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Liban - Législatives 2018 - Portrait

Adib Tohmé, intellectuel et pragmatique

Adib Tohmé.

Regard limpide et doux, un brin timide, timbre de voix bas mais qui véhicule haut et fort ses idées intellectuelles et convictions politiques, Adib Tohmé est avocat et économiste, enseignant universitaire et auteur de nombreux ouvrages juridiques, économiques et politiques. Il a décidé de s’impliquer « sur le terrain » en vue d’œuvrer pour le changement de la stratégie politique et socio-économique du pays, prôné dans ses études et recherches. Il présente sa candidature à l’un des quatre sièges maronites dans la circonscription du Metn (Mont-Liban II) en tant qu’indépendant sur la liste de la société civile Koullouna watani. 

Ce diplômé de Harvard (1993) est engagé depuis ses années d’université à « défendre la dignité humaine et la nécessité de la placer au centre de toute action politique ». « J’ai rédigé de nombreux écrits dans Harvard Law Review », relève-t-il, indiquant qu’« avec les autres membres de l’équipe de rédaction, nous nous réunissions chaque semaine autour du rédacteur en chef Barack Obama (devenu président des États-Unis une quinzaine d’années plus tard, en 2009), pour discuter de thèmes relatifs aux droits humains et sociaux ». De cette expérience, M. Tohmé est sorti encore plus convaincu de « la primauté de l’homme sur le capital », plaidant constamment pour « la liberté et la dignité humaines ».

Aujourd’hui, l’échéance électorale lui fait amèrement constater que ces valeurs sont bafouées, notamment par les pratiques d’achat de voix, qu’il décrit comme « une véritable humiliation de l’homme, liée à la culture de l’argent, modèle aberrant de représentativité ». L’argent électoral lui a d’ailleurs inspiré le sujet d’un roman-fiction qu’il signera en novembre au Salon du livre francophone. « Dans mon livre intitulé Au bout du compte, je fais allusion à certains candidats de ma région qui excellent dans l’art de corrompre », confie ce natif de Kornet el-Hamra, jugeant que « l’orientation du pays dépend en partie du choix ou du rejet par les électeurs de tels candidats ». « L’enjeu est en fait de choisir entre, d’une part, un État clientéliste sur lequel reposent les pratiques de corruption, et, de l’autre, l’édification d’un État démocratique basé sur des valeurs d’égalité et de liberté », martèle-t-il.

C’est d’ailleurs sa critique du pouvoir monétaire qui a poussé cet homme de droit à se spécialiser dans la fiscalité internationale et les procédures contre le blanchiment d’argent. Détenteur d’un master en droit des affaires et fiscalité de l’Université d’Assas (Paris II), et d’un MBA de l’École supérieure des affaires (ESA), il jongle entre ses bureaux de New York (où il est membre du barreau), de Dubaï et de Beyrouth. Avocat-conseil de plusieurs banques libanaises, il est consulté notamment pour les procédures de contrôle de flux d’argent en phase avec les mesures américaines contre le Hezbollah. Il s’est penché en outre sur des dossiers de personnes placées sur la liste de l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), organisme américain en charge du contrôle financier de terroristes et de trafiquants de drogue.


(Lire aussi : Riad Akel, ou la lutte pour rendre justice aux « minorités »


En faveur des jeunes

Ce quadragénaire marié à Joumana Habis et père de trois enfants de 19, 18 et 14 ans, a toujours œuvré en faveur des jeunes. Sur le ton humble qui lui est propre, il raconte qu’il avait à peine 25 ans (1995) lorsqu’il a planché sur le financement de start-up à New York. Rentré au bercail l’année suivante, il crée pour les jeunes anglophones l’opportunité de suivre des études de droit, instaurant à l’Université La Sagesse le premier programme de licence en droit en langue anglaise. Nommé à l’époque directeur du programme, il enseigne depuis 22 ans l’économie internationale au sein de l’établissement. « Mais mon initiative à l’Université La Sagesse n’a jamais altéré mon attachement à la francophonie », tient toutefois à préciser cet ancien étudiant et enseignant à l’Université Saint-Joseph, où il a dispensé des cours d’analyse financière durant une dizaine d’années, avant de se démettre depuis peu, « faute de temps ». « La francophonie fait partie de notre identité culturelle et de notre système de valeurs », estime-t-il, avant d’ajouter : « Je la défends avec force d’autant qu’elle fait la spécificité du Liban. » 

Lui qui connaît les problèmes des jeunes pour les avoir si longtemps accompagnés, il veut batailler pour la création d’emplois. « Il faut remplacer l’économie de l’État rentier, basée sur la dette publique, par une économie de production », affirme dans ce cadre l’expert, préconisant par exemple « l’investissement des banques dans des secteurs productifs (comme la culture et l’art) plutôt que dans la spéculation immobilière ». Celle-ci génère, selon M. Tohmé, une hausse de prix sans tenir compte du pouvoir d’achat des Libanais. 

Ce candidat indépendant croit ferme qu’il pourra contribuer au changement s’il est élu. « Je conclurai un pacte avec les quelques parlementaires qui veulent comme moi développer le pays », se promet-il, notant que, « dans le monde, le changement a toujours été réalisé par les minorités ». Mais encore faut-il qu’il puisse accéder à l’hémicycle. S’il déplore que « la proportionnelle a été élaborée à la mesure des responsables en place », évoquant aussi « l’inégalité de moyens entre les candidats au plan de la campagne électorale », il déclare toutefois compter sur « le vote de rejet » des jeunes de moins de 40 ans dont il perçoit le ras-le-bol à travers les réseaux sociaux et lors de ses réunions avec eux. « Les gens réalisent de plus en plus qu’il peut y avoir une autre alternative et que l’offre politique véritable est la nôtre », assure, confiant, ce membre de la société civile.

Parmi d’autres axes sur lesquels se focalise Adib Tohmé figure aussi l’environnement, « par souci, dit-il, de respecter l’engagement qui nous est édicté de préserver la nature et d’établir une économie durable pour ceux qui viennent après nous ».

Enfin, il voudra, s’il obtient son visa d’entrée au Parlement, tenter de mettre toute la lumière sur le dossier des disparus. « Pour que la mort ne soit pas tuée », lâche celui qui ne manque jamais d’exprimer son attachement indéfectible à la dignité de l’homme.


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