire aussi : Pressions intérieures et extérieures autour du cabinet : qui l’emportera ?)
L’obstacle sunnite
Pour ce qui est du fameux obstacle sunnite, Abdel-Rahim Mrad (Békaa-Ouest) et Kassem Hachem (Marjeyoun) ont semé la confusion dans les milieux politiques hier. Dans un entretien accordé à Radio Liban libre, M. Mrad a réitéré la position traditionnelle du groupe auquel il appartient : « La Rencontre consultative insiste pour être représentée par l’un de ses membres, ou des l’une des personnalités qu’elle a nommées (Taha Nagi, Osman Majzoub et Hassan Mrad). Le ministrable devra représenter la Rencontre exclusivement. »
En face, M. Hachem a souligné dans une déclaration à l’agence al-Markaziya que le ministrable de la Rencontre devrait converger avec elle sur les grands principes. « Quant à l’orientation de son vote en Conseil des ministres, elle pourrait faire l’objet de discussions selon le sujet débattu et conformément à l’entente conclue avec le président de la République, avec qui nous convergeons sur plusieurs questions », a-t-il lancé. Une position affichée à l’heure où une solution circulerait dans les milieux politiques et selon laquelle le ministrable des sunnites du 8 Mars relèverait du lot du président Michel Aoun, mais sans prendre part aux réunions du bloc dit Le Liban fort, encore moins à celles de la Rencontre consultative… Affaire à suivre.
Lire aussi
Le Conseil de sécurité presse le Liban de former un gouvernement
Gouvernement : Le spectre de la conférence de Varsovie plane sur la nouvelle phase de tractations
« L’attribution de la Santé au Hezbollah aurait des conséquences fâcheuses » sur le Liban
commentaires (10)
personne n'a eu le courage pour lui dire : et pourquoi pas cette semaine? quel est l'argument qui fait que la semaine prochaine est meilleure que cette semaine? et pourquoi pas l'année prochaine? quelle tristesse.
HIJAZI ABDULRAHIM
19 h 41, le 24 janvier 2019