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Culture - Cinéma

Quand Morine devient Morino, puis sainte Marina

Premier film historique au Liban, « Morine », réalisé par Tony Farjallah et produit par son épouse, l’actrice Takla Chamoun Farjallah, raconte l’histoire de sainte Marina qui a vécu au Liban-Nord dans la Vallée sainte.

« Morine » (Carmen Bsaibes) apprenant la liturgie.

« C’est un rêve devenu réalité, affirme Takla Chamoun à L’Orient-Le Jour. Mon mari Tony Farjallah (NDLR : enseignant à la LAU et cinéaste) et moi rêvions de ce projet depuis longtemps, mais nous n’avions pas les possibilités de lui donner forme. Maintenant c’est fait. Le défi est relevé. Nous avons pu amasser des fonds, d’abord par un autofinancement – en hypothéquant certains de nos biens – et avec l’aide de quelques bienfaiteurs qui ont cru en ce projet, notamment Rose Choueiri. »

Les difficultés étaient en effet nombreuses. Car outre les obstacles financiers, il fallait d’abord offrir un film de qualité et convaincre le public que le film spirituel n’est pas nécessairement confessionnel, mais religieux et rassembleur. Sainte Marina dont les reliques existent à présent à Venise (suite aux nombreux vols perpétrés lors des Croisades) devra être rapatriée au Liban le 17 août 2018. Le portrait de la sainte a été brossé, peaufiné, abouti, après des recherches qui ont nécessité des années, souligne l’actrice et productrice libanaise. « Nous avons passé notre vie, mon mari et moi, à suivre ses traces. » Le message est également bien clair et abouti. Il s’agit de redonner la place à la foi, souvent galvaudée, et montrer qu’elle peut vraiment soulever des montagnes. « L’objectif du film était de raconter cette tessiture libanaise qui remonte à la nuit des temps. Formée de plusieurs communautés c’est elle qui fait la richesse du pays du Cèdre. Après Morine, on s’attaquera à l’histoire de l’émir Bachir », ajoute Takla Chamoun, qui tout en ne craignant pas de se répéter, martèle qu’« il faut donner confiance aux Libanais et leur montrer que leur pays est riche et divers, et que sa composition est vraiment unique en son genre. Qu’il ne faut pas donc se laisser abattre malgré toutes les difficultés que le Liban subit depuis des millénaires ».


(Lire aussi : De l’écriture jusqu’à l’écran : quand le cinéma libanais se retrousse véritablement les manches...)


Briser les règles et suivre sa voie
Morine est cette petite fille, privée de son père et de sa mère, qui vécut auprès de son grand-père dans le nord du Liban au Ve siècle. Attirée par le sacerdoce et le rituel religieux, elle rêve de servir la messe, tout comme son grand-père. À la mort de ce dernier, Morine se coupe les cheveux, porte la bure des prêtres et tente de rentrer dans les ordres. Combattue par des jaloux et des jalouses, elle devra faire face à un grave événement de sa vie qui l’obligera à porter sa propre croix. Avis au public non averti : éviter la confusion, car Morine n’est pas un travesti, mais un « transvestite » (en anglais, dont l’étymologie italienne signifie changer de vêtement, non de genre). Pourquoi en effet devrait-on interdire à une femme d’être prêtre, si elle accomplit, comme les hommes, tous les devoirs sacramentaux ?
La vie de Morine, devenue Morino, et qui sera béatifiée par l’Église, est un modèle de vie d’amour et de sacrifice. Produit par LFA et distribué par Spirifilm, le film est porté par un casting solidaire et qui s’est investi jusqu’au bout grâce au réalisateur Tony Farjallah : Carmen Bsaibes, Mounir Maasri, Hassan Farhat, Ghassan Massoud, Takla Chamoun, Mounir Keserwani… La photographie, signée Pôl Seif, la musique, Iyad al-Rimawi, le son Rana Eid et l’étalonnage couleur de Loup Brenta achèvent de placer l’œuvre dans le contexte de cette montagne libanaise habitée par les moines et par Dieu. 
Morine est tout simplement un film qui prouve qu’on peut, à l’aide de la foi, briser les règles préétablies et suivre sa voie et accomplir ses rêves.


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« C’est un rêve devenu réalité, affirme Takla Chamoun à L’Orient-Le Jour. Mon mari Tony Farjallah (NDLR : enseignant à la LAU et cinéaste) et moi rêvions de ce projet depuis longtemps, mais nous n’avions pas les possibilités de lui donner forme. Maintenant c’est fait. Le défi est relevé. Nous avons pu amasser des fonds, d’abord par un autofinancement – en...

commentaires (2)

J'ajoute que Marina n'a pas été béatifiée ni canonisée officiellement, mais, comme c'est le cas pour de nombreux saints des premiers siècles, par la "vox populi ". Par ailleurs, j'ai oublié de préciser que l'enfant deviendra moine au couvent de Qannoubine.

Yves Prevost

07 h 45, le 29 mars 2018

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Commentaires (2)

  • J'ajoute que Marina n'a pas été béatifiée ni canonisée officiellement, mais, comme c'est le cas pour de nombreux saints des premiers siècles, par la "vox populi ". Par ailleurs, j'ai oublié de préciser que l'enfant deviendra moine au couvent de Qannoubine.

    Yves Prevost

    07 h 45, le 29 mars 2018

  • Quelques remarques. A l'histoire, se mêlent, bien entendu, la légende et la fiction romanesque. L'histoire elle, est très peu bavarde. Ce que l'on sait de façon quasi-certaine, c'est son leu de naissance, Qalamoun. L'époque même est incertaine, sans doute milieu du VIème siècle. Son corps a été transporté à Constantinople par les byzantins (à l'exception du bras gauche laissé sur place)à une époque indéterminée. Lors du sac de Constantinople organisé par les vénitiens qui ont détourné la IVème croisade, il a été transporté à Venise, comme maintes richesses issues du pillage. le bras gauche, encore à Qannoubine au temps de Stéphane Douayhi, a disparu depuis (peut-être lors du sac du couvent en 1726 par les ottomans). La légende, elle, est plus prolixe. Elle nous dit (avec de multiples variantes) que Myriam, fille unique, adolescente lors de la mort de sa mère, a voulu suivre son père au couvent de Qannoubine, et pour cela, s'est déguisée en garçon, prenant le nom de Marinos (qui deviendra Marina). Accusée (évidemment à tort) d'un viol, elle fut chassée du couvent et obligée à vivre dans la grotte voisine avec le petit garçon, fruit de son crime supposé. Le reste, le grand-père, son désir de prêtrise... relèvent de la fiction romanesque, parfaitement légitime, d'ailleurs. Très populaire au Liban, elle figure le juste persécuté et injustement puni, comme l'ont été bien souvent les chrétiens, au cous des 4 siècles de pr♪0sence des patriarches à Qannoubine.

    Yves Prevost

    07 h 01, le 29 mars 2018

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