Les déchets jetés dans la mer finissent (comme ici, près de la décharge de Bourj Hammoud) dans le ventre des poissons servis à table. Photo archives
La faune sous-marine au large des côtes libanaises a subi ces dernières années des changements drastiques que nombre de chercheurs attribuent à la pêche destructrice, la pollution, l’urbanisation galopante et aux espèces invasives, mais aussi aux déchets plastiques déversés de manière irréfléchie et irresponsable dans la mer, ce qui provoque des conséquences néfastes sur les poissons consommés dans les restaurants ou les foyers.
Milad Fakhri est le directeur du Centre national des sciences marines de Jounieh, une antenne du CNRS libanais. Assis derrière son bureau, il aborde la situation de la faune marine, affirmant travailler avec le ministère de l’Environnement pour aménager des aires marines protégées dans certaines zones du pays. « À Byblos, Batroun, Saïda et dans d’autres endroits, il y a un fort potentiel écologique pour la faune et la flore », constate ce docteur en biologie. Les chercheurs n’ont aucune donnée précise et fiable sur l’état des lieux des stocks de poissons, mais ils communiquent avec les pêcheurs pour obtenir des informations concrètes sur l’évolution de la faune maritime. « Ils nous fournissent des indications sur les améliorations perçues dans ce domaine ou sur les nouvelles espèces apparues, indique M. Fakhri. L’année dernière, ils avaient pêché des rougets qui avaient disparu depuis plusieurs années. »
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Méthodes illégales
Dans quelle mesure cette faune maritime libanaise est-elle polluée, et, le cas échéant, quel en serait l’impact sur les poissons ? Les causes et les sources de pollution sont, à l’évidence, nombreuses, et les chercheurs déplorent d’abord dans ce cadre le recours par les pêcheurs à des méthodes illégales qui aggravent encore plus la pollution due aux déchets, plus particulièrement aux déchets plastiques.
Michel Bariche, du département de biologie de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), relève à ce propos, à titre d’exemple, qu’au nord du pays, plus précisément à la frontière syrienne et au large des camps de réfugiés, « on entend des explosions toutes les 2 minutes ». Il souligne à cet égard que 95 % des méthodes de pêche utilisées au Liban sont illégales ou destructrices, comme la pêche à la dynamite, l’utilisation des poisons dits ichtyotoxiques, la plongée de nuit avec des lumières…
Il reste que, pour le consommateur, c’est la pollution provoquée par les déchets et les plastiques qui paraît plus préoccupante pour la santé que les méthodes illégales de pêche. Là aussi, les données scientifiques crédibles font défaut, comme le relève Milad Fakhri qui souligne toutefois que les déchets solides, et plus particulièrement les plastiques, peuvent détruire irrémédiablement les habitats des poissons et empoisonner la faune. Le problème international des microplastiques se retrouve aussi au Liban. « Les déchets des cosmétiques, l’érosion du caoutchouc des pneus, les fibres de vêtement se retrouvent dans l’estomac des poissons », indique M. Fakhri.
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Absence d’études
Le non-traitement des eaux usées et des produits chimiques qu’elles contiennent constitue également un problème de taille pour la faune marine, même en petite quantité. Mais le vrai problème irréversible réside dans les dépotoirs de déchets solides et dans les plastiques, lesquels, une fois jetés dans l’océan, « vont recouvrir le sol marin et y rester pour de très longues années », affirme M. Fakhri. Au plan des données chiffrées, le chercheur souligne qu’il est quasiment impossible de quantifier avec rigueur le niveau de pollution ayant contaminé les poissons libanais, en raison de l’absence d’études sur le sujet. « Il s’agit là d’un problème très controversé et délicat », précise M. Fakhri. Et d’ajouter : « Si nous nous lançons dans des études scientifiques sérieuses, nous risquerons d’être accusés d’hostilité envers certaines régions si nous aboutissons à la conclusion que le niveau de pollution trouvé dans les poissons est supérieur à la limite acceptable. »
L’arrêt du déversement des plastiques dans la mer, et d’une manière générale la diminution de la pollution chimique et solide, la suspension des techniques de pêche abusive et de l’urbanisation galopante des côtes pourraient permettre aux ressources maritimes de rapidement se régénérer. Pour M. Fakhri, « les pêcheurs professionnels devraient prendre conscience du fait qu’il faut cesser de harceler écologiquement les habitats et la faune ». Et, à son tour, le citoyen lambda doit agir là où il a les moyens de le faire : éviter dorénavant de jeter des plastiques dans la mer pour éviter de retrouver un jour des microplastiques dans son assiette.
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commentaires (3)
Grande tristesse ... D'où l'intérêt des associations et ONG nationales et internationales chargées de la qualité de notre environnement. (Il s'agit de défendre notre santé, la qualité et confort de notre cadre de vie et celui de nos enfants et futures générations). Bien sûr que le gouvernement doit veiller à l'application des lois existantes relatives à l'environnement et à la salubrité de nos côtes. Proposer et légiférer de nouvelles lois si nécessaire... Ohhh combien notre pays a besoin d'être défendu et protégé contre ces innombrables dangers écologiques provoqués par l'indifférence de nos concitoyens... Par notre indifférence !
Sarkis Serge Tateossian
10 h 43, le 22 octobre 2018