Un collectif de dix-sept ONG libanaises, régionales et internationales, actives dans le domaine des droits de l’homme et de la liberté d’expression a adressé, hier, une lettre au haut-commissaire des Nations unies, Zeid Raad, et au rapporteur spécial de l’ONU pour la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, pour les appeler « à condamner les autorités libanaises au sujet des convocations récurrentes de militants pacifistes portant atteinte à leur droit à la liberté d’expression ».
Ce collectif d’ONG est composé notamment d’ALEF-Act for Human Rights, de l’Association pour la liberté et l’égalité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (AFE-MENA), du Réseau arabe des ONG pour le développement (ANND), du Réseau arabe pour les élections démocratiques-Fondation pour les droits humains et humanitaires – Liban (FHHR-L), de l’Association libanaise pour les élections démocratiques (LADE), du Centre libanais pour les droits humains (CLDH), du centre SKeyes pour les médias et les libertés culturelles et de Umam pour la documentation et la recherche.
Cette lettre a été rédigée suite à la convocation mercredi de Wadih el-Asmar, président du CLDH, par le bureau dit de « lutte contre la cybercriminalité » relevant des Forces de sécurité intérieure. M. Asmar avait publié un post sur Facebook relatif à l’affaire de Charbel Khoury qui avait publié le mois dernier sur sa page Facebook une blague relative à saint Charbel. Dans son post daté du 19 juillet dernier, Wadih el-Asmar lance un défi aux autorités en se demandant si le bureau de « lutte contre la cybercriminalité » le convoquerait.
Dans la missive, le collectif d’ONG exprime sa « préoccupation » concernant la situation actuelle des droits humains au Liban. Pendant de nombreux mois, les agences de sécurité libanaises, en particulier l’officine affirmant lutter contre la cybercriminalité, ont « convoqué des personnes actives sur les médias sociaux. Nombre de ces convocations entraînent des périodes de privation de liberté et se terminent souvent par la signature par les militants de promesses de restriction de leur liberté d’expression ».
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Au moins 39 convocations
Le texte souligne également que « depuis 2016, il y a eu au moins 39 convocations de citoyens libanais qui ont fait des commentaires publics critiquant les autorités libanaises ou des personnalités politiques. La plupart de ces personnes ont été interrogées par le bureau de la cybercriminalité ou les services de renseignements de l’armée ».
La missive cite également divers cas de journalistes qui ont comparu devant le Tribunal des imprimés et fait état d’un mineur de 15 ans, détenu pendant 38 heures par les services de renseignements de l’armée, qui s’est vu refuser le droit d’avoir recours à un avocat pour avoir posté une photo satirique du chef de l’État.
Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, Georges Ghali, directeur exécutif d’ALEF-Act for Human Rights, a souligné que « les ONG de lutte pour le respect des droits de l’homme ont pu quantifier, depuis 2016, 39 cas de personnes convoquées pour avoir exprimé leur opinion. Il existe certes d’autres personnes qui ont été interpellées dans ce cadre, mais qui sont restées discrètes sur les faits, probablement par peur des représailles ou simplement parce qu’elles ne connaissent pas leurs droits ».
Interrogé sur les modalités des convocations, M. Ghali note que « la personne reçoit un coup de fil du bureau de lutte contre la cybercriminalité, l’appelant à une convocation sans lui fournir de plus amples détails. Une fois devant les policiers, on lui demande en premier lieu de remettre son téléphone aux enquêteurs en livrant le code pour l’ouvrir et de leur donner également les mots de passe relatifs aux diverses plateformes de médias sociaux. Ensuite, on présente à la personne une capture d’écran du post ou du tweet pour lequel elle a été convoquée ». « À la fin de la convocation, on présente à la personne interpellée un document l’engageant à ne plus répéter ce genre de critiques. Les citoyens qui ne sont ni blogueurs ni journalistes s’exécutent car ils veulent rester à l’écart des ennuis et ignorent qu’ils peuvent trouver un soutien auprès d’activistes et d’ONG », souligne-t-il en conclusion.
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En réalité 39 convocations depuis 2016, ça va encore, à part la privation de liberté du jeune mineur et l’interventionnisme de l'armée dans un domaine du droit civil. Le problème de la liberté d'expression au Liban est que les responsables politiques insultent copieusement, et à outrance, les uns les autres, et cela donne des idée au citoyen lambda qui pense à tort qu'il peut faire autant sans être inquiété. Lambda n'est pas protégé par le système alors que Zaim l'est. S'agissant de M. Asmar; il a défié carrément l'Etat en provoquant sa convocation pour se victimiser et devenir célèbre et probablement pour ramasser un peu d'argent des organisations qui soutiennent la liberté d'expression. Il convient que l'Etat explique aux citoyens où se trouvent les lignes rouges et de les conseiller de ne pas les franchir. La prévention est meilleure que la sanction.
17 h 01, le 18 août 2018