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#MaBaddaPlastic - Repère

Le plastique, un casse-tête aussi bien national que mondial

L’usage du plastique à grande échelle est en passe de devenir l’ennemi public numéro un, mais il n’en est pas moins indispensable dans notre vie moderne, partout dans le monde. Quel est l’état des lieux au Liban sur ce plan et comment appréhender la question de traitement et de réduction de ce matériau ?*

Photo Bigstock

Le marché libanais comporte quasiment toutes sortes de plastique, sans véritables contraintes, sans cadre légal qui réglemente l’importation ou la production, à l’ombre d’une méconnaissance des taux de matières recyclables et/ou recyclées dans le pays. Pour effectuer un état des lieux sur ce plan, pas de chiffres disponibles, mais des avis d’experts qui convergent sur le fait que l’utilisation du plastique ne connaît pas de frein actuellement au Liban, alors qu’il lui faut des centaines d’années pour se dégrader dans les milieux naturels. Vu les graves retombées d’une utilisation massive de ce matériau dans la vie quotidienne, et compte tenu de la dégradation qu’une telle utilisation provoque au niveau de l’environnement dans différents domaines, L’Orient-Le Jour lance à partir d’aujourd’hui une campagne pour sensibiliser l’opinion aux lourdes conséquences de ce problème.

Le plastique nous est extrêmement familier, mais savons-nous de quoi il est composé et pourquoi il a un impact grandissant sur l’environnement et, surtout, sur les océans ? Les matières plastiques forment une large gamme de polymères (des macromolécules, en langage chimique), eux-mêmes divisés en sous-familles, classées en deux grands groupes : les thermoplastiques, c’est-à-dire les composés dont la structure peut être modifiée de manière réversible par les changements de températures, et les thermodurcissables, ceux qui ne peuvent retrouver leur structure, leur forme et leur rigidité après avoir été exposés à de hautes températures.



Dans la première catégorie, on trouve plusieurs types d’objets comme les sacs, les films, les flacons, les jouets, les tuyaux souples, les rubans adhésifs, les câbles électriques, les emballages alimentaires… On trouve aussi ces matières plastiques là où on ne s’y attend pas comme dans les fibres synthétiques de l’industrie vestimentaire, les verres de lunettes, les lentilles, les seringues, les disques compacts, les vitrages de sécurité, les pièces mécaniques ou isolantes, certaines peintures et vernis, etc. Dans la seconde catégorie, on compte une large gamme de produits allant des cosmétiques, aux produits coiffants, aux tuyaux durs, au Lycra, à certains adhésifs et revêtements… .


(Lire aussi :  Alerte au plastique, l’édito de « L’Orient-Le Jour »)


Pas de plastique « sûr » dans la nature

Comme toute bonne société de consommation, le Liban a sur son marché tous les genres de plastique, indique Ziad Abichaker, ingénieur spécialisé dans les déchets et fondateur de l’entreprise Cedar Environmental. Et, comme le souligne fort à propos Joseph Matta, directeur de l’Institut de recherche industrielle (IRI, étatique), tous les plastiques mettent des centaines d’années à se dégrader dans la nature. Il n’y a donc pas de plastique « sûr », ou « moins dangereux que d’autres ». Toutefois, Ziad Abichaker relève que ce matériau est intégré dans tous les aspects de notre vie, s’étant rendu indispensable, plus particulièrement dans l’agroalimentaire et la grande distribution, pour ses vertus de conservation et d’étanchéité, et, surtout, pour son prix peu élevé.

Étant donné que le plastique est utilisé à si grande échelle au Liban et que sa présence dans les milieux naturels pose un problème de pollution bien marqué, il est essentiel de connaître le taux de recyclage de ces matières plastiques. Or les chiffres manquent cruellement dans tout le secteur des déchets, et il est pratiquement impossible d’obtenir une estimation quelconque du taux de plastique recyclé. Bien que l’industrie de recyclage du plastique soit bien implantée au Liban, ainsi que le souligne Ziad Abichaker, on peut aisément se rendre compte qu’une grande partie du plastique utilisé au Liban finit soit dans une décharge (prétendument contrôlée, avec très peu de tri, comme on le sait…), soit dans une décharge sauvage, devenant source de pollution de l’eau et du sol, et même de l’air quand il est incinéré à l’air libre.



