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Moyen Orient et Monde - Syrie

Macron se lance dans une mission diplomatique quasi impossible

En voulant ramener l’ensemble des acteurs autour de la table des négociations, Paris devra faire face à de nombreux blocages.

Le président français Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse, hier, au palais de l’Élysée, à Paris. Charles Platiau/Pool/Reuters

Les frappes de samedi, menées avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, auront permis à la France de se mettre en avant sur la scène diplomatique du conflit syrien. Fort de cette opération, Paris veut désormais réunir toutes les parties concernées. Dans une interview accordée dimanche soir à BFMTV, RMC et Mediapart, le président français Emmanuel Macron a expliqué qu’en dépit de son action militaire, « la France n’a pas déclaré la guerre au régime ». Le but est de trouver « une solution inclusive en Syrie, et c’est un point de vraie convergence avec la Russie », a ajouté le président français. Ce dernier a, en ce sens, exprimé le souhait de « pouvoir au moins convaincre les Russes et les Turcs de venir autour de cette table de négociations ».

Ces propos s’inscrivent dans la continuité de ceux tenus plus tôt dans la journée par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. « Je ne pense pas que Bachar el-Assad entendra tout, mais je pense que Vladimir Poutine est en mesure d’entendre », a-t-il déclaré. Ce dernier avait déjà précisé la veille que « la France va reprendre très vite des initiatives politiques pour un plan de sortie de crise, nous sommes prêts à y travailler avec tous les pays ».

La mission semble quasi impossible. Attendre de Moscou qu’il fasse des concessions ressemble fortement à un vœu pieux, compte tenu de sa défense farouche de son protégé syrien tant sur le plan militaire que diplomatique. La Russie n’a cessé d’imposer son veto aux projets de résolution présentés par les membres occidentaux du Conseil de sécurité en vue de condamner Damas. La stratégie française est « un héritage de la vieille culture de la guerre froide pour traiter des conflits périphériques, mais elle est aujourd’hui dépassée », souligne Bertrand Badie, professeur de relations internationales à Sciences Po Paris, interrogé par L’Orient-Le Jour. Le fait de compter sur Moscou pour faire pression sur Bachar el-Assad n’a rien de nouveau. Cette option présente néanmoins de sérieuses limites, puisqu’elle n’a donné aucun résultat jusqu’à maintenant.


(Lire aussi : Assad sort-il vraiment affaibli de la « punition » occidentale ?)


Ankara fustige Macron
L’autre acteur en ligne de mire des Français, la Turquie, constitue un partenaire dont la fiabilité est difficile à évaluer sur le dossier syrien. Ankara fait la girouette en jouant sur plusieurs tableaux : avec ses alliés occidentaux au sein de l’OTAN d’une part, et avec la Russie et l’Iran d’autre part dont il s’est rapproché au courant de l’été 2016. La relation entre ces derniers a été renforcée par le feu vert russe donné aux Turcs pour lancer l’opération baptisée « Rameau d’olivier » en janvier contre les Kurdes à Afrine, ville du Nord-Ouest syrien, non loin de la frontière avec la Turquie.

Bien qu’Ankara ait apporté son soutien aux frappes occidentales, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, s’est empressé hier de fustiger les propos d’Emmanuel Macron selon lesquels les frappes occidentales ont « séparé » Ankara et Moscou. « Nous pouvons penser différemment, mais nos relations avec la Russie ne sont pas faibles à tel point que le président français puisse les rompre », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe à Ankara avec le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Toutefois, « nos relations avec la Russie ne sont pas une alternative à nos relations avec l’OTAN ou avec nos alliés », a-t-il nuancé. Malgré le flou stratégique entretenu par la Turquie, « en tant que puissance régionale, elle dispose de deux atouts : la proximité géographique et les alliances qu’elle peut conclure ponctuellement », souligne M. Badie. « Tout le monde en a besoin pour une éventuelle paix », poursuit-il.


(Lire aussi : La logique de Munich, l'édito de Michel TOUMA)


« Plus une compétition qu’un front uni »
En mettant en avant un plan d’action basé sur le multilatéralisme, la France reste dans sa ligne diplomatique traditionnelle. Interrogé sur la possible préparation d’un sommet international pour la paix en Syrie, M. Macron a dévoilé dimanche que « s’il n’y avait pas eu l’utilisation des armes chimiques et l’intensification des conflits dans la Ghouta orientale (…), j’avais prévu de me rendre en Turquie et de rencontrer le président Poutine, le président Erdogan et le président Rohani ». Paris a récemment montré ses talents de médiateur sur le plan diplomatique dans le cadre de l’affaire concernant le Premier ministre libanais Saad Hariri et l’Arabie saoudite en novembre dernier, mais cette réussite est à nuancer au regard de ses difficultés sur le dossier du nucléaire iranien. Alors que la France cherchait à obtenir des concessions de la part de Téhéran sur son programme balistique lors d’une visite de M. Le Drian en mars, ce dernier s’est heurté à une fin de non-recevoir de la République islamique.

