Alors qu’un semblant d’éclaircie pourrait apparaître dans les prochains jours sur le front CPL-FL pour ce qui est de la répartition des portefeuilles ministériels dans le prochain gouvernement, sans que rien ne soit assuré pour le moment, il reste que les obstacles qui continuent d’entraver la mise sur pied du cabinet demeurent importants. Un nouvel élément semble entrer en jeu ces jours derniers. Il réside non pas dans l’impatience du président de la Chambre, Nabih Berry, exprimée déjà il y a plusieurs jours, mais dans une tentative de ses milieux de pousser le Premier ministre désigné, Saad Hariri, sinon au clash avec le président de la République, du moins à faire face à ce dernier.
Dans l’entourage de Aïn el-Tiné, on estime qu’il est temps pour le Premier ministre d’exercer ses prérogatives en la matière en tranchant sans plus tarder. « Que les autres assument ensuite les conséquences de leur refus, une fois que M. Hariri aura imposé son choix », dit-on dans ces milieux, dans une allusion à une éventuelle fin de non-recevoir que pourrait lui opposer Michel Aoun. Ce serait, d’après cet avis, la seule manière de faire bouger les choses pour sortir de la stagnation qui perdure depuis près de deux mois.
La lassitude du chef du Parlement en dit long d’ailleurs sur la tournure que prennent désormais les marchandages et les tiraillements autour des poids respectifs des uns et des autres et qui, théoriquement du moins, sont censés se traduire en nombre de portefeuilles équivalents, une équation qui, dans la pratique, a fini par être torpillée par ceux qui se sont érigés en maîtres du jeu, à leur tête le CPL. Si l’on en croit les parties lésées, ce dernier semble opérer selon la règle qui dit : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi et à moi. » C’est ce que tenterait d’appliquer la formation dont est issu le chef de l’État à l’égard des FL et du PSP, auxquels l’on refuse toujours de consentir la « part » qu’ils réclament, soit une répartition égale entre CPL et FL au niveau des postes chrétiens prévue dans l’accord de Meerab, d’une part, et trois portefeuilles confiés à des druzes du bloc joumblattiste, d’autre part.
Refusant de se prononcer sur le nombre de sièges que réclament au final les FL, une source au sein de cette formation se contente d’évoquer une équation fluctuante entre « qualité et quantité » en termes de portefeuilles, laissant entendre que son parti « serait prêt à envisager d’autres options pour ce qui est du nombre total de ministères espéré s’il obtenait des portefeuilles régaliens ». La source précise qu’à l’inverse de la dichotomie du vainqueur-vaincu qui marque la crise entre le CPL et le PSP, la situation des FL est plus simple et peut être résolue, puisque « la marge de manœuvre est large et le déblocage désormais possible ».
Le responsable commentait les derniers développements à ce sujet sachant qu’une rencontre venait de réunir, samedi, à Bqaa Kafra, (Bécharré), le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, et le chef des FL, Samir Geagea, en marge des célébrations de la fête de saint Charbel. L’entretien, assure le responsable FL, a été l’occasion pour le patriarche, qui œuvre depuis plusieurs jours à un rapprochement entre les deux grandes formations chrétiennes, de « réitérer son souci de voir consolidée l’unité des rangs et de préserver l’entente de Meerab ».
Mgr Raï avait réuni jeudi à Dimane le député Ibrahim Kanaan (CPL) et le ministre sortant, Melhem Riachi (FL), afin de redynamiser la réconciliation entre les deux camps.
Les récents détails des négociations autour du gouvernement ont été livrés par M. Geagea au patriarche maronite, qui ne s’est toutefois prononcé que sur les grands principes sans entrer dans la cuisine inhérente à cet exercice, si l’on en croit la source. Celle-ci laisse toutefois entendre qu’un entretien entre des représentants des FL et le chef du CPL, Gebran Bassil, serait envisageable, d’autant que c’est le président qui aurait demandé aux FL aussi bien qu’à Saad Hariri qu’une telle rencontre puisse avoir lieu en vue de rétablir la communication.
Le patriarche ne s’est toutefois pas privé hier de tancer les responsables politiques sans les nommer, dans son homélie prononcée à la messe dédiée à l’anniversaire de saint Charbel.
« Le pire pour un responsable est de ne pas prendre une décision ferme », a-t-il dit, soulignant que tout le monde, au Liban aussi bien qu’à l’extérieur, attend impatiemment la formation du gouvernement. Pour Mgr Raï, qui a rappelé au passage les requis de la conférence dite CEDRE, le fait de « s’agripper aux quotes-parts que l’on réserve exclusivement aux blocs parlementaires en marginalisant les personnes compétentes non partisanes issues de la société civile, ne justifie pas le retard qui se fait aux dépens de l’intérêt public ».
Si le patriarche a dit son mot et rappelé les responsables à l’ordre – ce qu’il n’a cessé de faire depuis le début – il n’est pas dit que ces derniers vont pour autant obtempérer d’autant que les blocages dépassent le simple décompte des portefeuilles à répartir entre les diverses formations pour poser une autre problématique, celle du refus du Premier ministre désigné d’accorder au CPL et au président de la République plus de 10 sièges, pour ne pas leur livrer le tiers de blocage.
« M. Hariri ne peut ignorer sa base populaire qui aujourd’hui estime qu’en arrachant le tiers de blocage au sein du gouvernement, le camp du CPL serait ainsi en train de contourner Taëf », commente pour L’OLJ un membre du bureau politique du courant du Futur, Moustapha Allouche. « Ce serait clairement un retour aux bonnes vieilles pratiques selon lesquelles le chef de l’État forme le gouvernement et bloque le gouvernement », dit-il.
Si le Premier ministre désigné est aujourd’hui appelé à « arrondir les angles » pour faciliter la formation du gouvernement, « il n’est certainement pas prêt à faire de la complaisance ». Il ne serait pas disposé non plus à entrer en confrontation avec le chef de l’État en « tranchant », comme suggéré dans les milieux berrystes, d’autant qu’il est appelé à cohabiter pendant quatre ans avec le président, insiste encore M. Allouche. Une chose est sûre selon ce responsable haririen : une fois le spectre du tiers de blocage éloigné, tous les autres nœuds seront automatiquement défaits.
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ON NE FAIT PAS FRONT EN TERGIVERSANT ! DU QUAND NOUS JOUIONS A LA MARELLE...
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20 h 01, le 16 juillet 2018