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Politique - Décryptage

La Jamaa peine à monnayer politiquement son implication en soutien à Gaza


Parmi toutes ses conséquences sur l’ensemble de la région, que l’on ne peut pas encore pleinement mesurer, Déluge d’al-Aqsa a eu un grand impact sur la scène sunnite libanaise. Pour la première fois depuis des décennies et en particulier depuis le 7 mai 2008, lorsque le Hezbollah a mené un coup de force à Beyrouth contre les figures (surtout) sunnites qui, selon lui, le provoquaient, la hache de la discorde entre les deux communautés semble réellement enterrée. La guerre à Gaza semble avoir unifié les rangs autour du Hamas, mais un « Hamas revisité », loin de son image précédente de groupe évoluant strictement dans la mouvance des Frères musulmans. En se tenant côte à côte face aux Israéliens sur le front du sud du Liban, la branche militaire du Hamas et le Hezbollah ont réunifié les musulmans autour de la cause de la « résistance ». Mais en même temps, des voix commencent à s’élever pour critiquer le comportement de la branche libanaise des Frères musulmans, la Jamaa islamiya, et son bras armé pour l’étalage de muscle au Akkar et même à Saïda, à plus d’une occasion. C’est un peu comme si des forces sunnites commençaient à ses rebeller contre l’influence grandissante de la Jamaa islamiya, et à travers elle du Hamas, sur la communauté au Liban.

En effet, la réduction du fossé traditionnel entre les sunnites et les chiites n’arrange pas tout le monde. Les dissensions internes, notamment confessionnelles, ont traditionnellement fait partie du paysage libanais et ont souvent ouvert la voie aux interférences étrangères. Cette soudaine « connivence » entre sunnites et chiites rebat donc toutes les cartes habituellement utilisées. Réussira-t-elle à créer le fondement d’une nouvelle entente nationale ? Des sources politiques sunnites concordantes n’en sont pas si sûres, estimant que la Jamaa islamiya profite actuellement de l’élan en faveur de la cause palestinienne, mais la sympathie dont elle bénéficie est purement émotionnelle.

Ces mêmes sources soulignent la grande mobilisation populaire autour de la Jamaa islamiya lors des funérailles de ses membres tués par les Israéliens dans le cadre du conflit actuel. De Beyrouth à Saïda et jusqu’au Akkar, les gens ont participé massivement à ces cérémonies dans un élan de solidarité qui, toutefois, ne parvient pas encore à se concrétiser sur le plan du leadership.

Selon des sources proches de Dar el-Fatwa, nul n’est actuellement en mesure de combler le vide au niveau du leadership sunnite. Il y a certes des tentatives, mais rien de concret encore. Toujours selon ces mêmes sources, cela serait essentiellement à cause de la « faiblesse » du mufti actuel, Abdellatif Deriane, qui était d’abord totalement sous la coupe de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, avant de se placer sous la coupe de l’Arabie saoudite directement. Mais comme Riyad, sous la houlette du prince héritier Mohammad ben Salmane, refuse de s’impliquer au Liban, et notamment auprès de la communauté sunnite, comme cela se faisait auparavant, le mufti se sent un peu perdu et n’intervient directement que lorsqu’il n’a pas d’autre choix, confient les sources proches de Dar el-Fatwa. Il accueille ainsi les nouveaux élus, comme Fouad Makhzoumi qui a participé à la rencontre politique de Meerab, et en même temps, il laisse les cheikhs de Dar el-Fatwa proches de la mouvance de la « résistance » s’exprimer. Il n’a rien fait non plus pour arrêter les campagnes de levée de fonds auprès des sunnites au profit de la Jamaa islamiya. Toujours selon les mêmes sources, les gens auraient été généreux dans leurs donations, menés par leur soutien à la cause palestinienne.

