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Moyen Orient et Monde - syrie

Armes chimiques en Syrie : une vraie-fausse ligne rouge ?

Profitant de la passivité des Occidentaux, le régime de Damas aurait à nouveau eu recours au chlore mercredi dans la Ghouta.

Une fillette syrienne traitée pour des difficultés respiratoires dans une clinique dans la Ghouta orientale mercredi, suite aux bombardements du régime. Amer Almohibany/AFP

Si elle est confirmée, ce serait la cinquième attaque chimique contre la Ghouta orientale en moins de deux mois. Selon l’ONG l’Union des organisateurs de secours et soins médicaux (UOSSM), une attaque au chlore aurait eu lieu dans la soirée de mercredi dans les villes de Saqba et Hammouriyé. L’UOSSM fait état d’une centaine de personnes touchées, tandis que les Casques blancs évoquent une cinquantaine de victimes. Un rapport de la commission d’enquête de l’ONU sur les crimes de guerre publié mardi à Genève accuse également le régime Assad d’avoir eu recours à des armes chimiques, notamment dans le secteur de la Ghouta orientale.

Alors que Washington et Paris ont répété, à de multiples reprises, que l’utilisation d’armes chimiques constitue pour eux une ligne rouge susceptible d’entraîner des frappes punitives, le régime syrien et ses parrains russe et iranien continuent d’agir en toute impunité, profitant des « zones d’ombre » de cette doctrine. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a pourtant promis une nouvelle fois hier une « riposte française » en cas d’utilisation avérée d’armes chimiques. « Il y a aujourd’hui des faisceaux de convergences, des faisceaux d’indications qui laissent à penser que l’arme chimique peut être utilisée ou a déjà été utilisée », a-t-il ajouté à CNews, en précisant que la France « n’a pas de preuves » pour l’instant.

Le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump avaient également réaffirmé, à l’occasion d’un entretien téléphonique vendredi dernier, qu’ils ne « toléreraient pas l’impunité » sur ce sujet. Mais Washington et Paris semblent avoir défini des critères précis avant de passer à l’acte, ce que le régime a clairement assimilé. « Je pense que Macron et  Trump cherchaient surtout à dissuader une attaque massive occasionnant de nombreux morts », explique à L’Orient-Le Jour Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. « Leurs “vraies” lignes rouges n’ont donc peut-être pas été franchies », poursuit-il.

Autre interprétation : le recours au chlore semble être toléré, contrairement à l’utilisation du gaz sarin, en dépit de la mort de nombreux civils. L’utilisation du chlore à des fins militaires est pourtant aussi explicitement prohibée par le Conseil de sécurité de l’ONU dans la résolution 2209, en accord avec la résolution 2118. « Assad sait qu’il n’y a pas beaucoup de volonté pour l’empêcher d’utiliser des armes chimiques comme le gaz moutarde et le chlore gazeux qui sont considérées comme désuètes et qui ne constituent pas une menace aussi sérieuse que les agents neurotoxiques plus modernes », estime Nicholas A. Heras, chercheur au sein du programme sur la sécurité au Moyen-Orient du Centre pour une nouvelle sécurité américaine (CNAS), contacté par L’OLJ. Ainsi, « Damas n’a pas utilisé de sarin entre 2013 (dans la Ghouta) et 2017 et semble depuis avoir testé les réactions occidentales à l’usage du chlore », confirme Bruno Tertrais. Dans ce cadre, « le régime pourrait donc estimer qu’il lui est de nouveau possible de passer à la vitesse supérieure », ajoute-t-il.