Autre question fondamentale : tout le plastique est-il recyclable ? Selon un expert de l’Université Saint-Joseph qui a préféré garder l’anonymat, tous les plastiques ne sont pas recyclables, notamment les plastiques thermodurcissables. Ceux-ci doivent être traités, par enfouissement ou par des techniques thermiques, ou encore réutilisés grâce à l’upcycling (transformer en quelque chose de différent et d’utile), suivant les méthodes disponibles dans le respect des normes environnementales en vigueur.

Pour sa part, Ziad Abichaker indique que tous les plastiques sont recyclables et réutilisables d’une façon ou d’une autre, et si certains ne sont pas recyclés actuellement au Liban, c’est par manque de moyens ou de technologies adaptées, et non en raison d’une impossibilité absolue. Toutefois, peut-on recycler les objets à l’infini ? L’ingénieur souligne que le recyclage implique souvent d’ajouter des matières vierges à des matières recyclées, et qu’il existe toujours un moyen de revaloriser le plastique usagé.


(Lire aussi : Laila Zahed, une femme en guerre contre le plastique)


Quelles perspectives pour la réduction ?

Malgré tout, le recyclage seul ne pourra résoudre le problème de l’utilisation de telles quantités de plastique, ni au Liban ni dans le monde. De plus en plus, la question de la réduction des sources de plastique utilisées fait son chemin, avec, comme première cible, ce qu’on appelle les « plastiques à usage unique », comme les sacs en nylon, les pailles, les gobelets, les couverts… Plusieurs pays ont déjà entamé des mesures dans ce sens. La Commission européenne a présenté un projet de directive sur la réduction de l’impact de certains produits plastiques sur l’environnement, notamment les dix produits les plus présents sur les plages et dans les mers (bâtonnets de coton-tige, couverts jetables, pailles, etc.). Ces directives découlent de la constatation que chaque année, les Européens produisent 25 millions de tonnes de déchets plastiques, dont seuls moins de 30 % sont collectés en vue de leur recyclage (Source : site de la Commission européenne).

Au Liban, où la crise des déchets sévit toujours, bien que les détritus aient été sortis des rues après la crise de 2015-2016, cette problématique n’est clairement pas une priorité pour les autorités qui n’ont toujours pas fait l’effort nécessaire pour sensibiliser la population au tri et au recyclage. Les initiatives sont donc municipales ou privées, prises par des associations ou des entreprises qui se spécialisent dans le tri et le recyclage, ou par des municipalités au nombre très limité. Quelques municipalités ont ainsi installé des centres de tri et envoient les produits plastiques aux usines de recyclage. Mais seule la municipalité de Jbeil, jusque-là, a pris la décision de s’attaquer de front au problème du plastique, en décrétant l’interdiction du sac en nylon dès janvier 2019.



Pour Joseph Matta, la tendance à la réduction de l’utilisation du plastique est inéluctable, et des décisions difficiles devront être prises tôt ou tard dans le cadre de politiques nationales. Et le jour venu, des institutions comme l’IRI devraient être au premier plan pour apporter des solutions aux alternatives du plastique, souligne-t-il. Pour sa part, Ziad Abichaker ne trouve pas réaliste de vouloir réduire drastiquement le plastique à court et moyen terme, étant donné, notamment, son importance dans l’agroalimentaire. Il plaide plutôt pour un développement plus conséquent de l’industrie du recyclage, génératrice d’emplois. Il fait aussi remarquer que certaines mesures très simples peuvent influer sur l’utilisation du plastique, comme celle de faire payer le sac en nylon au lieu de l’interdire d’un coup.

S’attaquer à la problématique de l’usage du plastique, c’est entrer dans un monde extrêmement complexe. Le plastique, c’est toute une industrie, et une industrie de recyclage. C’est aussi une dépendance du consommateur, et quasiment un mode de vie. Comment parvenir à limiter les nuisances du plastique sans pour autant nier ses avantages ? Suffit-il de commencer par soi-même et ses propres habitudes de consommation en espérant influer sur la production nationale et internationale ? Ou militer pour des stratégies nationales plus durables, sans crainte de s’attaquer ouvertement à des intérêts de grande envergure ? Quel rôle pourrait jouer une politique de taxation davantage tournée vers la protection de l’environnement ? Faut-il espérer des alternatives à ces objets (bon marché) qui nous procurent du confort ou modifient radicalement nos habitudes ? Le débat est lancé…

Les types de plastique les plus communs

Si le sac en plastique est souvent décrié pour son utilisation massive dans la vie quotidienne (c’est le plus gros casse-tête à lui tout seul), il est loin d’être le seul à prendre en compte. Parmi les catégories de plastique que l’on retrouve le plus souvent au Liban, en voici les sept principales, selon l’ingénieur Ziad Abichaker :

– PET (Polytéréphtalate d’éthylène), principalement les bouteilles d’eau et d’eau gazeuse.

