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Culture - L’artiste de la semaine

Georges Khabbaz, pour le meilleur et pour le rire

Après le grand succès remporté par sa pièce « Illa iza » présentée au Château Trianon, le voilà qui investit le temple de Bacchus pour deux soirées consécutives version « comédie musicale », les 11 et 12 août.

Georges Khabbaz à Baalbeck.

Dans le monde du théâtre ou du cinéma, il n’est pas rare de croiser deux ou trois membres de la famille qui exercent le même métier ou presque. Même passion, même métier et souvent même talent. Ainsi commence l’histoire de Georges Khabbaz…

Le regard bienveillant, l’œil vif et le timbre de voix sûr, Georges Khabbaz décrypte sa vie avec tendresse et lucidité. De cet échange avec ce grand auteur-réalisateur-comédien et musicien, émane le sentiment d’être confronté à un professionnel confirmé qui a pris le parti de la détermination, mais néanmoins empreint d’une grande sensibilité. Le sentiment surtout d’être face à une grande humanité, à une extrême humilité et à cette tendre assurance quand il avoue : « J’ai tout réussi dans ma vie, mais j’ai le regret de n’avoir pas pu encore fonder une famille. » Et face à cet homme qui désarme lorsqu’il aborde le sujet de l’enfance mutilée, qui force le respect quand il déploie sa colère contre les diktats sociaux, quand il déplore les discriminations religieuses et les barrières sociales, face à cette douceur en habit d’intelligence et de clairvoyance, on est tenté de rétorquer : « Mais toutes les femmes rêveraient de vous avoir pour compagnon ! » Le métier a néanmoins ses limites… Son rapport au réel est indissociable de celui à la mémoire, celle qui lui dessine tous les jours son enfance heureuse. « Je suis un homme chanceux, dit-il, je suis né au bon endroit, au bon moment, et mes parents avaient déjà tracé la voie que j’ai toujours rêvé d’emprunter. » Sa vie est faite de passion, de travail et de respect envers l’autre. Celui qui a toujours eu le souci de défendre la place des plus faibles, ceux dont la voix et les jambes ne portent pas loin, celui-là est un homme de réconciliation. Georges Khabbaz croit dans la puissance de l’art du théâtre de pousser son message au-delà des clivages. Voilà ce qu’il fait depuis trente ans de carrière et quatorze ans de théâtre, à force de mots et de farouche conviction.


Tout a commencé dans un jardin…
Chez les Khabbaz, l’art est une histoire de famille. Le père, libraire de profession mais comédien amateur, se produit dans quelques pièces de théâtre et plusieurs séries télévisées dirigées par Ziad Rahbani, Antoine Rémy ou encore Bassel Nasr. La mère comédienne amatrice rencontre son futur époux sur les planches. Ils se plaisent, se marient et emménagent à Batroun, au Liban-Nord. De cette heureuse union naîtront quatre enfants. Georges, aujourd’hui auteur-acteur-metteur en scène, pour qui le monde du théâtre et du cinéma était un passage obligé mais un passage heureux. « J’ai toujours voulu exercer ce métier. C’était un rêve d’enfant depuis l’âge de 4 ans, l’âge que j’avais quand je suis monté sur scène pour la première fois, dans une pièce de théâtre professionnelle retraçant la vie de saint Maron. J’avais le rôle d’un petit enfant que guérissait saint Maron », dit-il. Nicolas, ensuite, qui obtiendra un PhD en cinéma. Laura, aussi, comédienne toujours à ses côtés. Et Lara, docteure en Business, mais aussi danseuse émérite. Le clan au complet est abonné à l’art. Quand la librairie familiale qui s’étalait sur trois étages ferme ses portes, Georges Khabbaz verra atterrir sur les étagères de la maison des milliers de livres et de magazines dans lesquels il plongera son nez d’adolescent pour en ressortir grandi et « intelligent », de cette intelligence qui passe forcément par la culture. Il avoue avoir, dans son enfance, traversé deux périodes diamétralement opposées.

 « Jusqu’à l’âge de 11 ans, j’étais cet enfant très calme et rêveur qui avait souvent la tête ailleurs. » Solitaire pour mieux réfléchir, indépendant mais pas inactif, son imaginaire bouillonnait. Mais s’il arrivait qu’on lui demande de rapporter un verre d’eau, il revenait souvent avec une coupe de fraises ou le journal du matin. Passée la petite adolescence, il avoue presque avec étonnement qu’un basculement s’était opéré. « Je commençais à développer un don d’imitation, je singeais les professeurs, montais des piécettes sur le canapé du salon ou derrière les rideaux. Un jour, dans un des jardins qui entourait notre maison à Batroun, je ramasse copains et cousins, récupère des planches de bois dans un chantier du quartier, monte un théâtre en toutes pièces et invite tout le quartier à la représentation. Une seule contrainte s’imposait, chaque spectateur devait apporter son propre siège et déposer une tablette de chocolat en guise de tribut », se souvient-il. Le village était en liesse et ignorait, à l’époque, qu’il acclamait là un futur grand artiste.

