D’ici à la fin de la semaine, le nouveau gouvernement devrait être annoncé. Sauf imprévu de dernière minute, les anciens et les nouveaux nœuds régulièrement évoqués dans les médias sont en passe d’être dénoués et la décision a été prise de former un gouvernement dans les plus brefs délais. Selon des sources qui suivent le dossier, l’annonce finale n’attend plus que le retour prévu ce soir du président de la Chambre Nabih Berry de son voyage à Genève pour participer à la réunion de l’Union des Parlements arabes et les arrangements de dernière minute.
La rencontre mardi soir entre le Premier ministre désigné Saad Hariri et le chef du CPL Gebran Bassil a donc été déterminante et, selon des sources proches des deux parties, l’accord a été total entre eux sur une distribution équitable des parts ministérielles selon un critère unifié et raisonnable. Déjà, les rencontres successives dans la journée de mardi entre le chef de l’État Michel Aoun, le leader druze Walid Joumblatt et le chef du Parti démocratique l’émir Talal Arslane avaient donné des indications claires sur la solution de ce qu’on appelait « le nœud druze ». Apparemment, l’entente se serait faite sur l’octroi à Walid
Joumblatt de deux ministres, dont le portefeuille de l’Éducation qu’il réclame, et d’un troisième ministre chrétien, alors que le troisième ministre druze du gouvernement de 30 membres serait choisi parmi une liste de 5 noms, ayant l’aval de Joumblatt et d’Arslane.
De même, les députés sunnites non membres du courant du Futur auront un ministre qui sera considéré comme faisant partie des personnes choisies par le président de la République. Deux des principaux obstacles retardant la formation du gouvernement ont donc été surmontés et il ne reste plus que ce qu’on appelle le nœud chrétien et qui consiste dans la volonté des Forces libanaises d’obtenir 4 ou 5 portefeuilles, dont un régalien ou de poids et la vice-présidence du Conseil. Ces revendications ont été jugées injustifiées et non conformes à un critère logique de distribution des parts par le CPL et son chef Gebran Bassil. Une guerre verbale a d’ailleurs opposé le CPL et les Forces libanaises au cours des derniers jours à ce sujet. Mais selon des sources proches du processus de formation du gouvernement, les Forces libanaises se retrouvent toutes seules dans leurs revendications, après le dénouement des nœuds dits druze et sunnite. Ce qui devrait les pousser à accepter ce qui leur est proposé, sachant que dans le contexte actuel il est difficile d’assumer le rôle de la partie qui entrave la formation du gouvernement. D’autant qu’au cours des quatre mois et demi écoulés depuis la désignation de Saad Hariri pour former le gouvernement, les Forces libanaises ont alterné le chaud et le froid, jetant tantôt du lest et durcissant tantôt leur position. La voie du compromis est donc possible et ouverte, et, au final, les FL devraient obtenir deux portefeuilles (les Affaires sociales et la Culture, ou encore le Travail, le choix n’a pas encore été tranché), en plus de la vice-présidence du Conseil et peut-être d’un ministère d’État...
(Lire aussi : Aoun : Macron souhaite, bien sûr, un gouvernement au Liban)
Quant au ministère des Travaux publics que le CPL et les Marada se disputaient au cours des dernières semaines, il pourrait rester à ces derniers en contrepartie du portefeuille de la Justice qui irait au président de la République. Le CPL avait pourtant fait campagne pour l’obtention du portefeuille des TP, sachant qu’il est essentiel dans la perspective de la reconstruction de la Syrie, puisque le Liban pourrait être appelé à devenir la base arrière essentielle pour les grandes compagnies chargées de cette reconstruction. Il devrait donc améliorer ses performances portuaires et routières dans ce but.
Il reste donc encore quelques ultimes retouches et des compromis de dernière heure, ainsi que le choix des noms des futurs ministres, mais, en principe, les gros obstacles qui entravent la formation du gouvernement ont été réglés et il est clair que chaque partie a finalement fait des concessions.
Toutefois, la question qui se pose est la suivante : que s’est-il passé pour que ce soudain déblocage soit devenu possible et même se concrétise ?
Les explications sont multiples et diffèrent selon chaque camp politique. Ceux qui avaient affirmé que les obstacles sont purement internes estiment que la situation économique et financière du pays, ainsi que la grogne populaire, sont devenues tellement pesantes que les différentes parties politiques n’ont plus eu d’autre choix que de se diriger vers un compromis, d’autant qu’en fin de compte, les divergences ne sont pas radicales et ne sont pas de nature à modifier les rapports de force dans le pays.
Pour d’autres, la clé du déblocage serait à chercher dans l’affaire Khashoggi qui occupe désormais les pays de la région, et même le monde entier, au point qu’aucune partie n’a plus de temps à accorder au Liban et à appuyer les revendications d’une partie contre l’autre. L’affaire Khashoggi a créé une diversion totale au niveau des priorités régionales et les Libanais ont dû se retrouver seuls pour trouver un compromis.
Enfin, pour d’autres encore, la clé du déblocage serait à chercher du côté de la France et des pressions qu’elle aurait exercées pour pousser les différentes parties libanaises à s’entendre pour former un nouveau gouvernement, car les projets proposés et financés dans le cadre de la Conférence de Paris ne peuvent pas attendre éternellement.
Il reste encore une dernière catégorie qui estime que le déblocage est dû à toutes ces raisons à la fois...
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commentaires (9)
Sauf imprévu attendons voir .
Antoine Sabbagha
18 h 13, le 18 octobre 2018