– PEHD (Polyéthylène haute densité), comme les bouteilles de shampoing ou de produits ménagers.

– PVC (Polychlorure de vinyle), surtout pour les tuyaux, cette matière est toxique et n’est donc pas utilisée pour l’alimentation.

– PEBD (Polyéthylène basse densité), matériau flexible, notamment les sacs en nylon.

– Polystyrène, surtout les gobelets jetables.

– Polypropylène, de manière essentielle les emballages d’aliments, les bouchons de bouteilles…

– D’autres genres de plastique qui sont souvent une combinaison des six catégories précédemment citées, pour des usages divers.



Quelles normes et législations ?

Face à une telle diversité et une abondance d’utilisation sur le marché, existe-t-il une réglementation quelconque du plastique au Liban ? Joseph Matta, directeur de l’Institut de recherche industrielle (IRI, étatique) indique qu’aucun texte n’apporte un cadre juridique à cette question. « Il existe une norme pour le plastique à usage alimentaire mise par Libnor (l’organisme libanais pour la définition de normes) en 2015, affirme-t-il. Elle a été communiquée au Conseil des ministres qui ne l’a jamais adoptée. Elle n’est donc pas contraignante à l’heure actuelle. »

M. Matta fait remarquer que « les bouteilles en verre, elles, ne représentent pas un danger aussi important sur l’environnement et sont régies par une norme contraignante ». Il précise que si et quand cette norme sur le plastique entrera en vigueur, tous les plastiques à usage alimentaire devront alors être testés. « Aujourd’hui, seul le plastique destiné à l’exportation est testé », dit-il.

*Cet article-repère est le premier d’une série qui comptera des reportages sur le plastique en mer et des initiatives privées de limitation de l’usage du plastique, ainsi que des enquêtes sur son impact sur la santé et sur l’industrie du plastique et du recyclage de ce matériau au Liban.





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commentaires (3)

Une véritable calamité....

NAUFAL SORAYA

10 h 59, le 18 octobre 2018

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Commentaires (3)

  • Une véritable calamité....

    NAUFAL SORAYA

    10 h 59, le 18 octobre 2018

  • Jusqu'en janvier 2018, les Européens et Américains se débarrassaient de leurs déchets de plastique auprès des Chinois. Lesquels ne les recyclait que très marginalement, etles stockaient, notamment le long des fleuves (comme le Yang-Tsé) qui a chaque crue emmenaient vers l'océan les dits déchets. Les fleuves contribuent pour 90% à la pollution des océans, et dans la liste des dix plus grands pollueurs on trouve trois grands fleuves chinois, et juste derrière les indiens (le Brahmapoutre, quatrième pollueur des océans). Depuis le début de l'année 2018, les Américains ont résolu de recycler eux-mêmes (mais le plastique pollue l'air en brûlant) et Bruxelles case les déchets européens à des pays comme le Vietnam, ou les Philippines, ce qui est absolument infâme! Le problème c'est que pour des décennies encore on trouvera difficilement mieux que le plastique pour conserver nombre d'aliments, de boissons et contribuer à la fabrication d'une quantité innombrable de productions industrielles. Il serait peut-être temps d'investir dans le recyclage du plastique, au lieu de prétendre réduire son utilisation (les Indiens ne sont pas prêts de de le faire, eux...)

    Emmanuel Pezé

    09 h 47, le 18 octobre 2018

  • LE PLUS GRAND CASSE TETE DE TOUS LES DECHETS. NUISIBLE POUR LES HOMMES ET POUR LA NATURE. LES BOUTEILLES ET LES SACS EN PLASTIQUE JONCHENT LES DEUX COTES DE TOUTES LES RUES PARTOUT ET POLLUENT LES RIVAGES ET MEME LA PLEINE MER UN PEU PARTOUT ET NON SEULEMENT AU LIBAN ! C,EST UN PROBLEME MONDIAL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 45, le 18 octobre 2018

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