C’est sans grande conviction que les médias évoquent depuis mardi un certain optimisme au sujet de la formation du gouvernement. Pourtant ce dossier revient en tête des préoccupations des responsables après la fin de l’épisode de la tenue du sommet arabe et il est clair qu’il a occupé une grande partie des discussions lors de la rencontre entre le Premier ministre désigné Saad Hariri et le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil. De même, dans le cadre de la rencontre du mercredi à Aïn el-Tiné avec les députés, le président de la Chambre Nabih Berry a aussi abordé le sujet en déclarant notamment que le processus pourrait s’accélérer. Certains vont même jusqu’à dire que la conférence de presse mardi du député Jamil Sayyed a eu l’effet d’un déclic auprès de différents responsables pour les pousser à agir et à ne pas laisser le dossier de la formation du gouvernement dans le tiroir. Pour ceux-là, le député Jamil Sayyed – qui se veut un électron libre au Parlement – aurait quand même sondé le Hezbollah, avant de lancer son ultimatum de pousser les Libanais à descendre dans la rue si un gouvernement n’est pas formé avant la fin du mois.
Selon des sources proches du Hezbollah, ce parti souhaiterait en effet accélérer la formation du gouvernement après avoir montré une certaine nonchalance au cours de la dernière période, suite notamment à l’émergence du nœud dit des députés sunnites. Les proches du Hezbollah ne cessaient de dire, au cours de la période précédente, que les obstacles chrétiens et druze ont retardé la formation du gouvernement pendant près de six mois, cela ne fait donc rien si celui des députés sunnites prend lui aussi un peu de temps avant d’être surmonté.
Les sources proches du parti chiite rappellent toutefois que ce parti avait quand même fait de son mieux pour pousser vers la solution, juste avant la fête de Noël, lorsque le nom de Jawad Adra avait été lancé pour être le ministre représentant la Rencontre consultative (les six députés sunnites proches du 8 Mars), tout en étant placé dans la quote-part présidentielle au gouvernement. À ce moment-là, les six députés avaient été pris de court par le choix de M. Adra et le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah Hussein Khalil s’était réuni d’urgence avec eux pour les convaincre d’accepter le nom. Ces derniers avaient finalement donné leur accord, tout en posant une seule condition qui consistait à demander à Jawad Adra de les rencontrer et de se faire photographier avec eux. Mais ce dernier avait refusé et l’affaire en était restée là. Toujours selon les mêmes sources, le Hezbollah considère donc avoir fait ce qui lui était demandé et il estime ainsi qu’il n’est par conséquent pas responsable du retard dans la formation du gouvernement.
(Lire aussi : Gouvernement : optimiste, Hariri promet de « trancher la semaine prochaine »)
Mais toujours selon les mêmes sources, le Hezbollah serait passé désormais de l’attitude de celui qui se contente de faire son devoir à celle de celui qui pousse vers la formation du gouvernement. Qu’est-ce qui aurait changé entre la fin de décembre et la fin de janvier ? Les sources précitées considèrent que la visite du secrétaire d’État adjoint américain David Hale aurait été un facteur déterminant dans le changement d’attitude du parti chiite. Ce dernier aurait clairement exprimé la désapprobation de son pays au sujet de l’octroi du portefeuille de la Santé au Hezbollah. Dans un communiqué préparé à l’avance, qu’il a lu à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre désigné, il a affirmé que la nature du gouvernement (comprendre la distribution des portefeuilles) concerne les pays qui vont traiter avec lui. Selon les sources proches du Hezbollah, David Hale aurait clairement cité dans son entretien avec les responsables libanais, le portefeuille de la Santé et il aurait précisé que les États-Unis pourraient suspendre des programmes d’échanges avec le ministère libanais de la Santé si un membre du Hezbollah en avait la charge. La réponse des Libanais aurait été négative, rappelant que cette distribution fait partie des questions de base et que si elle devait changer cela signifierait un retour au point de départ dans la formation du gouvernement. Mais face à la demande à peine cachée du responsable américain, le Hezbollah aurait décidé désormais de pousser vers la formation du cabinet, d’abord pour renforcer le pouvoir libanais dans une période aux contours assez flous dans la région et dans le monde – notamment au sujet des projets des États-Unis et de leurs alliés de contrer l’influence iranienne dans la région – et ensuite pour préserver l’acquis que constitue l’obtention d’un portefeuille important pour la première fois dans l’histoire des gouvernements libanais.
(Lire aussi : Gouvernement : une nouvelle équipe d’ici à une semaine, « voire moins », claironne Berry...)
De même, les sources précitées estiment que la question du tiers plus un des ministres réclamée par le chef du CPL pour son parti et pour le chef de l’État pourrait faire l’objet d’un accord, à la manière du règlement du nœud dit druze, à travers le choix d’une personnalité sunnite parmi les noms actuellement proposés, qui serait à la fois proche des six députés de la Rencontre consultative et du chef de l’État. Mais dans ce dossier, la prudence reste de mise car, à plusieurs reprises, la naissance du gouvernement avait été considérée comme imminente, avant que l’espoir ne s’envole sans explication convaincante. D’autant que les derniers mois ont montré que lorsqu’un obstacle était surmonté, un autre surgissait et que la série pourrait se poursuivre...
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commentaires (5)
Soyez un peu plus critique envers ces « politiques « Madame Haddad! Comment peut on accepter un tel délai pour former un gouvernement ? Comment le Liban peut il être aujourd’hui crédible au regard du monde ? Votre rôle est de pointer du doigt les anomalies essentielles ...pas de carresser dans le sens du poil.
L’azuréen
19 h 06, le 24 janvier 2019