Si l’orage semblait s’être quelque peu calmé hier sur les deux fronts interchrétien (Forces libanaises-Courant patriotique libre) et interdruze – notamment après l’attaque particulièrement vive dimanche du chef du Parti démocrate, Talal Arslane, contre le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt –, c’est le conflit intersunnite entre les députés sunnites pro-Damas et Saad Hariri qui a refait surface.
En visite chez le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, à Dar el-Fatwa, le député Abdel Rahim Mrad a renouvelé son appel à l’adresse du Premier ministre désigné, Saad Hariri, afin que les « députés sunnites qui ne sont pas affiliés au courant du Futur – M. Mrad lui-même, ainsi que MM. Jihad Samad, Nagib Mikati, Fouad Makhzoumi, Adnane Traboulsi, Fayçal Karamé, Kassem Hachem, Oussama Saad, Walid Succariyé et Bilal Abdallah – soient représentés au sein du gouvernement », ce que M. Hariri ne serait pas disposé à leur accorder jusqu’à présent, selon des sources proches de son parti.
C’est d’ailleurs l’un de ces députés sunnites non haririens, Jihad Samad, qui s’est exprimé hier à l’issue de la réunion du groupe parlementaire de la Coalition nationale à Denniyé, en présence des députés Fayçal Karamé, Tony Frangié, Fayez Ghosn, Farid Haykal el-Khazen, Moustapha Husseini, Estephan Doueihy et de l’ancien ministre Youssef Saadé, pour « rappeler les responsables à leurs devoirs nationaux avant l’explosion, qui est désormais proche ».
« Ce qui se produit au niveau de la formation du cabinet n’est plus une simple question d’impasse politique, mais augure de dangers qui menacent le Liban à tous les niveaux, et qui commencent à se faire sentir à travers la paralysie de la vie politique et des institutions constitutionnelles et la montée en grade des crises économiques et sociales », a indiqué le bloc dans son communiqué. « Le pays tout entier, voire le régime, l’entente et l’économie sont sur le fil du rasoir », a-t-il souligné.
M. Samad a également réclamé que son groupe parlementaire soit représenté par deux ministres au sein du nouveau gouvernement, sur base des résultats des élections législatives. Il a enfin mis en garde contre « toute proposition qui s’écarterait de la Constitution et pactes et qui ferait voler en éclats ce qui reste de stabilité dans le pays ».
(Lire aussi : Arslane se déchaîne contre Joumblatt, le PSP refuse de répondre)
À l’heure où la genèse du nouveau cabinet semble plus que jamais dans les limbes, deux mois après la désignation de M. Hariri, le quotidien koweïtien al-Raï faisait en effet état hier d’une volonté du président Michel Aoun de rejeter les demandes formulées par le PSP et les FL concernant leur représentation ministérielle, ajoutant qu’il compterait ne pas limiter la représentation sunnite au seul courant du Futur. Selon al-Raï, M. Aoun serait à la recherche de solutions pour destituer Saad Hariri de sa mission de Premier ministre désigné et former un gouvernement avec l’appui de 80 députés en nommant un autre que M. Hariri à ce poste, d’ici à deux semaines.
Interrogée à ce sujet, une source proche du courant du Futur mettait hier en garde contre toute dérive « présidentialiste » et toute tentative de « s’écarter du processus prévu par la Constitution et l’accord de Taëf » à travers quelque « formule ingénieuse du ministre de la Justice », soulignant qu’« une remise en question de l’accord de Taëf entraînerait aussi d’autres modifications à d’autres niveaux » et que les prérogatives relatives à la formation du gouvernement reviennent au Premier ministre désigné.
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commentaires (4)
Pauvre Liban...
Soeur Yvette
16 h 59, le 24 juillet 2018