Dans le scénario actuel, la France a l’avantage d’avoir, dans une certaine mesure, l’oreille du locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump. Alors qu’il a affirmé à plusieurs reprises qu’il souhaite le retrait de ses troupes en Syrie, « nous l’avons convaincu qu’il était nécessaire d’y rester (…) dans la durée », a déclaré M. Macron, dimanche. Des déclarations qui n’ont toutefois pas été du goût de Washington, amenant M. Macron à préciser hier que l’« engagement militaire en Syrie, qu’il s’agisse des États-Unis comme de tous les alliés de la coalition internationale, n’est pensé, justifié, que dans le cadre de la guerre » contre l’organisation État islamique.

Si M. Macron a réussi à s’imposer aux côtés du chef de la Maison-Blanche pour limiter les frappes aux sites syriens de recherche et de production d’armes chimiques, il doit faire face à un Donald Trump impulsif dont même les conseillers auraient du mal à contrôler les ardeurs, selon différentes sources. Le doute plane également quant à la volonté des Américains de s’investir diplomatiquement autant que Paris le souhaite sur le dossier syrien, alors qu’ils semblent vouloir garder une certaine distance à l’égard du conflit. La priorité numéro un pour Washington dans la région reste Téhéran, dont il voit l’expansion dans la région d’un mauvais œil.


(Lire aussi : Les frappes occidentales et leur impact mitigé, le décryptage de Scarlett HADDAD)


Moyens plus classiques et discrets
Paris peut enfin jouer, en plus de la carte diplomatique, du levier économique à propos de futurs projets de reconstruction, en tant que membre du bloc européen. Les Européens ont d’ailleurs menacé hier d’imposer de nouvelles sanctions à Damas. Mais il reste difficile d’envisager ce que les Européens peuvent avoir à offrir en contrepartie à Bachar el-Assad et ses parrains pour arriver à un compromis tandis que « l’on peut se demander dans quelle mesure il existe une diplomatie européenne, surtout au Moyen-Orient », s’interroge M. Badie. Si les ministres des Affaires étrangères des pays membres ont unanimement soutenu hier « les efforts » contre les armes chimiques en Syrie, de nombreuses divisions existent aussi sur le plan interne. « Nous soulignons que l’élan de la situation actuelle doit être utilisé pour revigorer le processus visant à trouver une solution politique au conflit syrien », ont dit les ministres selon les conclusions de la réunion d’hier. « L’Union européenne réaffirme qu’il ne saurait y avoir de solution militaire », est-il précisé.

La marche à suivre concernant le régime de Bachar el-Assad, et surtout à l’égard de son parrain russe, reste un débat brûlant qui complique la tâche des Européens pour parler d’une même voix sur ce dossier. « Beaucoup d’États européens essayent de s’imposer à partir d’autres biais », observe l’expert. « L’Allemagne, par exemple, use plutôt des moyens économiques ou diplomatiques plus classiques et discrets », ajoute-t-il. Selon le spécialiste, « il y a plus une compétition qu’un front uni entre les acteurs européens ».



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commentaires (3)

Regardez aussi la taille de la France dans ce jeu géopolitique ! N'oubliez pas de vous munir d'une loupe en essayant de regarder la taille de ce pays devenu liliputien, lol .

FRIK-A-FRAK

10 h 30, le 17 avril 2018

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Commentaires (3)

  • Regardez aussi la taille de la France dans ce jeu géopolitique ! N'oubliez pas de vous munir d'une loupe en essayant de regarder la taille de ce pays devenu liliputien, lol .

    FRIK-A-FRAK

    10 h 30, le 17 avril 2018

  • Tant que les occidentaux et L'OLJ ne voient les problèmes que d'un seul œil, ils ne pourront pas influencer quelque solution que soit. L'Iran n'a jamais bombardé un pays voisin, n'a jamais occupé le territoire d'autrui... les US et l'occident n'a qu'un mot à la bouche: L’Iran est le danger. Israël occupe, bombarde et tue... rien d'anormal. circulez, il n'y a rien à dire. L'injustice amène à la révolte et à la résistance. C'est en cela que nous ne partageons pas les analyses pro américaines de L'OLJ.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    08 h 46, le 17 avril 2018

  • La Turquie girouettes ? Peut-être! La Turquie est avant tout, un cheval de troie au sein des puissances mondiales. Toute l'histoire turque depuis sa naissance récente est jalonnée par cette instabilité d'alliance. en réalité est le fondement même de sa politique. Ne parlez pas de fiabilité quand il s'agit de ce pays. Un peuple est à l'image d'un individu. Son comportement dépend de son environnement et de son vécu depuis sa genèse. Le peuple turc, sera toujours à la recherche d'une légende pour agrémenter son passé sombre et son avenir incertain. Sa langue arabo-perse, s'écrie depuis 1925 en lettres latines... C'est tout ce qu'elle a hérité (plutôt imposé par Mustapha Kemal), de l'Europe. Les moers sont archaïques, sa politique agressive et en continuelle conflits avec l'ensemble de ses voisins proches, avec une connotation raciste envers les chrétiens et des minorités... Officiellement se dit atlantiste! Mais le peuple de nourrit dans la haine de l'occident. Bonne chance aux occidentaux mais aussi aux russes. Balawi...wcharchaha!

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 20, le 17 avril 2018

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