Mais cela signifie-t-il pour autant que la Jamaa islamiya pourrait reprendre le leadership des Hariri sur la scène sunnite libanaise ? Les sources proches de Dar el-Fatwa rappellent à cet égard la tentative du chef du courant du Futur de reprendre sa place à la tête de la communauté sunnite en février dernier. Saad Hariri avait alors effectué un séjour de près d’une semaine à Beyrouth, avec un grand tapage médiatique, pour transmettre un message aux autorités saoudiennes sur son possible retour sur la scène politique. Mais, toujours selon les sources précitées, Riyad n’a pas réagi et M. Hariri est rentré aux Émirats arabes unis après avoir compris que l’heure de son retour n’avait pas encore sonné. Ce qui a laissé une fois de plus la scène sunnite tiraillée entre le vide et de petits leaderships implantés souvent plus dans les régions qu’au niveau national. Seule la Jamaa islamiya pourrait reprendre ce flambeau, en raison d’une part de son implantation dans toutes les régions à majorité sunnite et d’autre part de l’appui régional dont elle bénéficie, d’abord au niveau de son affiliation à la confrérie des Frères musulmans et ensuite en sa qualité de membre de la « résistance ». Mais la Jamaa ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté et elle a un passif qui remonte aux années 1990. Des éléments du groupe Esbat el-Ansar, classé à l’époque dans la mouvance des Frères musulmans, avaient ainsi assassiné en août 1995 le cheikh Nizar Halabi, chef de file des Ahbache à l’époque. Il y a eu des tentatives ces derniers temps de réactiver les dissensions entre les Ahbache et la Jamaa islamiya. Mais les tiraillements ont été rapidement circonscrits, les Ahbache ne voulant pas entrer en conflit ouvert avec la Jamaaa islamiya au moment où la scène sunnite est mobilisée en faveur de Gaza et de la cause palestinienne. Si la guerre de Gaza a donc réduit les divergences entre les sunnites et les chiites, en les poussant à se retrouver autour de la cause palestinienne, elle ne parvient toutefois pas encore à ouvrir la voie à un nouveau leadership sunnite au Liban. Selon les sources proches de Dar el-Fatwa, la Jamaa islamiya gagne en influence sur le plan symbolique, mais sur le plan politique, la communauté sunnite souffre toujours de l’absence d’un véritable leadership, ce qui affaiblit d’ailleurs son rôle national.

Parmi toutes ses conséquences sur l’ensemble de la région, que l’on ne peut pas encore pleinement mesurer, Déluge d’al-Aqsa a eu un grand impact sur la scène sunnite libanaise. Pour la première fois depuis des décennies et en particulier depuis le 7 mai 2008, lorsque le Hezbollah a mené un coup de force à Beyrouth contre les figures (surtout) sunnites qui, selon lui, le...
commentaires (2)

Combien de temps ça a mis aux chrétiens de se rendre compte qu'ils ont été bernés et trahis par la guerre-suicide dite de libération lancée par Michel Aoun le 14 mars 1989 ? Ça prendra le même temps aux sunnites de comprendre qu'ils ont été bernés et trahis par la guerre-suicide dite d'Al-Aqsa lancée le 7 octobre 2023 par Mohammed Deif et Yahya Sinouar. Vraiment ces 2 là sont des chevaux de Troie du grand Israël safavide alias croissant chiite, tout autant "malgré-eux" que Aoun et Hariri, mais c'est précisément ce "malgré-eux" qui les rend plus dangereux.

Citoyen libanais

20 h 56, le 04 mai 2024

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Commentaires (2)

  • Combien de temps ça a mis aux chrétiens de se rendre compte qu'ils ont été bernés et trahis par la guerre-suicide dite de libération lancée par Michel Aoun le 14 mars 1989 ? Ça prendra le même temps aux sunnites de comprendre qu'ils ont été bernés et trahis par la guerre-suicide dite d'Al-Aqsa lancée le 7 octobre 2023 par Mohammed Deif et Yahya Sinouar. Vraiment ces 2 là sont des chevaux de Troie du grand Israël safavide alias croissant chiite, tout autant "malgré-eux" que Aoun et Hariri, mais c'est précisément ce "malgré-eux" qui les rend plus dangereux.

    Citoyen libanais

    20 h 56, le 04 mai 2024

  • « La hache de la discorde » a été enterrée entre sunnites et chiites dans élan circonstanciel et provisoire. Une fois que la guerre être israéliens et palestiniens prendta fin, les divergences entre les deux communautés vont malheureusement refaire surface mais dans l’espoir que ça soit sans hache.

    Hitti arlette

    12 h 34, le 03 mai 2024

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