(Lire aussi : Ghouta : chronique d’une révolution écrasée)


Damas passe entre les mailles du filet
En janvier dernier, le secrétaire américain à la Défense James Mattis avait affirmé « que du chlore a été utilisé à de nombreuses reprises dans des attaques en Syrie », tout en précisant que « ce qui nous inquiète le plus, c’est la possibilité que du gaz sarin ait été utilisé récemment ». Un simple contact avec du gaz sarin, substance neurotoxique et inodore, peut bloquer l’influx nerveux et entraîner la mort par arrêt cardio-respiratoire, la dose létale étant seulement d’un demi-milligramme pour un adulte. Sa production et son utilisation sont prohibées depuis 1993 par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, mais la Syrie n’y a adhéré qu’en 2013, évitant de justesse une intervention occidentale sur son sol.

Selon M. Heras, les forces du régime passent entre les mailles du filet en « mêlant ces armes chimiques de moindre portée à des obus d’artillerie et à des bombes d’artillerie normales, ce qui rend encore plus difficile pour la communauté internationale d’évaluer si elles ont effectivement recours à des armes chimiques et quels ont été les effets de ces armes ». Pour le régime syrien et ses alliés, le recours à l’arme chimique a plusieurs avantages : il détruit un peu plus le moral des rebelles et des populations civiles, qui se sentent encore plus abandonnés, et affaiblit le droit international en la matière en créant de facto une situation d’impunité.

Le Conseil de sécurité n’est pourtant pas, théoriquement, dénué de moyens pour agir, puisque les résolutions 2209 et 2118 permettent « d’imposer les mesures prévues au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies » pour sanctionner le pays concerné ou recourir à la force « dans l’éventualité de nouveaux manquements » à ces textes. Le veto de Moscou, parrain du régime, rend toutefois cette option impossible.

Les puissances occidentales ont la possibilité d’intervenir en dehors du cadre onusien, comme au lendemain de l’attaque au gaz sarin par Damas sur la ville rebelle de Khan Sheikhoun, dans la province d’Idleb, le 4 avril 2017. Washington avait envoyé 59 missiles de croisière Tomahawk pour bombarder la base militaire d’où les avions du régime avaient décollé. Donald Trump avait ainsi renforcé son image d’anti-Obama, alors que l’ancien président américain s’était abstenu d’intervenir malgré le franchissement par Damas à l’été 2013 de la ligne rouge qu’il avait lui-même fixée. La possibilité d’une intervention américaine fait débat au sein de l’administration Trump, rapportaient des sources officielles au Washington Post la semaine dernière. Une intervention unilatérale provoquerait toutefois un risque d’escalade, notamment compte tenu du nombre de puissances directement impliquées en Syrie (États-Unis, Russie, Iran, Turquie, Israël). C’est un facteur qui entre nécessairement en compte dans la prise de décision de Washington et de Paris. Ce que Bachar el-Assad a parfaitement compris.




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Si elle est confirmée, ce serait la cinquième attaque chimique contre la Ghouta orientale en moins de deux mois. Selon l’ONG l’Union des organisateurs de secours et soins médicaux (UOSSM), une attaque au chlore aurait eu lieu dans la soirée de mercredi dans les villes de Saqba et Hammouriyé. L’UOSSM fait état d’une centaine de personnes touchées, tandis que les Casques blancs...

commentaires (3)

les gaz seraient de la propagande pour que l'occident intervienne un expert dit que les yeux rouges et les difficutés à respirer, ne serait pas du à du gaz, mais au "nuage" de poussières causés par les bombardements sur les immeubles

Talaat Dominique

19 h 02, le 09 mars 2018

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Commentaires (3)

  • les gaz seraient de la propagande pour que l'occident intervienne un expert dit que les yeux rouges et les difficutés à respirer, ne serait pas du à du gaz, mais au "nuage" de poussières causés par les bombardements sur les immeubles

    Talaat Dominique

    19 h 02, le 09 mars 2018

  • PROFITANT PLUTOT DE LA COMPLICITE CRIMINELLE ET DES VETOS PLUS CRIMINELS ENCORE DE LA RUSSIE POUTINIENNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 39, le 09 mars 2018

  • Vous savez quoi , franchement laissez tomber quoi ! Passons à autre chose svp.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 56, le 09 mars 2018

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