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Liban - Diplomatie

« L’attribution de la Santé au Hezbollah aurait des conséquences fâcheuses » sur le Liban

L’Iran accuse les États-Unis de « vouloir modifier les politiques des pays de la région en fonction de leurs propres intérêts ».

Des personnalités politiques de tous bords étaient présentes au dîner de Michel Moawad, lundi soir, en l’honneur de David Hale. Photo Chadi Souaid

C’est une importante visite qu’a effectuée à Beyrouth le sous-secrétaire d’État américain pour les Affaires politiques, David Hale. L’occasion pour le diplomate américain d’affirmer la détermination de Washington à affronter l’Iran et ses alliés régionaux, notamment le Hezbollah, en dépit de la décision du président américain Donald Trump de retirer ses forces armées du territoire syrien. Il a tenu ce discours devant les personnalités libanaises avec qui il s’est entretenu lors de sa visite de trois jours à Beyrouth, qu’il avait entamée par un entretien avec le chef druze Walid Joumblatt à Clémenceau, et qui s’est clôturée par un dîner politique en la résidence du député Michel Moawad, en présence d’un large parterre de personnalités de tous bords, dont les députés du mouvement Amal. Sa visite et les propos qu’il a tenus ont dérangé l’Iran au point de le pousser à contre-attaquer hier en soulignant que le Liban « ne se laissera pas dicter des décisions erronées ».

Interrogées par L’Orient-Le Jour, des sources proches de Walid Joumblatt, grand ami de David Hale, on rapporté que la nouvelle vague de sanctions internationales infligées récemment au parti de Hassan Nasrallah, et dont l’ampleur devrait s’accentuer prochainement selon certains observateurs, pourrait même toucher des individus.

De mêmes sources, on va beaucoup plus loin, en affirmant qu’aux yeux des Américains, l’attribution du ministère de la Santé à une personnalité gravitant dans l’orbite du parti chiite pourrait bien avoir des conséquences néfastes sur le Liban. Les mêmes milieux confient toutefois que M. Hale a surtout insisté sur l’importance de former une nouvelle équipe ministérielle dans les plus brefs délais.


(Lire aussi : Cas de confiance, l'éditorial d'Issa GORAIEB)


Le processus ministériel qui n’en finit pas de buter sur le fameux obstacle sunnite semble de plus en plus lié à la nouvelle politique US au Moyen-Orient. Ainsi, le veto américain contre l’octroi du portefeuille de la Santé à un ministre du Hezbollah concrétise parfaitement les propos tenus par David Hale, lundi dernier, à la Maison du Centre, à l’issue d’un entretien avec le Premier ministre désigné, Saad Hariri. « Le choix du gouvernement est un choix appartenant exclusivement aux Libanais. Mais le type du cabinet choisi nous concerne tous. D’autant que ce qui nous intéresse est un Liban stable et prospère », avait-il déclaré sans détour. Une façon pour M. Hale d’exprimer l’opposition américaine à un cabinet taillé à la mesure du Hezbollah, à l’heure où celui-ci continue de bloquer les tractations en arguant de la nécessité de représenter les députés sunnites du 8 Mars.

En attendant le déblocage du processus gouvernemental, les proches de Moukhtara ne cachent pas leur « mécontentement » à l’égard de la décision de Washington de retirer ses troupes de Syrie, partant du principe que cette mesure est de nature à affaiblir le Liban, surtout que le président syrien Bachar el-Assad a repris du poil de la bête. On estime également que cette décision n’a fait que bloquer la venue des Saoudiens et des Koweïtiens en Syrie. « Cependant d’autres pays retardent leur retour en Syrie », nuance-t-on de mêmes sources.

Sans vouloir adhérer à la théorie selon laquelle les rapports entre Washington et ses alliés arabes ne seront pas affectés par le retrait américain de Syrie, les sources précitées qualifient d’ « illusoires » les paris sur la capacité des pays arabes à sortir l’Iran de la Syrie et excluent dans le même temps un éventuel conflit militaire entre Israël et le Hezbollah, qui s’inscrirait dans le cadre de la nouvelle stratégie américaine. Dans ces milieux, on estime que « Hassan Nasrallah est plus sage que cela ».


(Lire aussi : David Hale à Beyrouth pour affirmer le maintien de la présence US au Liban, le décryptage de Scarlett HADDAD)


La vraie bataille est celle de la stabilité interne
Il reste que le sous-secrétaire d’État américain a pu exposer la politique de son pays par rapport au Liban et à la Syrie devant les personnalités politiques conviées au dîner donné en son honneur par le député Michel Moawad, lundi soir. Quasiment tout l’éventail politique était représenté, le mouvement Amal inclus, hormis le Hezbollah, qui était au centre de la déclaration du responsable américain à la Maison du Centre.

La diversité des représentants de partis politiques présents à ce dîner, malgré les fermes propos du responsable américain, était intéressante. De sources bien informées, on souligne l’intention de l’hôte de présenter une image rassembleuse, et non celle d’un pays scindé en deux autour des armes du Hezbollah.

