Alors que le Liban commémore, aujourd’hui 13 octobre, l’anniversaire d’un épisode qui a livré le pays pieds et poings liés à la tutelle de la Syrie, un ministre met en garde contre « la course à l’abîme » à laquelle se livrent les forces politiques, soulignant qu’en ce qui concerne la formation du gouvernement, « nous en sommes toujours au point zéro ». « Nous assistons, en politique, à une espèce de course à l’abîme dont le vainqueur sera celui qui freinera en dernier, sachant qu’il faudra nécessairement s’arrêter avant l’effondrement qui pourrait se produire si l’on perdait le contrôle du volant, affirme cette source. Un effondrement dont le prix sera payé par l’ensemble de la population », ajoute-t-elle, soulignant que les responsables politiques « ne pensent pas à l’éventualité d’une dictature du FMI qui nous contraindra à opérer des réformes structurelles que nous n’aurons pas eu la clairvoyance d’opérer nous-mêmes et à un coût bien moindre ».
« L’effondrement serait-il donc le seul remède à la paralysie ? Décidément, certains n’apprennent rien de l’histoire », ajoute encore ce ministre, tandis que des milieux divers continuent de baliser le processus avec de petits piquets comme : Il n’y aura pas de gouvernement sans les FL, ou c’est le ministre sortant de la Santé qui finira par être nommé vice-président du Conseil des ministres, ou le ministère des Travaux publics ira aux Marada, ou encore « nous sommes le plus grand bloc parlementaire » (dixit César Abi Khalil).La communauté internationale, pour sa part, semble avoir pris son parti de l’immaturité politique dont les Libanais font preuve en ce moment et, pour contourner l’immobilisme, s’oriente vers le Parlement, auquel elle demandera de promulguer les lois nécessaires pour profiter de fonds existants et inemployés, comme ceux de la conférence CEDRE, toutours selon cette même source.En tout état de cause, souligne cette source ministérielle, un nouveau gouvernement ne fera pas l’affaire sans une vision réaliste des réformes nécessaires qui libéreront les liquidités enchaînées par les intérêts élevés, au nom de la stabilité de la livre, et permettra au pays de redécoller économiquement.
Au nombre des réformes que doit prévoir un tel gouvernement, précise la source, il y a notamment le démarrage de l’exploitation des ressources gazières, les privatisations des secteurs comme celui des télécommunications ou de la MEA, susceptibles d’assurer de fortes rentrées à l’État, et de provoquer le choc financier salutaire à une reprise des investissements. Faute de quoi, après une pause de quelques mois, le Liban replongera dans le marasme.
(Lire aussi : Aoun : Macron souhaite, bien sûr, un gouvernement au Liban)
Coups bas
Indépendamment des informations officielles lénifiantes qui nous viennent d’Erevan, c’est à Beyrouth même, ou par des indiscrétions, que l’on apprend les efforts déployés par le chef de l’État français Emmanuel Macron pour convaincre les décideurs comme le ministre sortant des Affaires étrangères Gebran Bassil de cesser de faire obstruction au processus de formation de gouvernement, sous prétexte d’emporter toute la mise, le tiers de blocage ou encore la prochaine présidentielle. Au risque de tout perdre.
En attendant, M. Bassil continue de porter des coups bas à ses anciens alliés, les Forces libanaises, comme le lui a reproché hier la députée Sethrida Geagea, évoquant une phrase qu’il a lancée, lors de son entretien avec Marcel Ghanem sur la chaîne MTV jeudi soir. Parlant de la rencontre Geagea-Frangié en préparation, M. Bassil avait crûment parlé du « pardon que le chef des Marada, Sleiman Frangié, a accordé aux assassins de son père », espérant que M. Frangié en ferait autant à celui qui lui a ravi le siège présidentiel (Michel Aoun).
« S’il (Sleiman Frangié) est capable de pardonner à celui qui a tué son père, sa mère et sa sœur, j’espère qu’il pardonnera à celui à qui il reproche d’avoir pris sa place à la tête de l’État », avait-il déclaré. « Que M. Bassil se positionne contre les FL ou les Marada, c’est son droit, mais il ne doit pas remuer le couteau dans la plaie et réveiller des douleurs dont les Libanais ont souffert pendant 40 ans », a déclaré Mme Geagea.
Ces paroles blessantes, qui jettent de l’huile sur le feu, ont d’ailleurs commencé à se traduire sur le terrain, comme l’ont prouvé les heurts et échauffourées entre FL et CPL à Ferzol et rue Huvelin, sachant que les élections universitaires sont également un baromètre du climat qui se détériore entre les alliés d’hier.
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commentaires (6)
Les libanais qui ont acclamé l'entente de meerab en 2016, se sentent trahis en 2018
Esber
15 h 43, le 13 octobre 2018