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Liban - Liberté d’expression

Wadih el-Asmar : Je comparaîtrai, mais je garderai le silence...

Le militant en faveur des droits de l’homme a été convoqué hier par le bureau de lutte contre la « cybercriminalité » pour « des opinions exprimées sur les réseaux sociaux ».

Wadih el-Asmar devra comparaître le vendredi 31 août devant le bureau de lutte contre la cybercriminalité. Photo tirée de la page Facebook de l’activiste

Et rebelote ! Le bureau dit de lutte contre la « cybercriminalité » au sein des Forces de sécurité intérieure a récidivé. Alors que se multiplient, ces derniers temps, les convocations, cette fois-ci, c’est Wadih el-Asmar, président du Centre libanais pour les droits de l’homme (CLDH), qui a été convoqué hier pour « des opinions exprimées sur les réseaux sociaux ». C’est à se demander si la fonction de ce bureau au titre si pompeux est vraiment de lutter contre la cybercriminalité ou plutôt de faire la chasse aux délits d’opinion, dépassant ainsi ses prérogatives. C’est par un appel téléphonique sur WhatsApp que « le bureau de lutte contre la cybercriminalité m’a convoqué », confie M. Asmar à L’Orient-Le Jour, soulignant qu’il devra comparaître le vendredi 31 août devant cette officine.

L’activiste a fait part de cette convocation dans un post publié sur sa page Facebook. Il a, par la même occasion, conseillé aux FSI de « lire attentivement l’article 47 du code de procédure pénale » qui régit les mesures de la police judiciaire en dehors des infractions flagrantes. « Conformément à cet article, toute personne convoquée peut être accompagnée d’un avocat, explique Wadih el-Asmar. J’irai alors avec un avocat. » De plus, il stipule que « les personnes refusant de faire des déclarations ou choisissant de garder le silence » ne peuvent pas être « contraintes à parler ou être interrogées, sous peine de nullité des déclarations recueillies ». « Je garderai aussi le silence », affirme-t-il. Selon cet article également, « les officiers de police judiciaire ne peuvent placer un suspect en garde à vue au poste que sur décision du ministère public et pour une durée ne dépassant pas quarante-huit heures ». Et Wadih el-Asmar d’insister : « Si le bureau de lutte contre la cybercriminalité n’a pas autre chose à faire que de surveiller les déclarations des gens sur Twitter et Facebook, il devient un outil de répression pour protéger le régime et non le citoyen. » 


(Lire aussi : Bilan consternant pour la liberté d’expression au Liban)


« Le masque de la démocratie est tombé »
Wadih el-Asmar confie ignorer « le tweet pour lequel il a été convoqué, mais il est certain que c’est pour une opinion ». « Tous mes tweets sont d’ailleurs des opinions qui sont au cœur de mon activité en tant que défenseur des droits de l’homme et activiste », ajoute-t-il. « Ce qui se passe est très dangereux. Je suis un parmi tant d’autres. Mais depuis un an, il y a une tendance à poursuivre toute personne qui critique le régime. Tout comme à l’époque de l’occupation syrienne, on est en train de transformer les services de l’État, la justice qui doit être indépendante et les services de l’ordre en une garde prétorienne d’un régime qui n’existe pas, parce qu’au final, c’est un régime qui n’a pas d’autorité. Il regarde les crimes affreux en faisant semblant d’être un observateur. Il veut exercer son autorité sur les activistes et les pacifistes. Cela est inquiétant pour la liberté d’expression au Liban. On remarque aussi que les justifications utilisées sont encore plus inquiétantes que les convocations », dit-il encore.

Pour M. Asmar, ce qui se passe actuellement est une sorte d’éveil. « On se rend compte qu’à l’époque de la tutelle syrienne, ce n’était pas seulement les forces de l’occupation qui violaient les droits de l’homme, mais aussi les autorités libanaises qui se cachaient derrière les Syriens. » « Aujourd’hui, ils ont fait tomber le masque de la démocratie et du respect du droit, constate-t-il. Selon la logique actuelle, si vous n’êtes pas avec nous, la justice va vous poursuivre. C’est un peu ce que faisaient l’occupation syrienne et ses sbires à l’époque. » 

« Une valeur symbolique »

Ayman Mhanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir, ne cache pas son indignation. « C’est quelque chose qui doit être réglé, martèle-t-il. Il est complètement ridicule de convoquer quelqu’un pour un tweet mystérieux. Il faut pouvoir informer les gens du tweet ou du post incriminé. » 

Se penchant sur le cas de Wadih el-Asmar, il souligne que cette convocation a « une valeur symbolique très forte ». « L’idée qu’on commence à convoquer des responsables d’ONG impliquées dans la défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression revêt une sorte d’ironie », lance-t-il. Et de saluer le courage de Wadih el-Asmar qui « a immédiatement révélé l’affaire et indiqué la voie à suivre pour tous ceux qui seront convoqués à l’avenir ».


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