Toujours selon ces sources, aucune des parties en présence ne fait mystère de son opinion concernant l’arsenal de ce parti et le rôle qu’il joue dans le pays et la région, et le consensus est loin d’être acquis sur ce point. Ce qu’un tel regroupement pouvait accentuer, c’est l’idée qu’il est nécessaire en cette période aussi troublée au Moyen-Orient et au Liban en particulier, avec la crise politique, économique et sociale qui se dessine, de promouvoir un agenda libanais aussi consensuel que possible, via un « ami du Liban », un homme qui a passé dix ans dans ce pays et le reste au Moyen-Orient, et qui peut, de par son nouveau poste, faire passer le message. C’était le sens des paroles prononcées par M. Moawad en début de dîner sur la nécessité de soutenir l’indépendance et la souveraineté du Liban, ainsi que le renforcement des institutions. Sans oublier le soutien à l’armée libanaise, la question des réfugiés, la délimitation des frontières…

Les déclarations de David Hale ne mettent-elles cependant pas le Liban en porte-à-faux avec l’Iran et le puissant Hezbollah ? Toujours selon les sources précitées, la position américaine est plus nuancée que cela. Malgré l’évident durcissement de l’administration américaine envers l’Iran et le Hezbollah, sa politique reste pragmatique, reconnaissant que le parti chiite n’est pas seulement une force armée régionale liée à l’Iran, mais aussi une composante de la mosaïque confessionnelle libanaise. En d’autres termes, les Américains font la différence entre l’action du Hezbollah et le soutien à l’État libanais.

Le clivage au Liban, poursuit-on de mêmes sources, est passé de deux grands clans qui étaient le 14 et le 8 Mars, à celui du soutien à l’État contre le non-État, sachant que plus le premier se renforce, plus les milices s’affaiblissent. Mais est-ce aussi simple que cela, vu le rapport des forces ? Selon ces sources, l’idée est que la véritable bataille au Liban aujourd’hui consiste à maintenir sa stabilité économique et politique autant que possible, et empêcher l’explosion interne, malgré toutes les contraintes, et que cette bataille ne peut pas être menée par les alliés étrangers sans le concours des Libanais eux-mêmes. En d’autres termes, il s’agit de la principale bataille à mener en interne.

En bref, l’impression générale qui se dégageait de ce dîner est que le durcissement envers l’Iran se poursuit, mais qu’il n’y a pas de véritable changement de cap par rapport au Liban ni dans la région d’ailleurs. Le retrait américain de Syrie a été évoqué, mais placé dans un contexte tactique, et non pas celui d’un changement de politique. De ce fait, les Américains n’ont pas modifié leur vision vis-à-vis de Daech, ni de la fermeté à l’encontre de l’Iran, refusant de laisser ce pays combler un quelconque vide laissé en Syrie.


(Lire aussi : Une étape dangereuse s’annonce pour le Hezbollah)


L’Iran contre-attaque
Quoi qu’il en soit, les messages véhiculés par David Hale durant son séjour à Beyrouth ont été bien captés par l’Iran. Ils ont été jugés sans doute suffisamment graves par Téhéran pour justifier une prompte contre-attaque, via son ambassade à Beyrouth. Son allié local, le Hezbollah, s’est abstenu en revanche de tout commentaire, comme à l’accoutumée.

L’escalade verbale entre l’Iran et les États-Unis sur la terre libanaise fait surtout craindre dans certains milieux politiques des jours sombres pour le Liban, où la possibilité de former un gouvernement paraît de plus en plus incertaine. Elle ne peut pas être dissociée de l’épreuve de force engagée entre les deux pays autour du dossier de la Syrie, où Téhéran risque de voir son influence sensiblement réduite, Washington et Moscou étant tous les deux opposés à une présence militaire de l’Iran et de ses alliés en Syrie dans la perspective d’un règlement dans ce pays. Dans ce contexte, il est intéressant de souligner deux faits diplomatiques intervenus au lendemain de la visite de M. Hale au Liban : l’entretien téléphonique du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avec son homologue libanais Gebran Bassil, et la visite de l’ambassadeur d’Iran Mohammad Jalal Firouznia au Premier ministre désigné Saad Hariri à la Maison du Centre, la première du diplomate iranien à M. Hariri, depuis qu’il est entré en fonctions, en août dernier. À l’instar de M. Hale qui a tenu un discours anti-Hezbollah et anti-Iran de la Maison du Centre, Mohammad Jalal Firouznia a choisi de lancer son attaque contre les États-Unis depuis la résidence du Premier ministre, accusant Washington de déstabiliser la région. Il n’a pas voulu commenter le timing de sa visite, se contentant de dire que « parfois, les circonstances l’imposent ».

Dans son communiqué publié plus tôt dans la journée, l’ambassade d’Iran a d’emblée accusé les États-Unis de s’ingérer dans les affaires du Liban, tout en justifiant sa présence en Syrie et son influence au Liban.