Georges Khabbaz est un enfant bien élevé, il prend donc soin de rendre les planches une fois le rideau tombé. Problème, les planches sont ravagées par les clous. « Le propriétaire furieux vient se plaindre chez mon père qui, en bon comédien, joue le rôle du père sévère et fait semblant de nous tancer, alors qu’il était fier et ravi. »
L’école terminée, le jeune artiste rejoint l’USEK où il étudiera la musicologie pour enfin obtenir son master en musique de théâtre. Le spectacle pouvait commencer. « J’ai préféré décrocher un diplôme de musicologie plutôt que d’art dramatique. Parce que j’estime que la musique s’étudie, alors qu’on n’a pas vraiment besoin d’apprendre à jouer la comédie. »


(Lire aussi : Une pièce de Georges Khabbaz présentée par des jeunes de la fondation al-Kafaàt)



À la note près
C’est par sa virtuosité en matière d’humour et de lucidité que Georges Khabbaz impressionne. Il navigue, avec une énergie incroyable, du comique des mots au comique de caractère, de la légèreté à la gravité. S’il lui faut attendre la trentaine avant de connaître le succès, cela lui permet de développer une expérience conséquente au théâtre et au cinéma, et de maîtriser tous les ressorts du théâtre. Depuis, il n’a de cesse de monter en puissance, traçant tranquillement mais assurément son chemin. Après ses débuts, en 1996, dans des séries télévisées comme « Nissa’ fil-3ssifa » ou « Talbine el-orb », c’est avec son émission télévisée « Abdo Abdo », un sitcom de 65 épisodes à la LBCI, qu’il séduit le public qui dès lors le suivra sur tous les chemins empruntés. « Quand je dirige au théâtre, j’ai la réputation d’être sévère. C’est vrai, mais c’est exprès. Une pièce de théâtre, c’est comme un morceau de musique qui fonctionne au métronome. Si on lui enlève ne serait-ce qu’une seule note, tout s’effondre. Comme je suis moi-même rieur de nature, j’essaie de faire régner l’ordre pour que tout le monde soit sérieux. Mais si j’ai une même équipe depuis 15 ans, c’est que nous sommes une même grande famille au service d’un art engagé. »

La consécration
Après avoir touché au monde du cinéma en tant qu’acteur ou réalisateur – en 2006, où il partage l’affiche avec Nada Abou Farhat dans le film Sous les bombes dirigé par Philippe Aractingi (qui lui a valu le prix du meilleur acteur au 8e Festival de Rotterdam) ; en 2008, dirigé par Hatem Ali pour son film Silina avec Doreid Lahham et Miriam Fares, – il obtiendra nombre de consécrations et se lancera en 2012 dans l’écriture, avec son film Ghadi dirigé par Amin Dora. Film dont il joue, en outre, le rôle principal et qui obtiendra plus de 14 prix. Depuis 1994, il a mis en scène et dirigé plus de 12 pièces de théâtre. C’est ainsi que suite au succès de sa dernière œuvre Illa iza, il retrouve cet été le chemin de Baalbeck où, dans le temple de Bacchus, les 11 et 12 août, il ajoutera à sa pièce un orchestre de 47 musiciens et une chorégraphie au service de 20 danseurs. « Baalbeck est un espace qui vous impose quelque chose de différent. Je me dois d’honorer ce lieu mythique et de me plier à cette dimension », dit-il. Il offrira au public une vision de production différente mais toujours le même message.

Si ses pièces de théâtre sont esthétiquement puissantes, il n’oublie jamais que son œuvre tend surtout à instaurer le dialogue et l’acceptation de l’autre. Ben disait : « Écrire, c’est peindre la vie. » Pour Georges Khabbaz, « jouer, c’est dépeindre le réel ». Entre l’homme et l’acteur, l’écrivain ou le penseur, l’amoureux de la vie et le bonhomme sérieux, Georges Khabbaz prend toujours le même point de départ, celui de l’humain qu’il protège et dont il revendique le droit à la liberté et au bonheur. Peut-être que son message par la médiation des dieux pourra enfin atteindre les hommes, les toucher et les réveiller. Quant à lui, il demeure un homme en continuel éveil, reconnaissant envers la vie qui lui a fait le plus beau des cadeaux, celui du talent au service d’une passion.

1980

À 4 ans, mes débuts sur scène

1996

1re pièce de théâtre, Dame de camélias

2002

« Abdo Abdo », sitcom pour la LBCI

2004

Première pièce en tant qu’auteur-réalisateur et producteur Msibi jdidi

2012

Film au cinéma Ghadi où il est acteur et scénariste

2017

Pièce de théâtre à succès au Château Trianon, Illa iza

2018

Festival de Baalbeck


http://galeriecherifftabet.com/fr/alterner-home/



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