Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, a rompu hier avec la politique d’apaisement qu’il suivait jusque-là, en accusant nommément le chef du CPL, Gebran Bassil, d’être à l’origine du blocage, et en pressant le président Michel Aoun d’intervenir sans tarder « pour mettre fin à la série de heurts entre le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et tout le monde ».
Les propos de Samir Geagea, à paraître aujourd’hui dans le quotidien koweïtien al-Raï, viennent ainsi conforter la thèse de tous ceux qui jugent que la naissance du gouvernement ne sera pas de sitôt et qui expliquent leur raisonnement par les calculs des divers partis et courants en présence, fondés sur les changements locaux et régionaux, en prévision du prochain équilibre des forces dans le pays. Et ce, en dépit du climat d’optimisme que le Premier ministre désigné, Saad Hariri, essaie de distiller et que le président s’est lui aussi efforcé de répercuter en affirmant hier, devant ses visiteurs, que « la semaine prochaine sera décisive au niveau de la formation du cabinet ».
« Quelque chose d’étrange est en train de se produire : à chaque fois que nous, et d’autres aussi, entreprenons des démarches d’apaisement, Gebran Bassil s’empresse de tout faire voler en éclats », a affirmé M. Geagea à Raï. Il a vivement reproché au chef de la diplomatie ses calculs pour attribuer aux Forces libanaises « un portefeuille ministériel de plus ou de moins ». « La question est de savoir si c’est de la sorte que les FL doivent être récompensées. C’est honteux. Conformément aux chiffres imprécis de Bassil selon lesquels nous représentons 31 % des voix chrétiennes, notre part au gouvernement devrait être de 5 ministres. Pourquoi chicane-t-il alors ? » s’est-il interrogé.
(Lire aussi : La semaine prochaine sera « décisive » pour la formation du cabinet, selon Aoun)
Si les propos du chef des FL rejoignent ceux du président pour ce qui est des prérogatives du Premier ministre désigné dans la formation du gouvernement, ils divergent résolument sur le reste, notamment sur le rôle joué par les FL au sein du gouvernement sortant. Le chef de l’État s’en est pris sans les nommer « aux partis qui ont entravé la mise en application du plan d’électricité », au moment où Samir Geagea expliquait que l’opposition de ses ministres à la procédure qui avait été suivie pour la location de navires-centrales a « servi le mandat parce que lui avons évité le bazar du siècle et que nous continuerons de la contester ». Michel Aoun a en revanche placé cette opposition dans le cadre d’une « volonté d’empêcher l’équipe ministérielle proche du président de réaliser le plan prévu pour l’électricité afin qu’il ne lui soit pas accrédité », ce qui pourrait être interprété comme l’expression d’une volonté de ne pas attribuer aux partis qu’ils a situés dans le cadre de l’opposition, notamment les FL, le PSP et les Marada, le nombre de portefeuilles qu’ils réclament.
(Lire aussi : Le gouvernement entre les interférences externes et l’épineux dossier des relations avec la Syrie, le décryptage de Scarlett Haddad)
Il n’en reste pas moins que c’est au président que Samir Geagea en appelle afin de remettre les pendules à l’heure, en relevant que « c’est surtout le comportement de Gebran Bassil qui mine malheureusement son mandat ». « Nous souhaitons que le chef de l’État intervienne rapidement et lance une opération de sauvetage pour mettre fin à la série de heurts du ministre des Affaires étrangères avec tout le monde ». « Il appartient au Premier ministre désigné et au chef de l’État de former le gouvernement. Pourquoi Gebran Bassil s’arroge-t-il ce rôle ? Malheureusement, son discours est truffé d’erreurs et il n’est pratiquement pas possible d’en tirer un seul mot juste », a poursuivi M. Geagea, en assurant que Saad Hariri « ne renoncera pas à sa mission et ne formera pas de gouvernement sous la pression ». Il a dans le même temps réaffirmé son attachement à l’accord de Meerab, soulignant que M. Bassil est libre de « s’en dégager s’il le souhaite ».
Dans la journée, ce dernier avait attaqué ses détracteurs, lors de l’inauguration d’un bureau « de services » du CPL à Jounieh, les accusant de « vouloir prendre de son parti ce qu’ils n’avaient pas réussi à lui arracher grâce aux millions de dollars qu’ils avaient obtenu de l’extérieur, pour nous faire perdre aux élections ».
Lire aussi
Hariri : "C'est moi qui forme le gouvernement"
Berry pousse subrepticement Hariri à faire front à Aoun
Pour ses proches, Aoun ne cédera pas, le décryptage de Scarlett Haddad
Le nœud druze, une histoire d’arroseur arrosé
Une autre raison pour expliquer la lenteur du processus de formation du gouvernement..., le décryptage de Scarlett Haddad
Raï aux deux parrains de l’accord de Meerab : Il faut protéger la réconciliation historique
commentaires (6)
La guéguerre interchiite La guéguerre interdruzes La guéguerre interchretiens Tiens tiens!meme son de cloche partout! et le Hezb prolifère Bassil recoit chaque matin sa feuille de route du Hezbolla!
Jack Gardner
14 h 11, le 20 juillet 2018