« Les visites provocatrices effectuées dernièrement par plusieurs responsables américains dans certains pays, parallèlement aux récents développements régionaux, montrent que la politique de l’administration américaine a échoué. Dans ce cadre, la visite de David Hale à Beyrouth et les positions qu’il a prises entrent dans le cadre de l’ingérence flagrante des États-Unis dans les affaires des autres afin de leur dicter les décisions qu’ils doivent prendre », selon le texte qui accuse l’administration américaine de « vouloir modifier les politiques des pays de la région en fonction de ses propres intérêts, afin de justifier l’occupation israélienne, aux dépens du peuple palestinien et des musulmans et chrétiens vivant à Jérusalem ». L’ambassade a accusé encore les États-Unis de « soutenir les mouvements extrémistes terroristes et notamment Daech » (acronyme arabe de l’organisation État islamique).

La représentation diplomatique iranienne a justifié la présence d’éléments armés iraniens en Syrie, qui soutiennent, avec la Russie, le régime de Bachar el-Assad. Elle a tenu à préciser qu’il s’agit d’une « présence consultative qui est légitime et qui ne nécessite donc l’autorisation de personne ». L’Iran est présent en Syrie « à la demande officielle du gouvernement syrien et dans le cadre d’une coopération totale entre les deux pays », toujours selon le texte, qui s’est étendu sur le soutien iranien au Liban « pour libérer son territoire, préserver sa souveraineté et son indépendance et consacrer sa stabilité et sa sécurité ». « Le Liban tel que nous le voyons aujourd’hui, a souligné le communiqué, a pu s’imposer au niveau des équations régionales, grâce à son commandement sage, à son gouvernement, à son peuple, son armée et sa résistance, de sorte qu’il est devenu imperméable aux diktats des autres. » « Il ne permettra à aucune partie de lui dicter des décisions erronées », toujours selon le texte.



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commentaires (9)

Le Hezbollah veut le ministère de la santé pour que les Ayattollahs puissent venir se soigner chez nous sans payer un sou

Eleni Caridopoulou

01 h 43, le 17 janvier 2019

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Commentaires (9)

  • Le Hezbollah veut le ministère de la santé pour que les Ayattollahs puissent venir se soigner chez nous sans payer un sou

    Eleni Caridopoulou

    01 h 43, le 17 janvier 2019

  • Au fait pourquoi le Hezbollah ou l’Iran veulent-ils la santé ?

    L’azuréen

    22 h 32, le 16 janvier 2019

  • soyons serieux . qui pourra jamais faire pire pour le Liban que les honorables politiciens libanais eux memes?

    Gaby SIOUFI

    10 h 05, le 16 janvier 2019

  • DES CONSEQUENCES DESASTREUSES PLUTOT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 33, le 16 janvier 2019

  • A chacun sa chanson... Les Iraniens interviennent la ou il leur semble bon de foutre la merde, les Américains idem, les Israéliens pareils, les Arabes dito, etc... Tout a fait compréhensible puisque le Liban est devenu un état faible, détruit et définitivement divisé. Ce qui n'est cependant pas permis c'est de chercher a interdire aux autres ce que nous nous permettons soit même. Sur ce tant que le Hezbollah est suppôt de l'Iran, il faut s'attendre un jour que la goutte fasse déborder le vase et alors BOUM dans le gueule de tous, car aujourd'hui toutes les parties se préparent au pire. Si le pays implose cette fois se sera la catastrophe et rien n’arrêtera les massacres qui s’ensuivront... Prions que la sagesse prenne le dessus.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 17, le 16 janvier 2019

  • "Mais le type du cabinet choisi nous concerne tous". Et puis quoi aussi? ils ne voudraient pas également réclamer la carte santé pour tous qui tarde d'ailleurs à voir le jour? Nooon ce n'est pas de l'ingérance pour certains (es), c'est vrai, c'est carrément de l'intrusion!

    Tina Chamoun

    09 h 15, le 16 janvier 2019

  • "...l'ambassade d'Iran a d'emblée accusé les Etats Unis de s'ingérer dans les affaires du Liban, tout en justifiant sa présence en Syrie et son influence a Liban..." Tout est dit très clairement dans cette affirmation et dans le dernier chapitre de cet article ! Les ardents et inconditionnels défenseurs de la soi-disant "résistance libanaise", vont-ils continuer, après cela, pouvoir prétendre que cette résistance est "libanaise", alors qu'elle est financée, donc influencée à 100% par l'Iran ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 47, le 16 janvier 2019

  • "aux yeux des Américains, l’attribution du ministère de la Santé à une personnalité gravitant dans l’orbite du parti chiite pourrait bien avoir des conséquences néfastes sur le Liban": Quel rapport? En toute neutralité, qu'est-ce qui se cache comme magouilles dans l'attribution d'un ministère de la Santé à un parti ou un autre? Les indutries pharmaceutiques ont-elles, elles-aussi, leur mot à dire dans ce domaine? Ont-elles peur pour les milliards qu'elles encaissent au nom de la "bonne santé" des individus?

    NAUFAL SORAYA

    08 h 03, le 16 janvier 2019

  • On le voit déjà , beaucoup en sont malade avant même la formation du gouvernement , hahahahahah....

    FRIK-A-FRAK

    00 h 50, le 16 janvier 2019

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